Nom de la loi
Loi Acilia de pecuniis repetundis (pl. sc.)
Date
peu avant 111, plutôt que 123/122 av. J.-C.
Thèmes
Sources
Cic., Verr., 2, 51-52(mais ces scholies ne tirent leur information que des textes de Cicéron, parfois mal interprétés).
Bibliographie
- Badian, E., « Lex Acilia repetundarum », AJPh , 75, 1954, 374-384
- Badian, E., « Manius Acilius Glabrio and the audacissimi », AJPh , 96, 1975, p. 67-75
- Balsdon, J. P. V. D., « The History of the Extortion Court at Rome, 123-70 B.C. », PBSR , 14, 1938, 98-114, part. 112-113 (sur la faiblesse des informations fournies par le Ps.-Asc.)
- Ferrary, J.-L., « Patroni et accusateurs dans la procédure de repetundis », RHD , 76, 1998, 17-46 (= Recherches, 397-433), part. 37-38 = part. 420-421 et 433
- Fraccaro, P., « Sulle leges iudiciariae romane », RIL , 52, 1919, 335-370 (= Opuscula, II, 255-286), part. 362-370 = part. 282-286
- Gruen, RPCC, 89-90 et 294-296
- Mattingly, H. B., « The Character of the Lex Acilia Glabrionis », II Verr., Hermes , 107, 1979, 478-488 (proposant pour , 1, 26 une exponction illam [Aciliam] legem, qui n’est pas suffisamment motivée pour être acceptable)
- Mommsen, « Lex repetundarum », GS, I, 1-64, part. 16-22
- Tibiletti, G., « Le leggi de iudiciis repetundarum fino alla guerra sociale », Athenaeum , 31, 1953, 5-100, part. 7-18 et 81-83
- Zumpt, C. T., De legibus iudiciisque repetundarum, I, Berlin, 1845, 17-27
Commentaire
L’auteur de cette loi de pecuniis repetundis fut le père de M’. Acilius Glabrio, préteur en 70 et président du tribunal chargé de juger Verrès : c’est la raison pour laquelle Cicéron y fait à deux reprises allusion, alors qu’elle est inconnue de toutes nos autres sources.
De Cic.Verr., 2, 1, 26Verum, ut opinor, Glaucia primus tulit ut comperendinaretur reus ; antea uel iudicari primo poterat uel amplius pronuntiari. Vtram igitur putas legem molliorem ? Opinor, illam ueterem, qua uel cito absolui uel tarde condemnari licebat. Ego tibi illam Aciliam legem restituo, qua lege multi semel accusati, semel dicta causa, semel auditis testibus condemnati sunt, nequaquam tam manifestis neque tantis criminibus quantis tu conuinceris, il résulte en tout cas que la loi Acilia fut antérieure à la loi Servilia de Glaucia (notice 687). Zumpt montra que la loi de repetundis de la tabula Bembina n’était pas celle de Glaucia, et il l’identifia avec la loi Acilia, qu’il datait de 120 environ. Mommsen donna à cette hypothèse sa forme définitive : Acilius Glabrio aurait été un tribun allié de C. Gracchus et complétant sa loi judiciaire (voir notice 682), ainsi que le fit Rubrius auteur de la loi fondant la colonie de Carthage (notice 640) ; c’est ce que confirmerait la mention d’une loi Rubria Acilia dans le s.c. d’Astypalée (RDGE, n° 16, l. 12τὸν νόμον [τόν τε] ̔Ρόβριον καὶ τὸν ̓Ακίλιον [ἀπόγραφον]).
L’argumentation de Mommsen a été vivement critiquée et fragilisée par Fraccaro et par Tibiletti, qui ont proposé de voir dans la loi épigraphique la loi Sempronia judiciaire des sources littéraires. La formulation du s.c. d’Astypalée ([κατὰ] τὸν νόμον [τόν τε] ̔Ρόβριον καὶ τὸν ̓Ακίλιον (voir en dernier lieu M. Crawford, RS, 219) pourrait s’appliquer à une seule loi Rubria Acilia (cf. Dion. Hal., 56, 10, 3ὅ τε Πάπιοϛ καὶ ὁ Ποππαῖοϛ νόμοϛ), mais aussi bien à deux lois, Rubria et Acilia, qui en ce cas ne seraient vraisemblablement pas contemporaines ; de toute façon, nos fastes tribunitiens sont trop incomplets pour qu’on doive nécessairement dater d’une même année loi Rubria, loi Acilia et éventuelle loi Rubria Acilia. Surtout, la loi de la tabula Bembina est une loi judiciaire, même au sens restrictif que Mommsen voulait donner à cet adjectif, dans la mesure où elle modifiait le recrutement des juges de la quaestio ; quant au problème de savoir si une loi Sempronia autre que la loi de repetundis modifia le recrutement des juges en général (ou des juges autres que ceux de la quaestio de repetundis), il se pose de la même façon, que la loi de repetundis ait été une loi Sempronia ou une loi Acilia inspirée par Gracchus.
On continue cependant très souvent à désigner la loi épigraphique sous le nom de loi Acilia, et une nouvelle argumentation a été formulée en ce sens par E. Badian. Elle repose sur un argument prosopographique (un Acilius Glabrio tr. pl. en 123/2 pourrait être le fils du cos. 154 et le père du præt. 70, cos. 67) et sur un argument e silentio (nos sources ne parlent pas d’une loi de repetundis intermédiaire entre la réforme inspirée par C. Gracchus et les lois de Cæpio puis de Glaucia). Tous deux sont fragiles : il put y avoir deux générations d’Acilii Glabriones entre le cos. 154 et le cos. 67, et nous avons trop de lacunes dans les fastes prétoriens entre 167 et Sulla pour nous étonner qu’ils n’aient pas laissé de trace s’ils moururent trop jeunes pour parvenir au consulat, ou s’ils échouèrent à y parvenir. Nos sources littéraires, d’autre part, ne traitent vraiment que des lois modifiant le recrutement des juges dans le cadre du conflit entre le Sénat et l’ordre équestre, et les lois de repetundis ne les intéressent guère en tant que telles : c’est ainsi qu’elles ignorent la loi Junia, et qu’elles auraient ignoré la loi Acilia si son auteur n’avait été le père du juge de Verrès.
Inversement, on notera que les textes concernant C. Gracchus mentionnent bien le rôle joué par Rubrius dans la fondation d’une colonie à Carthage, mais ne disent rien de la collaboration d’un Acilius Glabrio ; c’est à Gracchus et à lui seul, au contraire, qu’elles attribuent la modification du recrutement des juges, notamment en matière de repetundæ. Si la loi Acilia, d’autre part, avait été celle qui dessaisit les sénateurs de la quaestio repetundarum au profit des chevaliers, on pourrait s’étonner que Cicéron n’en dise rien dans un texte où il critique violemment les jurys sénatoriaux rétablis par Sulla et fait un éloge sans nuance des jurys équestres. Enfin, la tabula Bembina ayant été réutilisée en 111 pour recevoir le texte d’une loi agraire, et la loi de Glaucia étant postérieure à cette date contrairement à ce que croyait encore Mommsen, la solution de Fraccaro, supposant que peu avant 111 la loi Sempronia fut remplacée en matière de repetundæ par une loi Acilia, est celle qui rend le mieux compte du double usage de la table de bronze.
Nous ne savons quelles modifications purent alors être introduites. La première indication de Cicéron reste très vague, et la seconde ne signale que la possibilité laissée aux juges de demander un nouveau débat (ampliatio) et le grand nombre de condamnations prononcées malgré tout au terme du premier débat ; l’interprétation du Ps. Ascon., p. 231Acili Glabrionis, patris huiusce praetoris, de quo etiam supra dixit ; [de quo] quae lex neque comperendinationem <neque> ampliationem habet selon laquelle la loi Acilia aurait interdit toute ampliatio est manifestement inexacte, mais le texte de Cicéron permet de supposer que la loi Acilia aurait été sur ce point plus restrictive que la loi épigraphique, qui permettait encore deux ampliationes sur demande d’un tiers seulement des juges, avant de sanctionner par des amendes toute manœuvre dilatoire (RS, n° 1, l. 46-48[--- sine recu]satione primo qu//o//que die deferatur, isque quaestor [ --- vac iudices in co]nsiliu//m// quo modo eant. vvv pr(aetor), quei ex h(ace) l(ege) iu[dicium exercebit ---] / [--- sei pars plus una iudicum, quei aderunt, se non posse i]u<d>//[i]// <ca>re deixerit, praetor, <quei>ex h(ace) l(ege) quaeret, ita pronon[tiato : amplius --- eorum iudicu]m, queiquomque aderunt, iudicare i[ubeto ---] / [--- eis iudicibus, quei amplius bis negarint iu]dicare, is (sestertium) n(ummum) (decem milia), quotiensquomque amplius bis in uno iud[icio iudicare negarint --- multam deicito --- tu]m quam ob rem et quantum pequ[niae multam deixerit ---]). On pourrait également se demander si une loi Acilia s’intercalant entre la loi gracchienne et la loi Servilia de Caepio n’aurait pas clairement introduit le principe de l’accusation populaire en matière de repetundae (voir sur ce problème la notice 682).
Comment citer cette notice
Jean-Louis Ferrary. "Loi Acilia de pecuniis repetundis (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice3/. Date de mise à jour :09/01/19 .