Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Les esclaves ne peuvent pas servir de témoins pour la signature d'un testament
Ici orres la raison des garenties qui devent estre au testament, et non autres.
La lei et la raison de lasize coumande et iuge que el testament deivent estre tes garenties par quei li testamens ne seit perdus, car il ne det pas aver feme por garent, ni nul serf, ce est nul eselaf ni nule eselave, ne ni deit estre nus hom qui ait son sens perdu, ne ni deit estre home que la seignorie ait ataint ou iuge daucun mauvais crim de larecin, ou qui ait perdu respons de cort por aucune faucete, ne ni deit estre nus hom qui seit daage maindre de XIV ans...
E. Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart:Adolf Krabbe, 1839), 219.
Ici vous entendrez la loi à propos des témoins qui doivent être présents pour témoigner d'un testament, et de ceux qui ne peuvent pas en témoigner. La loi et la justice des assises ordonnent et jugent que les témoins qui sont présents pour témoigner d'un testament devront être tels que le testament ne soit pas rendu non valide, car aucune femme ne peut témoigner, ni aucun serf, c'est-à-dire aucun ou aucune esclave, ni aucun homme qui a perdu la raison, ni aucun homme que la seigneurie a condamné ou jugé coupable d'un crime de vol, ni aucun homme qui a perdu son droit de parler devant la cour pour n'importe quel mensonge, ni ne peut témoigner aucun homme qui a moins de quatorze ans…
A. Bishop
Cette assise fait la liste des personnes auxquelles il n'est pas autorisé de servir de témoins pour la réalisation d'un testament, liste qui comprend les femmes, les esclaves, les criminels, et les enfants. Si l'une de ces personne a servi de témoin lors de la dictée du testament, son témoignage ne sera pas considéré comme valide devant la cour. Si plus d'une de ces personnes ont servi de témoins, c'est alors l'acte lui-même qui pourra être frappé de nullité, le patrimoine du défunt étant alors, sans égard pour les stipulations du testament, partagé en parts égales entre les héritiers ab intestat. Si le défunt n'avait pas de parents, ses biens tomberont dans le patrimoine de la seigneurie. Par exception, la propriété qui aurait été léguée à l’Église reviendra à cette dernière en toutes circonstances, que le testament soit ou non valide.
Les esclaves étaient habituellement musulmans ; ailleurs dans les assises des bourgeois, par exemple dans l'assise suivante (le chapitre 200), les esclaves peuvent obtenir leur affranchissement en se convertissant au christianisme, ce qui laisse bien entendre que les esclaves étaient, si pas nécessairement toujours musulmans, du moins non-chrétiens. En effet, les chrétiens ne pouvaient pas être réduits en esclavage selon le droit de l'Orient latin (mais parfois les chrétiens d'Orient passaient pour musulmans et étaient également vendus au marché aux esclaves).12 Les assises relatives aux testaments sont inspirées du droit romain. De fait, dans le cas présent, la liste des personnes qui ne peuvent pas témoigner est assez similaire de la liste rencontrée dans les Institutes, 2.10.6. Une liste ressemblante, mais plus longue et plus détaillée, se trouve aussi dans le Digeste, 28.1.20. L'un des rares testaments qui nous sont parvenus est le "testament de Saliba", dont un esclave affranchi ("baptisé") de Saliba est un témoin.3
1 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford: Oxford University Press, 1980), 208-211.
2 . J.Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London: Macmillan, 1973), 62-63.
3 . J.Delaville Le Roulx, Cartulaire général de l'ordre des hospitaliers (Paris, 1894-1906), 3:91-92, no. 3105.
esclaves ; musulmans ; testament ; témoignage
Capucine Nemo-Pekelman : relecture -corrections
Notice n°136611, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136611/.