Nom de la loi
Loi Iulia sumptuaria (pl. sc.)
Date
18 av. J.-C. ?
Rogator
Augustus
Thèmes
Sources
Suet., Aug., 34, 1Bibliographie
- Rotondi, LPR, 447
- Kübler, B., RE , IV,1, 1931, s.u. sumptus, 908
- Sauerwein, Leges sumptuariae, 156-161
- Baltrusch, Regimen morum , 100-101
- Treggiari, S., CAH X, 1996, 887
Commentaire
Citée par Suétone en même temps que la lex de adulteriis, la lex de ambitu et la lex de maritandis ordinibus, dont on sait qu’elles ont été portées en 18 (Dio, 54,16,1-2ὁ δ᾽ οὖν Αὔγουστος ἄλλα τε ἐνομοθέτησε, καὶ τοὺς δεκάσαντάς τινας ἐπὶ ταῖς ἀρχαῖς ἐς πέντε ἔτη αὐτῶν εἶρξε. τοῖς τε ἀγάμοις καὶ ταῖς ἀνάνδροις βαρύτερα τὰ ἐπιτίμια ἐπέταξε, καὶ ἔμπαλιν τοῦ τε γάμου καὶ τῆς παιδοποιίας ἆθλα ἔθηκεν. 2. ἐπειδή τε πολὺ πλεῖον τὸ ἄρρεν τοῦ θήλεος τοῦ εὐγενοῦς ἦν, ἐπέτρεψε καὶ ἐξελευθέρας τοῖς ἐθέλουσι, πλὴν τῶν βουλευόντων, ἄγεσθαι, ἔννομον τὴν τεκνοποιίαν αὐτῶν εἶναι κελεύσας), elle est traditionnellement datée par les auteurs modernes de la même année, et on s’accorde à l’intégrer dans l’ensemble des « lois morales » d’Auguste. Dion Cassius pourtant ne la mentionne pas dans ce contexte, mais rapporte, parmi un ensemble de décisions prises en 22, et qu’il attribue à Auguste sans en préciser la nature, la limitation de l’extravagance de certains banquets et la suppression des autres ( Dio, 54,2,3 καὶ τότε δὲ ὁ Αὔγουστος, καίπερ ἐκείνων αἱρεθέντων, πολλὰ τῶν ἐς αὐτοὺς ἀνηκόντων ἔπραξε. τῶν τε συσσιτίων τὰ μὲν παντελῶς κατέλυσε). C’est sur cette base que S. Treggiari place la loi somptuaire d’Auguste en 22, mais cette hypothèse s’accorde mal avec la manière dont Auguste organisa ses pouvoirs entre 23 et 18 (cf. J.-L. Ferrary, « À propos des pouvoirs d’Auguste », CCG 12, 2001, 115-125), et le contenu de la loi tel que le détaille Aulu-Gelle ne correspond pas exactement avec la mesure énoncée par Dion Cassius.
Ses dispositions, en effet, concernent les dépenses fixées pour les repas, en les modulant selon les circonstances : 200 sesterces pour les jours ordinaires, 300 pour les kalendes, les ides, les nones et « certaines autres fêtes », 1000 pour les noces et les lendemains de noces (repotia). Ce dispositif rappelle celui que prévoyaient les lois précédentes, celles du IIème siècle (la lex Fannia : notice n° 380 ; et la lex Licinia : notice n° 510), et celles de Sulla (notice n° 163) et de César (notice n° 481) ; ainsi s’explique la formule employée par Suétone (leges retractauit), et se trouve justifiée la datation traditionnelle. Le rapport entre la mesure de 22 et la loi demeure toutefois obscur : bien que toutes deux portent sur les banquets, l’énoncé de Dion Cassius n’est pas adéquat avec celui d’Aulu-Gelle, et par ailleurs les mesures de 22 sont présentées comme relevant des activités usuelles des censeurs, ce qui laisse penser qu’il s’agit non de lois, mais d’édits, ou peut-être de s.c. (J. W. Rich, Cassius Dio. The Augustan Settlement (53-55, 9), Warmington, 1990, 16 et 173). Pour ces raisons, il nous paraît préférable (comme à Baltrusch) de comprendre qu’il y eut en 22 un édit d’Auguste réglementant les banquets, puis en 18 une loi, dont il fut le rogator.
C’est à tort que Sauerwein retient l’idée que la loi somptuaire aurait comporté des dispositions concernant le luxe vestimentaire : il paraît clair que tant l’interdiction du port de la pourpre pour les non-magistrats (Dio, 49,16,1 τήν τε ἐσθῆτα τὴν ἁλουργῆ μηδένα ἄλλον ἔξω τῶν βουλευτῶν τῶν ἐν ταῖς ἀρχαῖς ὄντων ἐν δύεσθαι ἐκέλευσεν) que l’obligation pour les citoyens de revêtir la toge dans la Ville (Suet., Aug., 40,5 Etiam habitum uestitumque pristinum reducere studuit, ac uisa quondam pro contione pullatorum turba indignabundus et clamitans : en Romanos, rerum dominos, gentemque togatam ! Negotium aedilibus dedit, ne quem posthac paterentur in foro circaue nisi positis lacernis togatum consistere) sont des édits, et que ces mesures ne relèvent pas du souci de limiter les dépenses (cf. Baltrusch, 60). Rien ne vient étayer non plus l’hypothèse de dispositions sur le luxe funéraire (contra : J. Engels, Funerum sepulcrorumque magnificentia, Stuttgart, 1998, 173).
Aulu-Gelle, immédiatement après avoir présenté la loi (Gell., 2,24,15 Esse etiam dicit Capito Ateius edictum - diuine Augusti an Tiberii Caesaris non satis commemini -, quo edicto per dierum uarias sollemnitates a trecentis sestertiis adusque duo sestertia sumptus cenarum propagatus est, ut his saltem finibus luxuriae efferuescentis aestus coerceretur), rapporte qu’un édit, qu’il connaît par le juriste contemporain Ateius Capito, mais dont il ne se souvient plus s’il est dû à Auguste ou à Tibère, relevait la somme autorisée pour les jours de fête de 300 à 2000 sesterces (le chiffre n’est donné que par les manuscrits récents), « pour que fût contenu au moins dans ces limites le bouillonnement d’un luxe débordant ». Ce commentaire pourrait remonter à Ateius Capito, ou bien faire partie des attendus de l’édit : le thème de l’accroissement brutal des dépenses de luxe est évoqué avec précision par Tacite (Tac., Ann., 3, 52-5352. C. Sulpicius D. Haterius consules sequuntur, inturbidus externis rebus annus, domi suspecta seueritate aduersum luxum qui immensum proruperat ad cuncta quis pecunia prodigitur. Sed alia sumptuum quamuis graviora dissimulatis plerumque pretiis occultabantur ; uentris et ganeae paratus adsiduis sermonibus uulgati fecerant curam ne princeps antiquae parsimoniae durius aduerteret. Nam incipiente C. Bibulo ceteri quoque aediles disseruerant, sperni sumptuariam legem uetitaque utensilium pretia augeri in dies nec mediocribus remediis sisti posse, et consulti patres integrum id negotium ad principem distulerant. Sed Tiberius saepe apud se pensitato an coerceri tam profusae cupidines possent, num coercitio plus damni in rem publicam ferret, quam indecorum adtrectare quod non obtineret uel retentum ignominiam et infamiam uirorum inlustrium posceret, postremo litteras ad senatum composuit quarum sententia in hunc modum fuit. 53. « Ceteris forsitan in rebus, patres conscripti, magis expediat me coram interrogari et dicere quid e re publica censeam : in hac relatione subtrahi oculos meos melius fuit, ne, denotantibus uobis ora ac metum singulorum qui pudendi luxus arguerentur, ipse etiam uiderem eos ac uelut deprenderem. Quod si mecum ante uiri strenui, aediles, consilium habuissent, nescio an suasurus fuerim omittere potius praeualida et adulta uitia quam hoc adsequi, ut palam fieret quibus flagitiis impares essemus. Sed illi quidem officio functi sunt, ut ceteros quoque magistratus sua munia implere uelim : mihi autem neque honestum silere neque proloqui expeditum, quia non aedilis aut praetoris aut consulis partis sustineo. maius aliquid et excelsius a principe postulatur ; et cum recte factorum sibi quisque gratiam trahant, unius inuidia ab omnibus peccatur. Quid enim primum prohibere et priscum ad morem recidere adgrediar ? Villarumne infinita spatia ? Familiarum numerum et nationes ? Argenti et auri pondus ? Aeris tabularumque miracula ? Promiscas uiris et feminis uestis atque illa feminarum propria, quis lapidum causa pecuniae nostrae ad externas aut hostilis gentis transferuntur ? » ) comme objet des débats sénatoriaux de 22 ap. J.-C. sur l’opportunité de mesures somptuaires. Les édiles y déclarent « que la loi somptuaire (celle d’Auguste, de toute évidence – Aulu-Gelle avait indiqué que c’était la dernière –, plutôt que le s.c. voté au début du règne de Tibère (Tac., Ann., 2,33,1 Proximo senatus die multa in luxum ciuitatis dicta a Q. Haterio consulari, Octavio Frontone praetura functo ; decretumque ne uasa auro solida ministrandis cibis fierent, ne uestis serica uiros foedaret. Excessit Fronto ac postulauit modum argento, supellectili, familiae), comme le pensent A. J. Woodman et R. H. Martin, The Annals of Tacitus. Book 3, Cambridge, 1996, 381) n’était pas observée », et réclament du prince des mesures d’envergure ; celui-ci, tout en déplorant cette situation, refuse de légiférer (54,1 : si quis legem sanciat), et s’en explique dans la lettre qu’il adresse au Sénat. L’édit mentionné ci-dessus pourrait avoir été pris par Tibère à cette occasion, comme une concession aux demandes des sénateurs ; la mort d’Ateius Capito cette même année n’y fait pas obstacle (Tac., Ann., 3,75,1 Obiere eo anno uiri inlustres Asinius Saloninus, Marco Agrippa et Pollione Asinio auis, fratre Druso insignis Caesarique progener destinatus, et Capito Ateius, de quo memoraui, principem in ciuitate locum studiis ciuilibus adsecutus).
Le mépris dans lequel était tombée la loi somptuaire d’Auguste était déjà manifeste quelques années plus tôt : les progrès du luxe ont été dénoncés pareillement au Sénat en 16 (Tac., Ann., 2,33,1 Proximo senatus die multa in luxum ciuitatis dicta a Q. Haterio consulari, Octavio Frontone praetura functo ; decretumque ne uasa auro solida ministrandis cibis fierent, ne vestis serica uiros foedaret. Excessit Fronto ac postulauit modum argento, supellectili, familiae ; cf. Suet., Tib., 34,2 Corinthiorum uasorum pretia in immensum exarsisse tresque mul<l>os triginta milibus nummum uenisse grauiter conquestus, adhibendum supellectili modum censuit annonamque macelli senatus arbitratu quotannis temperandam, dato aedilibus negotio popinas ganeasque usque eo inhibendi, ut ne opera quidem pistoria proponi uenalia sinerent.).
Comment citer cette notice
Marianne Coudry. "Loi Iulia sumptuaria (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice480/. Date de mise à jour :28/11/14 .