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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 201]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Assise à propos des esclaves affranchis qui meurent intestats

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison de celui serf qui est batie et qui meurt sans testament et sans nul anfant aver, et de qui det estre tout ce que celuy batie avet, ou de celuy qui la fait faire Crestien ou de la seignorie. Sil avient par aucune aventure que I batie ou une batiee meure desconfes et sans devise faire et ne laisse nul anfans: la raison coumande que tout can que celuy avet det estre de celuy ou de cele qui lavoit franchi, ou de ces anfans, ce cil ne sont vif qui le franchirent. Et se celuy batie quensi est mors aveit feme, la raison coumande quele det aver son douaire des choses de son baron, et le remanant deit estre de celuy ou de cele qui franchi son baron. Et ce cele feme nen avet point de douaire, porce que riens navet doné a celuy baron, mais lavet il prise por De: la raison coumande que cele feme deit aver par dreit tout le meuble de lostel, et le remanant deit estre de celuy ou de cele qui le franchi, ou de ces anfans. Mais se celuy ou cele qui le franchi nen est vif ni ces anfans ni les anfans de ces anfans: la raison si iuge et comande que tout ce que celuy ou cele aveit si deit estre dou seignor de la terre, par dreit et par lassise dou reaume de Jerusalem.

Langue

français

Source du texte original

E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu’une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi au sujet d'un esclave qui est baptisé et qui meurt sans avoir fait de testament et sans enfants, et à qui tombent l'ensemble des biens que le baptisé possédait, à celui qui l'a baptisé ou à la seigneurie. S'il arrive par hasard qu'un homme baptisé, ou une femme baptisée, meurt sans confession, sans avoir fait de testament et sans enfant, la loi ordonne que tout ce qu'il possédait doit tomber à celui ou celle qui l'a affranchi, ou à ses enfants si celui qui l'a affranchi ne vit plus. Et si le défunt baptisé avait une femme, la loi ordonne qu'elle a droit à récupérer sa dot parmi les biens de son mari, et que le reste revient à celui ou celle qui a affranchi son mari. Et si cette femme n'avait pas de dot, parce que son mari l'a épousée de par Dieu, la loi ordonne que cette femme doit avoir droit à tous les meubles de la maison, et que le reste doit revenir à celui ou celle qui l'a affranchi, ou à leurs enfants. Mais si ni celui ou celle qui l'a affranchi ni leurs enfants ni les enfants de leurs enfants ne sont encore en vie, la loi juge et ordonne que tous les biens du baptisé ou baptisée doivent tomber dans le patrimoine de la seigneurie, selon le droit et les assises du Royaume de Jérusalem.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise précise les règles successorales qui s'appliquent dans le cas d'un esclave affranchi mourant sans testament. Si l'homme affranchi n'avait pas d'enfant, ses biens reviendront à son ancien maître. S'il était marié, sa femme pourra récupérer l'équivalent de la valeur de sa dot. Si l'homme n'était pas marié et que son ancien maître est mort et n'a aucun parent vivant, sa propriété sera versée dans le patrimoine de la seigneurie.

Signification historique

On peut supposer que les esclaves étaient normalement musulmans, comme il apparaît dans une assise précédente (chapitre 16). D'habitude les esclaves musulmans étaient des prisonniers de guerre ou captifs qui étaient vendus au grand marché des esclaves de Saint-Jean d'Âcre. La conversion au christianisme était un moyen pour l'esclave d'obtenir l'affranchissement, étant donné que les chrétiens ne pouvaient pas être esclaves selon le droit de l'Orient latin (bien que parfois les chrétiens d'Orient soient passés pour musulmans et aient été également vendus).12 Cependant, il est difficile de savoir si la liberté était une condition de la conversion (c'est-à-dire, s'il fallait, pour devenir libre, qu'un esclave se convertisse mais que cette condition n'était pas nécessairement suffisante), ou son résultat (un esclave était automatiquement libéré dès lors qu'il se convertissait).3 Les hommes affranchis, ou "libertins", avaient plus de droits légaux et sociaux que les esclaves, mais moins que les hommes de naissance libre. Selon la présente assise, et la précédente, ils pouvaient se marier, hériter et léguer leur propriété, tout comme des personnes libres. Evidemment, il était de l'intérêt des esclaves baptisés de faire des testaments, ceux-ci étant de même valeur légale que ceux des libres, et d'enlever à leurs anciens maîtres tout droit sur leurs propriétés. Cependant, s'ils avaient eu des enfants illégitimes, leurs anciens maîtres pouvaient prétendre à un tiers de sa propriété. Alors que l'entière propriété de l'homme libre revenait à sa femme (chap. 183), le prix seul de la dot de la veuve lui était rendu si le défunt était un homme affranchi. La propriété d'un homme libre qui n'avait aucun parent tombait dans le patrimoine de la seigneurie, tandis que celle d'un homme affranchi tombait dans celui de son ancien maître. 4 Comme l'assise précédente, les lois de succession pour un esclave qui meurt sans testament sont en général similaires à Inst. 3.7 (bien que ce dernier ne mentionne pas les femmes ni la dot). Comme a remarqué Prawer, quelques principes de droit romain sont parvenus à Jérusalem par l'intermédiaire du traité de droit provençal du douzième siècle appelé Lo Codi. Ce traité contient les même lois que les assises des bourgeois (Lo Codi 6.21-23 en version occitane, 6.19-20 en version latine).

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980), 208-211.

2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973), 62-63.

3 . B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984), 76.

4 . M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 263-265.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits mediévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscript Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A. Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N. Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V. Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C. Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N. Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V. Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C. Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • B. Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.
  • J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980).
  • J. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973).

Mots-clés

affranchissement ; baptême ; esclaves ; musulmans ; testament

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Capucine   Nemo-Pekelman  :  relecture -corrections

Comment citer cette notice

Notice n°136635, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136635/.

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