Nom de la loi
Loi Orchia somptuaire (pl. sc.)
Date
182 av. J.-C.
Rogator
C. Orchius
Thèmes
Sources
Fest., p. 220 L, s.u. obsonitauereBibliographie
- Rotondi, LPR, 276
- Kübler, B., RE, IV, 1, 1931, s.u. sumptus, 905
- Münzer, F., RE, XVIII, 1, 1939, 886
- Sauerwein, Leges sumptuariae , 70-74
- Lintott, A., « Imperial expansion and moral decline in the Roman Republic », Historia , 21, 1972, 626-638, part. 631-632
- Clemente, G., « Le leggi sul lusso e la società romana tra il III e il II secolo a.c. », in Società romana e produzione schiavistica, III, Roma-Bari, 1981, 3-14, part. 9
- Baltrusch, Regimen morum , 77-81
- Bottiglieri, A., La legislazione sul lusso nella Roma repubblicana , Naples, 2002, 132-136
- Elster, GMRR, 337-339
- Coudry, Loi, 138, 152
Commentaire
Votée « la 3ème année après la censure de Caton », comme l’indique Macrobe, qui précise que c’est la première des lois de cenis – la seconde, la lex Fannia (voir notice n° 380), ayant été votée « la 22ème année » après celle-ci –, elle fut portée par le tribun C. Orchius, inconnu par ailleurs, et de senatus sententia. Elle procède donc, comme la plupart des lois qui viseront à limiter le luxe de la table, d’une initiative sénatoriale. Que Caton, qui s’élève plus tard contre une tentative de dérogation à la loi, ait joué un rôle dans sa genèse est possible (Scullard, RP, 172), mais rien ne l’atteste expressément.
Macrobe n’en donne que la substance : elle fixait le nombre (entendons le nombre à ne pas dépasser) des convives. Nous ignorons ce qu’il était (pauci, dit Macrobe un peu plus loin), et parmi les indications relatives au nombre des convives dispersées dans les textes, la seule qui offre un point de comparaison pertinent est celle qui figure dans la loi d’Urso et limite à 9 le nombre d’invités autorisés pour un banquet électoral (Crawford, RS, 25, chap. 132Ne quis in c(olonia) G(enetiua) post h(anc) l(egem) datam petitor kandidatus,/ quicumque in c(olonia) G(enetiua) I(ulia) mag(istratum) petet, magistratus{ue} peten-/ 16. di causa in eo anno, quo quisque anno petitor/ kandidatus mag(istratum) petet petiturusue erit, mag(istratus) pe-/tendi <c(ausa)> conuiuia facito neue at cenam quem{ue}/ uocato neue conuiuium habeto neue facito sc(iens) <d(olo)> m(alo),/ 20. quo qui<s> suae petitionis causa conui<ui>um habeat/ ad cenamue quem{ue} uocet, praeterdum quod ip-/se kandidatus petitor in eo anno, -quo- mag(istratum) petat,/ uocari[t] dumtaxat in dies sing(ulos) h(omines) (nouem) conui<ui>um/ 24. hab-uerit-, si uolet, s(ine) d(olo) m(alo). neue quis petitor kandidatus/ donum munus aliudue quit det largiatur peti-/tionis causa sc(iens) d(olo) m(alo). neue quis alterius petitionis/ causa conuiuia facito neue quem ad cenam uoca-/ 28. to neue conuiuium habeto, neue quis alterius pe-/titionis causa cui quit d[on]um munus aliutue quit/ dato donato largito sc(iens) d(olo) m(alo). si quis atuersus ea/ fecerit, (sestertium) (quinque milia) c(olonis) c(oloniae) G(enetiuae) I(uliae) d(are) d(amnas) e(sto), eiusque pecuniae cui eor(um)/ 32. uolet rec(iperatorio) iudic(io) aput IIuir(um) praef(ectum)<ue> actio petitio per-/sec(utio)que ex h(ac) l(ege) i(us) potest(as)que esto. vacat/ ). Encore sa valeur est-elle relative, car on ne sait si la limitation imposée par la loi Orchia concernait seulement les banquets organisés par des candidats aux magistratures ou tous les banquets indistinctement.
Une notice de Festus Fest., p. 220 Lsaepe obsonauere. Cato in suasione <ne> de lege Orchia derogaretur : « Qui antea obsonitauere, postea centenis obsonitauere », citant à propos du terme obsonitauere quelques mots d’un discours prononcé par Caton pour combattre un projet de dérogation à la loi (cf. infra), semble faire allusion à une autre clause, omise par Macrobe : la limitation des dépenses à cent as (qui antea obsonitauere, postea centenis obsonotauere). Ce type de disposition sera repris avec un grand luxe de nuances par la loi Fannia (voir notice n° 380).
Une autre notice de Festus (280 L.), qui évoque un discours de Caton en faveur de la loi – peut-être le même –, lui attribue ces mots : percunctatum patris familiae nomen ne quis seruum mitteret lege sanctum fuisse. On comprend généralement que la loi Orchia interdisait d’envoyer des esclaves inviter à un banquet. Mais la formulation du texte, notamment l’emploi du parfait de l’infinitif, laisse plutôt penser que Caton fait allusion à une autre loi que celle qu’il est en train de défendre. En outre, l’usage de nomenclatores, à l’époque républicaine, n’est pas attesté à propos des banquets comme ce sera le cas plus tard, mais seulement de la salutatio des clients et de l’ambitio des candidats. Il est donc probable que cette clause se rapporte à une loi différente, peut-être de ambitu, comme le fait penser ce que dit Plutarque du respect par Caton le Jeune d’une loi de ce type (Plut., Cat. mi., 8, 4-5 νόμου γραφέντος ὅπως τοῖς παραγγέλλουσιν εἰς ἀρχὴν ὀνοματολόγοι μὴ παρῶσι, χιλιαρχίαν μετιὼν μόνος ἐπείθετο τῷ νόμῳ, 5. καὶ δι᾽ αὑτοῦ ποιησάμενος ἔργον ἀσπάζεσθαι καὶ προσαγορεύειν τοὺς ἐντυγχάνοντας).
Au demeurant, le rapprochement opéré par Caton entre la loi Orchia et l' ambitio, si c’est bien ainsi qu’il faut comprendre la notice de Festus, n’a rien de surprenant : un an après la loi Orchia, fut votée la loi Cornelia Baebia de ambitu (voir notice n° 121). Les conjonctions fréquentes entre législation somptuaire et législation sur la brigue, dont la loi Antia de 68 est une illustration (voir notice n° 28) ont été souvent relevées, et ont conduit certains modernes à interpréter la loi Orchia et les lois somptuaires en général comme visant à contrôler le développement des clientèles mises à profit par les élites politiques au moment des élections (Clemente, Lintott). Cependant, on ne peut sans doute pas réduire la portée de la loi Orchia à une disposition concernant les pratiques politiques. Elle s’inscrit également, surtout si Caton a joué un rôle dans son élaboration comme le suggère le scholiaste de Bobbio, dans la politique de lutte contre toutes les formes de luxe qu’il avait inaugurée par sa censure.
C’est d’ailleurs contre les violations de la loi qu’il s’indigna bientôt, aux dires de Macrobe, « dans ses discours ». On admet généralement (depuis P. Fraccaro, « Catoniana », Studi Stor. Ant. Class., 3, 1910, 241-285, part. 250-255 = Opuscula, I, Pavie, 1956, 227-262, part. 233-237) que les fragments transmis par Festus se rapportent à un seul discours, prononcé pour s’opposer à une proposition de dérogation à la loi, sans qu’on puisse préciser ni sur quoi aurait porté la dérogation, ni à quel moment le discours fut prononcé (Astin, Cato, 121). Macrobe indique par ailleurs que la raison qui motiva le vote de la loi Fannia de 161 était « le besoin croissant de l’autorité d’une loi nouvelle ». Ainsi est mis en évidence ce qui constituera aux yeux des auteurs d’époque impériale deux caractéristiques de la législation somptuaire républicaine en général : le décalage entre la loi et la pratique, et la contestation ouverte qu’elle suscite.
Comment citer cette notice
Marianne Coudry. "Loi Orchia somptuaire (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice571/. Date de mise à jour :28/11/14 .