Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Des esclaves fugitifs
De rebus perdictis1 et seruo fugitiuo. Ce est desore mais orres des choses que sont perdues, quel dreit en deit estre, et des sers qui senfuient et forpassent le reaume. …In hoc quidem usus siuitatis dey legibus concordat, quia si seruus alicuius burgencis fuerentur2 aliquid domino suo. Et uicinus domini uel quilibet recipere3 furtum in domum suam, vel celat seruum fugitutum4, uel suadet seruo alterius ut fugiat. Et dominus poterit illum per duos legitimos testes conuincere, quod seruum suum corrupit et quod ipse fuit causa fuge et furti, serui dominus eget5 aduersus eum furti. Et concequetur alium seruum uel existimacione6 sui serui. Et totum dampnus que7 seruus fugitiuus sibi ab illo in simplicium8, quia non uenit pene duppli9 uel quadrupli. In sirie regno serta10 fiscus exequetur.
E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart, Adolf Krabbe, 1839), 251.
Des choses perdues, et des esclaves fugitifs. C'est-à-dire, ici vous entendrez ce que la loi doit être des choses perdues et des esclaves qui s'enfuient et vont au-delà du royaume. …Certes, sur ce point la coutume est d'accord avec la loi de la cité de Dieu que si un esclave de n'importe quel bourgeois vole quelque chose à son seigneur, et le voisin du seigneur ou n'importe quelle autre personne reçoit la chose volée dans sa maison, ou cache l'esclave fugitif, ou convainc l'esclave d'une autre personne de s'enfuir, et que le seigneur peut prouver avec deux témoins légaux que cet homme a corrompu son esclave et qu'il était la cause de la fuite et du vol, le seigneur de l'esclave peut l'accuser du vol. Il doit obtenir un autre esclave ou le prix de son esclave, et doit obtenir une compensation du montant total du dommage que l'esclave a commis contre lui, mais il ne doit pas recevoir de compensation pour le double ou le quadruple du montant, parce qu'au Royaume de Syrie cette peine ne s'exige que par le fisc.
A. Bishop
Cette assise explique que quelqu’un qui profite d’un vol est tout autant considéré comme voleur, même s’il n’a pas réellement commis le crime. La même idée se trouve ailleurs dans les Assises (chapitres 213, 222, et 240) et le droit romain (par exemple Dig. 47.16.1). la première moitié de l’assise (qui n’est pas incluse ici) établit qu’un bien perdu appartient à son propriétaire initial, et non à la personne qui le trouve. La seule exception concerne les biens perdus qui avaient été pris sur le territoire musulman et ensuite ramenés en terre chrétienne. Dans ce cas, la propriété ne peut être revendiquée par le possesseur initial, mais peut être ensuite rachetée au nouveau propriétaire. Cette assise ne se trouve que dans le plus ancien manuscrit de Munich, et non dans le manuscrit plus récent de Venise. C’est l’une des quelques assises rédigées en latin, même si ce latin est très pauvre et a été corrigé par Kausler. Beugnot pense que les chapitres latins sont “des gloses inutiles” qui n’étaient pas contenues dans les Assises originales, et qui n’ont pas par conséquent été incluses dans le manuscrit vénitien. Les chapitres latins n’ont été traduits que dans un seul des deux manuscrits grecs restants.
Le recel d’un esclave volé est déjà traité dans le chapitre 207, où la punition est la pendaison. Quiconque avait reçu des biens volés d’un esclave n’était pas condamné, mais recevait une amende proportionnelle à la valeur du bien dérobé. Cette assise est également similaire au chapitre 213 du manuscrit de Venise (un chapitre qu’on ne trouve pas dans le manuscrit plus ancien de Munich) dans lequel une personne qui cache un esclave en fuite peut être accusé de vol. Le propriétaire de l’esclave devait recevoir une compensation équivalente au prix de l’esclave ou des biens volés, mais non pas du double ou du quadruple, comme c’était la coutume par ailleurs (voir par exemple la compensation pour le vol d’un esclave dans Dig. 47.2.47). La punition pour le recel d’un esclave était également indiquée dans le droit romain, par exemple Dig 11.4.1.2. Habituellement les Assises ne mentionnaient pas la religion ou l’origine ethnique des esclaves, à l’exception de certains chapitres qui indiquent que les esclaves peuvent être affranchis en se convertissant au christianisme, ce qui implique au moins que les esclaves n’étaient pas chrétiens, sans être nécessairement toujours musulmans. Les chrétiens ne pouvaient être réduits en esclavage selon le droit des Croisades (même si parfois des chrétiens d’Orient passaient pour musulmans et étaient vendus comme tels) ). 12 Même si Beugnot pense que cela constitue des “gloses inutiles” ajoutées tardivement, il pourrait plutôt s’agir d’une loi beaucoup plus ancienne copiée dans les Assises du treizième siècle. les auteurs de traités du treizième siècle n’écrivaient pas en latin et ne désignaient pas leur royaume comme “le Royaume de Syrie”. Cela semble également impliquer que les “coutumes” et les lois étaient en vigueur pendant la même période, ce qui pourrait indiquer une date antérieure à la rédaction des Assises du treizième siècle. Contrairement au titre du chapitre, le texte ne précise rien concernant les esclaves qui fuient au-delà des limites du royaume. ce sujet est traité en détail au chapitre 249.
1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-211.
2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Claire Chauvin : traduction
Notice n°136972, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136972/.