Nom de la loi
Loi Antia sumptuaria (pl. sc.)
Date
68 av. J.-C. ?
Rogator
C. Antius Restio
Thèmes
Sources
Gell., 2, 24, 13Bibliographie
- Rotondi, LPR, 367-368
- Kübler, B., RE, IV,1, 1931, s.u. sumptus, 907
- Syme, R., « Ten Tribunes », JRS , 53, 1963, 55-60, part. 59 (= Roman Papers , 2, Oxford, 1979, 557-565)
- Sauerwein, Leges sumptuariae, 140-144
- Griffin, M., « The Tribune C. Cornelius », JRS , 63, 1973, 196-213, part. 210
- Lintott, Bribery , 5-6
- Baltrusch, Regimen morum , 96-98
- Nadig, P., Ardet ambitus. Untersuchungen zum Phänomen der Wahlbestechung in der römischen Republik, Francfort, 1997, 79-80
- Ferrary, Studi Talamanca, part. 163-164
- Bottiglieri, A., La legislazione sul lusso nella Roma repubblicana , Naples, 2002, 166-167
- Coudry, Loi , 156
Commentaire
La datation de la loi, que Macrobe présente comme postérieure de quelques années à la lex Cornelia sumptuaria (notice 163), repose sur l’identification d’Antius Restio, qu’il désigne expressément comme son rogator. Il pourrait s’agir du tribun de la plèbe C. Antius, nommé avec ses collègues dans la praescriptio de la lex Visellia sur la cura uiarum (notice 755) datant de la même année que la lex Antonia de Termessibus proposée par les mêmes tribuns (notice 42).
Ses dispositions, indiquées par Aulu-Gelle, sont de deux ordres : d’une part une limitation des dépenses (sous-entendu : pour les repas), dont on ignore le détail, mais qui correspond au principe traditionnellement appliqué pour ce type de lois (lex Fannia : notice 380 ; lex Licinia : notice 510 ; lex Cornelia : notice 163). D’autre part, l’interdiction faite aux magistrats et à ceux qui vont obtenir une magistrature de participer de façon répétée à un dîner, sinon chez des personnes déterminées. Quelles sont exactement les catégories de personnes visées par cette interdiction ? L’expression employée par Aulu-Gelle (qui magistratus esset magistratumue capturus esset) évoque les formulations rencontrées dans les textes, juridiques ou littéraires, qui détaillent les étapes de l’obtention d’une magistrature : petere capere gerere (RS, n° 24, l. 90neue quem alium mag(istratum) petito neue capito neue gerito ; Cic., Phil., 5, 52ob eam causam placere uti L. Egnatuleio triennio ante legitimum tempus magistratus petere, capere, gerere liceat), où petere désigne la candidature, capere l’élection, gerere l’exercice de la magistrature (sur la distinction entre capere et gerere, Cic., Planc., 8Tum enim magistratum non gerebat is qui ceperat, si patres auctores non erant facti ; nunc postulatur a uobis ut eius exitio qui creatus sit iudicium populi Romani reprendatis ; Liv., 5, 13, 2et quia P. Licinius ut ceperat haud tumultuose magistratum maiore gaudio plebis quam indignatione patrum, ita etiam gessit, dulcedo inuasit proximis comitiis tribunorum militum plebeios creandi ; Liv., 39, 39, 4quod duos simul unus magistratus, praesertim curules, neque capere posset nec gerere). Qui magistratum capturus esset renvoie donc à la période qui précède l’élection, et recouvre deux catégories de personnes, les candidats et les magistrats désignés (Sauerwein, 144, n. 4 ; Ferrary, 164, n. 12) ; on peut se demander si le texte de la loi ne comportait pas l’expression habituelle qui magistratum peteret caperet gereret, qu’Aulu-Gelle (ou sa source) aurait transposée à sa manière. Quant aux personnes déterminées (certae personae) dont les candidats et les magistrats peuvent accepter l’invitation, l’expression recouvre des catégories qui devaient être énumérées dans la loi, et relever, comme c’est très souvent le cas, de la parentèle (Ph. Moreau, « La "Domus Augusta" et les formations de parenté à Rome », CCG, 16, 2005, 7-23, part. 18-20) et peut-être aussi des sodalités.
Cette disposition, qui écartait des banquets ceux qui postulaient ou exerçaient des charges publiques, constitue une innovation par rapport aux précédentes lois somptuaires, et rapproche la loi Antia des lois de ambitu (Sauerwein, Baltrusch, Griffin, Bottiglieri). Mais on sait que depuis le début du IIe siècle législation somptuaire et législation sur la brigue se développent parallèlement (voir notice de la loi Orchia, 571). A. Lintott fait même l’hypothèse que cette clause de la loi Antia visait à empêcher que soit tournée une disposition d’une lex de ambitu antérieure, qui aurait proscrit les banquets organisés par les candidats eux-mêmes : la loi Antia ne permettrait plus à ceux-ci d’utiliser leurs amis comme hôtes pour leurs clients (Lintott, Nadig).
Par cette clause nouvelle, la loi Antia s’inscrit dans un courant de réforme des mœurs politiques perceptible dès la fameuse censure de 70, et qui s’affirme en 67, d’abord avec les initiatives du tribun C. Cornelius concernant la corruption des magistrats et des sénateurs par les ambassades étrangères, reprises par son collègue A. Gabinius (Ascon., 47 St.C. Cornelius homo non improbus uita habitus est. Fuerat quaestor Cn. Pompeii, dein tribunus plebis C. Pisone M'. Glabrione coss. biennio ante quam haec dicta sunt. In eo magistratu ita se gessit ut iusto pertinacior videretur. Alienatus autem a senatu est ex hac causa. Rettulerat ad senatum ut, quoniam exterarum nationum legatis pecunia magna daretur usura turpiaque et famosa ex eo lucra fierent, ne quis legatis exterarum nationum pecuniam expensam ferret. ; cf. M. Bonnefond, « La lex Gabinia sur les ambassades », Des ordres à Rome, sous la dir. de C. Nicolet, Paris, 1984, 61-101), puis avec l’élaboration conflictuelle de la lex Calpurnia de ambitu. Cette législation est l’un des enjeux de l’affrontement entre partisans et adversaires de Pompée, au premier chef Lucullus et Hortensius (Syme ; Gruen, Last Generation, 1974, 213), qui sont aussi les représentants les plus marquants de l’épanouissement d’un luxe aristocratique revendiqué comme légitime. Le vote de la loi Antia paraît donc avoir une signification qui dépasse la simple répétition de prescriptions traditionnelles. Peut-être est-ce la raison qui a poussé le monetalis C. Antius C. f., sans doute le fils du rogator de la loi (Syme, Crawford), à faire figurer son portrait à l’avers des deniers qu’il frappe 20 ans plus tard, à nouveau dans un contexte de redressement moral (voir notice 481).
Du devenir de la loi, nous savons peu de choses sûres. Macrobe indique qu’elle fut sans effet « bien que personne ne l’ait abrogée », et illustre l’affirmation par l’anecdote selon laquelle son auteur lui-même « aussi longtemps qu’il vécut ne dîna pas hors de chez lui pour ne pas être le témoin du mépris dans laquelle elle était tenue » : on a là sans doute le reflet de la dérision qui s’attachait aux lois somptuaires depuis l’époque gracchienne, et qui a nourri le topos de leur inefficacité (Coudry, 154-157). Certains ont proposé d’établir une relation directe entre la loi et l’oratio in Antium petitorem préparée par Sestius, sans doute le familier de Cicéron (C. J. Fordyce, Catullus, Oxford, 1961, 198), et dont Catulle, 44, 6-12 Fui libenter in tua suburbana Villa malamque pectore expuli tussim, Non immerenti quam mihi meus uenter, Dum sumptuosas appeto, dedit, cenas. Nam, Sestianus dum uolo esse conuiua, Orationem in Antium petitorem Plenam ueneni et pestilentiae legi rapporte plaisamment qu’il a dû en faire lecture pour pouvoir participer aux festins somptueux de l’auteur. S’il paraît assuré que le personnage nommé Antius dans le poème est bien le rogator de la loi – car c’est ce qui donne leur sel aux vers de Catulle –, sa relation avec Sestius est moins claire. La difficulté tient aux deux sens possibles du terme petitor, qui peut renvoyer soit à une candidature (auquel cas la loi Antia n’est pas en cause), soit à une action en justice : mais même si petitor est à prendre au sens d’accusateur, rien n’assure qu’Antius ait accusé Sestius d’avoir violé sa loi somptuaire (comme le pensait Sauerwein ; contra, C. J. Fordyce, 200).
À signaler pour finir deux hypothèses modernes qui nous paraissent irrecevables. La première est qu’un passage d’une familière de Cicéron, (Cic., Fam., 7, 26, 2Ac tamen, ne mirere unde hoc acciderit quo modoue commiserim, lex sumptuaria, quae uidetur λιτότητα attulisse, ea mihi fraudi fuit. Nam dum uolunt isti lauti terra nata, quae lege excepta sunt, in honorem adducere, fungos, heluellas, herbas omnis ita condiunt ut nihil possit esse suauius. In eas cum incidissem in cena augurali apud Lentulum, tanta me διάρροια arripuit ut hodie primum uideatur coepisse consistere. Ita ego, qui me ostreis et murenis facile abstinebam, a beta et a malua deceptus sum. Posthac igitur erimus cautiores) fasse allusion à la loi Antia : voir notice 481. La seconde, que Trajan ait repris, lorsqu’il mit en place à la demande du Sénat des règles pour les élections (Plin., Epist., 6, 19nam sumptus candidatorum, foedos illos et infames, ambitus lege restrinxit), les prescriptions de la loi (Baltrusch) : les indications de Pline sont imprécises, ne mentionnant qu’une ambitus lex, et rien n’assure que la loi Antia, à supposer qu’elle ait pu passer à l’époque de Trajan pour une loi sur la brigue, ait été la seule à comporter des interdits sur les banquets (prudence de Sherwin-White, Letters of Pliny, 377).
Comment citer cette notice
Marianne Coudry. "Loi Antia sumptuaria (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice28/. Date de mise à jour :17/11/19 .