Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Assise sur les esclaves lépreux
Ici dirons la raison de celuy qui achete I esclaf ou une esclave mezele. Mainte feis avient que I home ou une feme achate dun autre home ou dune feme un esclaf ou une esclave, et lesclaf ou lesclave devient mesele dedens lan et le ior qui[l] la achetee: la raison comande que celuy qui a achete lesclaf ou lesclave la peut bien rendre a celui de cui il lacheta dedens lan et le ior, par dreit et par lasise. Mais puis que lan et le ior sera passe, le vendor ne sera tenus de reseivre lesclaf ni lesclave ni rendre les besans, par dreit ne par lassise dou reaume de Jerusalem.
E. H. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart, 1839).
Ici nous expliquerons la loi qui concerne celui qui achète un ou une esclave lépreux ou lépreuse. Il arrive souvent qu'un homme ou une femme achète d'un autre homme ou d'une autre femme un ou une esclave et que l'esclave devienne lépreux ou lépreuse avant qu'il ne s'écoule un an et un jour depuis l'achat. La loi ordonne que celui qui a acheté l'esclave peut le rendre à celui auquel il l'a acheté(e) avant qu'il ne s'écoule un an et un jour, selon le droit et les assises. Mais après qu'un an et un jour se soient écoulés, le vendeur n’est plus tenu de récupérer l'esclave ni de rendre l'argent, ni selon le droit ni selon les assises du royaume de Jérusalem.
A. Bishop
Cette assise permet à quelqu'un qui a acheté un esclave malade de le rendre et de récupérer son argent. Le vendeur n'est obligé de rembourser l'argent que si l’esclave tombe malade de la lèpre avant qu'il ne s'écoule un an et un jour depuis la vente. Ce texte est similaire au chapitre 118 de Jean d'Ibelin, bien que cette assise ne mentionne pas les phrases spécifiques qu'on doit énoncer devant la Cour. Cette partie des assises des Bourgeois traite également de la vente des animaux et d'autres sortes de propriétés qui se trouvent par la suite défectueux à certains égards. L'assise précédente traite du même sujet, mais pour des esclaves épileptiques. L'épilepsie et la lèpre sont mentionnées dans les chapitres 172-174 comme fondements juridiques pour l'annulation d'un mariage.
La seule maladie qui est mentionnée dans cette assise est la lèpre. La lèpre était plus endémique en Orient qu'en Europe. Un ordre militaire catholique avait été établi pour les chevaliers lépreux, l'Ordre de Saint-Lazare, et même Baudouin IV, roi de Jérusalem, avait souffert de la maladie.1 Dans le chapitre 16, il est dit explicitement que les esclaves étaient normalement musulmans, mais ceci n'est pas mentionné ici ni dans le chapitre précédent qui traite des esclaves épileptiques. Selon les assises, les chrétiens ne pouvaient pas être réduits en esclavage selon le droit de l'Orient latin, mais parfois les chrétiens d'Orient passaient pour musulmans et étaient également vendus au marché aux esclaves. 23 L'interdiction de vendre les esclaves malades a une histoire longue. Elle figure dans le Digeste (21.1) qui aurait eu une influence particulière sur le droit des croisés. Cependant, l'interdiction se trouve également dans le droit athénien et elle est mentionnée par Platon qui dit que la vente peut être remboursée avant qu'il ne s'écoule un an et un jour. Elle est aussi mentionnée dans le Code d'Hammurabi deux millénaires avant J.-C, dans lequel la vente peut être remboursée avant qu'il ne s'écoule un mois.4 Le fait qu'il s'agisse ici d'une assise séparée paraît suggérer que la vente d'esclaves lépreux étaient commune en Orient. En pays musulman, les marchands d'esclaves cachaient souvent les signes de la lèpre.5
1 . M. Barber, “The Order of St. Lazarus and the Crusades”, Catholic Historical Review 80 (1994), 455 et passim.
2 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-209.
3 . J. S. C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.
4 . O. Temkin, The Falling Sickness: A History of Epilepsy from the Greeks to the Beginnings of Modern Neurology (Baltimore-London, 1971), 47.
5 . W. Ch. Brice, An Historical Atlas of Islam (Leiden, 1981), 273.
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°136596, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136596/.