Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Des voleurs qui conspirent ensemble
Ci ores la raison des conpaignons larons qui se conpaignent ensemble Ce il avient que II conpaignons fasent conpaignie ensemble, et il metent en covenant en leur conpaignie que quan que il guaaigneront en quelque maniere que se soit, que il sera tout coumunal, et puis avient que lun des conpaignons emble aucun avoir, et de selui avoir donne la motie a son conpaignon, et selui conpaignon qui prist la motie de selui avoir soit que il fu emble : il est ausi lierre con lautre est, encor ne fust il a lavoir embler. Mais se selui ne sot que selui avoir eut este emble quant son conpaignon ly donna la motie, il nest mie liere pour ce, nen doit riens perdre. Ensement est il ausi de selui home quy donne conseill et aide au laron Sarazin qui enchantoit mon esclaf et le fourtraioit, ou qui resevoit en son hostel le laresin que mon esclaf me fazoit ou mesclave, et ie len puis prover par II guarens que il a aucune de ses choses faites ou consenties, il doit estre ataint come lierre prove, par droit et par lasisse.
E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 299.
Ici vous entendrez la loi des compagnies des voleurs qui se tiennent compagnie ensemble. S'il arrive que deux compagnons tiennent compagnie ensemble, et que dans leur compagnie ils font une alliance pour que tout ce qu'ils acquièrent de n'importe quelle manière, ils le tiennent en commun, et après s'il arrive que l'un des compagnons vole un bien, et qu'il donne la moitié de ce bien à son compagnon, et ce compagnon qui prend la moitié du bien sait qu'elle est volée, il est un voleur tout comme l'autre, même s'il ne l'a pas volé lui-même. Mais s'il ne sait pas que le bien est volé quand son compagnon lui donne la moitié, il n'est pas un voleur à cause de ça, et il n'en doit rien perdre. De plus, il en va de même pour un autre homme qui conseille et aide un voleur sarrasin qui a attiré mon esclave et l'a éloigné, ou qui reçoit dans sa maison les choses volées par mon esclave, et après je peux prouver avec deux témoins qu'il a fait ces choses ou y a consenti, il doit être trouvé coupable comme voleur prouvé, selon le droit et les assises.
A. Bishop
Cette assise explique que celui qui profite d'un vol est considéré également comme voleur, même s'il n'a pas commis le vol lui-même. La même idée se trouve ailleurs dans les assises des bourgeois (les chapitres 222, 225, et 240), et aussi dans le droit romain (par exemple, Dig. 47.16.1). Le texte donne deux exemples des crimes, à savoir la séduction d'un esclave (c'est à dire persuader un esclave de s'enfuir) par un voleur musulman, et le recel des biens volés par un esclave. Cette assise est l'une des rares assises qui ne se trouve que dans le manuscrit vénitien du XVe siècle. Elle ne se trouve pas dans le manuscrit de Munich du XIVe siècle.
Le chapitre 207 traite du recel d’un esclave volé ; en ce cas la peine est la pendaison. Celui qui a reçu des biens volés d’un esclave ne serait pas condamné pour vol, mais plutôt à une amende pour la valeur des biens volés.
Les voleurs musulmans sont traités explicitement dans le chapitre 243, bien qu'ailleurs dans les assises il n'y a aucune distinction entre un voleur musulman et chrétien. Les assises ne mentionnent jamais une peine précise pour les voleurs musulmans, alors on ne sait pas si une telle peine aurait été différente de celle infligée aux voleurs en général. Cependant, des chroniqueurs chrétiens et des pèlerins à Jérusalem mentionnent des voleurs musulmans très souvent. Guillaume de Tyr note qu'une loi traitant de la possession de propriété, qui est peut-être la loi la plus importante du royaume, est donnée en réponse aux vols fréquents qui ont été commis à Jérusalem juste après la conquête de la ville par les croisés. 1 Les canons du concile de Naplouse traitent également du vol, mais ils ne mentionnent pas les voleurs musulmans. De même, les auteurs musulmans étaient inquiets à propos des voleurs chrétiens.2
Normalement les assises ne mentionnent ni la religion ni l'ethnicité des esclaves, à part notamment les chapitres qui disent que les esclaves peuvent s'affranchir en se convertissant au christianisme, ce qui laisse entendre que les esclaves étaient au moins non-chrétiens, si pas nécessairement toujours musulmans. Les chrétiens ne pouvaient pas être réduits en esclavage selon le droit de l'Orient latin, mais parfois les chrétiens d'Orient passaient pour musulmans et étaient également vendus au marché aux esclaves.34
Cette assise laisse entendre également qu'un esclave pouvait être persuadé facilement de s'enfuir par un voleur musulman, peut-être parce que l'on croyait des esclaves normalement musulmans. Puisque la loi ne se trouve pas dans le manuscrit antérieur de Munich, elle serait une interpolation faite plus tard par les juristes du Royaume de Chypre. La dernière phrase n'est pas reliée clairement à la première partie, donc elle serait deux lois indépendantes collées ensemble par l'auteur du manuscrit vénitien (ou peut-être par une source antérieure qui ne nous est pas parvenue).
1 . Willelmi Tyrensis Archiepiscopi Chronicon, ed. R.Huygens, Corpus Christianorum Continuatio Medievalis 38-38A (Turnout: Brepols, 1986.), c. 9.19, 446.
2 . Par exemple, Usama ibn Munqidh, The Book of Contemplation, trans. P.Cobb (London: Penguin Classics, 2008), 139-142.
3 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-211.
4 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Claire Chauvin : relecture
Notice n°136970, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136970/.