Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Des esclaves consentis en gage d'une dette du maître
Ici dit la raison de celui qui a mis son serf gage a autre et il le veut franchir, ce il le peut faire ou non, tant con celuy le tient en guage. Sil avient que aucuns hom ou aucune feme mete en gage I sien esclaf ou esclave a aucun home, et il avient puis que celuy ou cele qui la mis en gage la veut franchir: la raison comande et iuge que celuy ne la peut franchir sans la volente de celuy ou de cele qui en gage la tient, cil ne li avet paiee sa dette. Ce est voir se celuy serf fu mis tout sol, sans nule autre chose aveue, por cele dette. Mais se le serf fu mis ou maintes autres choses qui plus vaillent que celuy serf, et le serf ne fu mie mis noumeement par tout: bien li peut doner franchise se il veut, et si vaut par dreit, encores ne li concente celuy qui le tient en prison por gage. Mais ia por ce, [se] seluy qui la en guage ne se tient a paie des autres gages que il a por sa dette, se celuy ne la paie, si nen istra ia le serf de sa gagerie, se il ne veut, iusque il soit paies, et est tenus son seignor de rechater le auci bien com il ne leust ia franchi. Encement le mary peut bien franchir le serf ou la serve quil avera pris en mariage, ou seit que sa feme le veille ou non, par ce que le mari aie tant que bien puisse rendre le douaire de sa feme. Et tous houmes qui sont daage de XIV ans et la feme de XII ans si peut bien faire testament et franchir leurs sers et leurs serves par dreit, et est ferme ce que il font de tel aage.
E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 227.
Ici est expliquée la loi de celui qui met son esclave en gage auprès d'un autre et veut ensuite l'affranchir, s'il peut ou non le faire, pendant le temps que l'esclave est tenu en gage. S'il arrive que l'on donne un des ses esclaves en gage à une autre personne, et qu'ensuite celui ou celle qui l'a donné en gage veuille l'affranchir, la loi ordonne et juge qu'il ne peut pas l'affranchir contre la volonté de celui ou celle qui le tient en gage, s'il ne lui a pas payé sa dette. C'est vrai si l'esclave seul était donné en gage, sans n'importe quelle autre chose donnée pour la dette, mais si l'esclave était donné avec beaucoup d'autres choses qui valent plus que l'esclave, ou l'esclave n'était pas donné pour payer toute la dette, il peut bien l'affranchir s'il veut le faire, et c'est légal, même si celui qui garde l'esclave en caution n'y consent pas. Mais si pour cette raison, celui qui l'a donné en caution ne peut payer sa dette avec les autres choses qu'il a donné, s'il ne la paie pas, l'esclave ne peut pas être sorti de sa caution, si celui qui le garde ne le veut pas, jusqu'à ce que la dette soit payée, et le seigneur est obligé de racheter l'esclave comme s'il ne l'avait jamais affranchi. De même un mari peut bien affranchir l'esclave qu'il a obtenu en mariage, que sa femme le veuille ou non, parce qu'un mari peut également rendre la dot de sa femme. Et tous ceux qui ont quatorze ans ou celles qui ont douze ans peuvent bien faire un testament et légalement affranchir leur esclaves, et tout ce qu'ils font de cet âge est valable.
A. Bishop
Un esclave pourrait être donné à une autre personne en tant qu'une garantie sur une dette, et le propriétaire de l'esclave ne pourrait pas l'affranchir s'il ne pourrait pas payer la dette autrement. Un époux pourraient aussi affranchir les esclaves qui lui étaient donnés avec la dot de sa femme.
Comme d'habitude dans les assises des bourgeois, ce chapitre ne mentionne pas que les esclaves étaient normalement musulmans, ce qui n'est explicité que rarement; les chrétiens ne pouvaient pas être réduits en esclavage selon le droit de l'Orient latin.12 Ici, les esclaves peuvent être donnés en tant que garantie sur une dette, tout comme d'autre propriété. L'idée que les esclaves ne peuvent pas être affranchis en se tenant comme une garantie provient du droit romain, Cod. 7.8. La même partie du Code (7.8.7) dit qu'un époux peut affranchir les esclaves qu'il a reçu avec la dot de sa femme. Comme il est mentionné dans le chapitre 204, un esclave peut être affranchi dans le testament valide de son maître. Cela provient également du droit romain (par exemple Cod. 5.12.3). Pour un exemple d'un testament dans lequel un maître libère ses esclaves, et auquel un esclave affranchi ("baptisé") est un témoin, voir le testament de Saliba, J.Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l'ordre des hospitaliers (Paris, 1894-1906), 3:91-92, no. 3105.
1 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980), 208-211.
2 . J.S.C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973), 62-63.
affranchissement ; dette ; esclaves ; musulmans ; testament
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Claire Chauvin : relecture -corrections
Notice n°136964, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136964/.