./.

Statutum Joppense[Synodicum Nicosiense c. 27]

Auteur

Eudes de Châteauroux

Titre en français

Statut de Jaffa

Titre descriptif

Les esclaves musulmans ne peuvent pas être interdits de baptême, mais ils ne seront pas libérés en se convertissant au christianisme

Type de texte

Statut

Texte

Venerabilibus in Christo patribus, patriarchis, archiepiscopis, episcopis, abbatibus, prioribus, tam exemptis quam non exemptis, ecclesiarum rectoribus et cappellanis tam exemptorum quam non exemptorum, in nostra legatione constitutis, Odo, miseratione Divina Tusculanus episcopus, apostolice sedis legatus, salutem in Domino sempiternam. Cum salus animarum omni lucro temporali et quaestui merito debeat anteponi, quidam tamen, sicut nobis innotuit, suae avaritiae consulere cupientes, impediunt vel impediri procurant quominus Saraceni seu alii infideles quos in captivitate detinent, vel qui eorum potestati seu dominio sunt subjecti, instruantur in fide et regenerentur baptismatis sacramento, licet dicti Saraceni et alii nondum adepti baptismatis sacramentum, fidem catholicam confitentes, instanter petant ablui lavacro salutari, quod sacramentum nulli fidem confitenti et idem sacramentum postulanti convenit denegari, hinc est quod nos, inhumanitati seu impietati eorum salubrem cupientes adhibere medelam, autoritate qua fungimur districtius inhibemus et irrefragabili constitutione sancimus ne quis in nostra legatione constitutus de caetero impediat vel impediri procuret quominus Saraceni sclavi seu quicumque alii nondum renati baptismatis sacramento, qui fidem catholicam confitentes, sacramentum baptismi sponte petierint, baptizentur, salvo in omnibus et per omnia debito servitutis quod eorum dominis alias competit in eisdem, quia per hoc non intendimus illis qui baptismum susceperint libertatem aliquam indulgere. Quod si forte aliqui contra inhibitionem et statutum nostrum ausu temerario praesumpserint sclavum Saracenum seu quemcumque alium nondum baptizatum, per se vel per alium, a sacramento hujusmodi prohibere, postquam baptizandorum voluntas super hoc fuerit patefacta, censemus eos ipso facto excommunicationis vinculo innodatos. Et ne in posterum aliquis praetextu ignorantiae ab observatione hujusmodi statuti nostri se valeat excusare, et ut infideles ad fidem catholicam liberius et facilius attrahantur, volumus et mandamus vobis, in virtute obedientiae, firmiter injungentes ut bis singulis annis, videlicet in ramis palmarum et in epiphania Domini, vos et successores vestri hoc statutum nostrum in ecclesiis vestris publicetis, vel publicari solemniter faciatis, tenorem nihilominus statuti ejusdem in libris ecclesiarum vestrarum conscribi ad perpetuam rei memoriam facientes. Datum in Ioppe, anno Domini MCCLII, Nonas Ianuarij.

Langue

Latin

Source du texte original

C.Schabel, The Synodicum Nicosiense and other documents of the Latin Church of Cyprus, 1196-1373 (Nicosia, 2001), 104-107.

Datation

  • Date fixe : 09/01/1253
  • Précisions : Les statuts de Jaffa ont été émis par Eudes de Châteauroux, légat du pape pour le royaume de Jérusalem, à Jaffa le 9 janvier 1253.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Jaffa était l'un des quelques bastions croisés du royaume de Jérusalem le long de la côte méditerranéenne au XIIIème siècle. On présume que les statuts s'appliquaient également au royaume de Chypre, où il a été incorporé au Synode de Nicosie au XIVème siècle.

Traduction française

Aux vénérables pères dans le Christ, aux patriarches, archevêques, évêques, abbés, prieurs, exemptés comme non-exemptés, aux recteurs des églises et aux chapelains de ceux qui sont exemptés comme non-exemptés, membres de notre légation, Eudes, par la commisération de Dieu, évêque de Tusculum, légat du Saint-Siège apostolique, vous adresse des saluts sans fin au nom de notre Seigneur. Alors que le salut des âmes doit à bon droit être préféré à tout bien temporel et à tout esprit de gain, certains cependant, comme on nous l’a fait connaître, désirant entretenir leur avarice, empêchent ou s’emploient à empêcher les sarrasins ou les autres infidèles qu’ils gardent en captivité, ou qui sont soumis à leur pouvoir ou sujets de leur domaine, d’être instruits de la foi et régénérés par le sacrement du baptême, bien que lesdits sarrasins ou ceux qui n’ont pas encore acquis le sacrement du baptême, accordant leur confiance à la foi catholique, demandent avec insistance à être sauvé par un lavement purificateur. Il ne convient de refuser le sacrement à personne qui fait profession de foi et qui demande ce même sacrement, c’est pourquoi nous, désireux d’appliquer un remède à leur impiété et à leur inhumanité, par l’autorité que nous exerçons, nous interdisons avec une grande sévérité et consacrons par cette décision incontestable que personne qui ne serait pas membre de notre légation empêche ou s’emploie à empêcher que des esclaves sarrasins ou quiconque pas encore né à nouveau dans le sacrement du baptême, qui professent la foi catholique, qui auraient demandé le sacrement du baptême, soient baptisés, la dette de la servitude restant préservée en tout point et pour toute chose, qui autrement appartient à leurs maîtres eux-mêmes, parce que nous n’essayons pas par là de rendre une quelconque liberté à ceux qui recevraient le baptême. Et si par hasard certains d’une audace téméraire contre cette interdiction et notre statut se préparaient à interdire à un esclave sarrasin ou à quelqu’un qui ne serait pas encore baptisé, de lui-même ou par le biais d’autrui, de recevoir le sacrement du baptême de quelque façon que ce soit, après que la volonté d’être baptisés a été faite ouvertement à ce sujet, nous décidons qu’ils seront immédiatement attachés par les liens de l’excommunication. Et afin que par la suite il ne se trouve personne pour s’excuser de quelque façon que ce soit de l’observation de notre statut au prétexte de l’ignorer, et afin que les infidèles soient attirés plus librement et plus facilement à la foi catholique, nous voulons et ordonnons, en vertu de l’obéissance, que vous et vos successeurs, appliquant cette décision avec fermeté deux fois l’an, bien sûr au dimanche des Rameaux et au dimanche de l’Épiphanie, fassiez publiquement connaître dans vos églises notre statut, ou bien que vous le fassiez publier solennellement, faisant inscrire au moins la teneur de ce même statut dans vos registres ecclésiastiques afin que la mémoire en soit perpétuellement conservée. Fait à Jaffa, en l’an du Seigneur 1252, aux nones de janvier.

Source traduction française

C. Chauvin

Résumé et contexte

Ce statut a été enregistré le 9 janvier 1253 par Eudes de Châteauroux, légat du pape pour le royaume de Jérusalem, à Jaffa, une des plus importantes villes du royaume. Cela fait partie d'une série de directive venant de la papauté au XIIIème siècle concernant les musulmans qui souhaitaient se convertir au christianisme. Les croisés chrétiens craignaient que leurs esclaves musulmans ne souhaitaient pas sincèrement se convertir, mais ils savaient que, selon la loi de Jérusalem, les esclaves seraient affranchis une fois convertis, et les nouveaux convertis pourraient s'enfuir vers le territoire musulman et retourner à l'Islam. Pour cette raison, les croisés refusaient tout simplement la conversion de leurs esclaves. Le statut est adressé à tous les prélats de l'Église, et probablement aussi à ceux de Chypre. Aux alentours de 1340, le statut a été inclus dans le Synodicum Nicosiense, une compilation de textes réalisée par Elias de Nabinal, archevêque de Nicosie.

Signification historique

Les assises bourgeoises de Jérusalem mentionnent fréquemment les esclaves et les manières de les affranchir, mais elles font rarement état de façon explicite de l'origine ethnique ou de la religion des esclaves. Cependant, puisqu'une des manières pour un esclave d'être affranchi est de se convertir au christianisme, il est probable qu'il s'agissait généralement de musulmans.12 Cependant, le statut fait explicitement mention des esclaves musulmans, comme la lettre du pape Grégoire IX, "Intelliximus quod nonnulli", de 1238. La conversion n'était pas la seule manière pour un esclave d'être affranchi ; d'autres moyens sont indiqués au chapitre 204 des Assises. Il était certainement possible d'être affranchi et de rester musulman, même si un esclave converti au christianisme bénéficiait de plus de droits légaux à Jérusalem et à Chypre.3 Il n'y a eu presque aucune tentative au cours du XIIème siècle pour convertir les musulmans habitant le royaume, qu'ils soient esclaves ou libres. Dans la première moitié du XIIIème siècle, les ordres mendiants (Franciscains, Dominicains, Carmélites) se sont établis à l'Est, et les seigneurs croisés laïcs ont résisté à leurs essais de prêcher auprès des esclaves musulmans. Les ordres mendiants se sont plaints que les autorités laïques empêchaient le prêche du christianisme, tandis que les seigneurs laïcs se plaignaient qu'ils allaient perdre une source non-négligeable de travail si leurs esclaves étaient autorisés à se convertir et à être affranchis. En réponse, Grégoire IX ordonna que les esclaves soient autorisés à se convertir, mais que désormais ils ne seraient plus affranchis au titre de leur conversion.4 Les lettres du pape furent ignorées, peut-être parce que le pape essayait de dépasser les assises établies. En 1253, Eudes de Châteauroux, légat du pape Innocent IV, émit ce statut, qui devait être plus strictement respecté que les lettres précédentes. Il devait être annoncé en public deux fois l'an, et publié dans les registres des églises. La lettre de Grégoire IX ne mentionne jamais la moindre forme de punition, mais ce statut recommandait l'excommunication pour ceux qui ne le respectaient pas. Cela semble également être resté sans effet, puisque le pape Urbain IV envoya une autre lettre concernant le même problème en 1264.5

1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-211.

2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.

3 . M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 263-264.

4 . B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton, 1984), 146-147.

5 . Kedar, 148-151.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Le manuscrit original du Synode de Nicosie peut avoir existé jusqu'au XVIIème siècle, quand Labbé et Cossart le copièrent, mais il a été perdu depuis. Toutes les éditions plus tardives sont des copies du texte de Labbé et Cossart.

Editions

  • N.Coleti, Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, vol. XV (Venice, 1731), cols. 711-782.
  • P.Labbé, G.Cossart, Sacrosancta concilia ad regiam editionem exacta, vol. XI, pt. II (Paris, 1671), cols. 2376-2441.
  • G.Mansi, Sacrorum conciliorum nova et amplissima collectio, vol. XXVI (Venice, 1784), cols. 311-382.
  • C.Schabel, The Synodicum Nicosiense and other documents of the Latin Church of Cyprus, 1196-1373 (Nicosia, 2001).

Traductions

  • C.Schabel, The Synodicum Nicosiense and other documents of the Latin Church of Cyprus, 1196-1373 (Nicosia, 2001).

Etudes

  • B.Kedar, "Ecclesiastical legislation in the Kingdom of Jerusalem: The statutes of Jaffa (1253) and Acre (1254)", in Crusade and Settlement, ed. P.Edbury (Cardiff: University College Cardiff Press, 1985), 225-230.
  • B.Kedar, Crusade and Mission: European Approaches toward the Muslims (Princeton University Press, 1984).
  • M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.
  • J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973).

Mots-clés

baptême ; conversion au christianisme ; esclaves ; musulmans

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Claire   Chauvin  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°243844, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait243844/.

^ Haut de page