Nom de la loi
Loi confisquant les biens de deux citoyens qui se sont exilés après avoir été mis en accusation pour brigandage ?
Date
avant 210 av. J.-C.
Sources
Varro, Hum. Ant., IX, fr. 1 Hirsch (ap. Donat at Ter., Eun., 256)Peut-être aussi Caton
Bibliographie
- Jordan, H., M. Catonis praeter librum de re rustica quae extant, Leipzig, 1860, p. LIIII
- Jordan, H., « Zur Topographie von Rom. IV Das macellum der Republik », Hermes 2, 1867, 89-95
- Lange, RA, II3, 696
- Rotondi, LPR, 279
- Ferrary, J.-L., « À propos du fragment 90 Peter (IV, 15 Chassignet) des Origines de Caton et de la tradition varronienne sur les origines du Macellum », RPh 75, 2001, 317-327
Commentaire
Une tradition voulait que le marché de Rome empruntât deux de ses désignations, macellum et forum cuppedinis, aux noms de deux bandits qui se seraient exilés, dont les biens auraient été confisqués, les maisons détruites et le terrain utilisé pour la construction du marché : Varro (avec les noms de N. Equitius Cuppes et <M'.> Romanius Macellus ap. Donat, le cognomen Macellus seul dans Ling., ) ; Plut. (Macellus seul) ; Festus [Paul], p. 42 (se référant également à Varron, avec une variante Cupedinis equitis domus qui paraît bien n’être qu’une altération d’Equitius Cuppes) et 112 (Macellus). Ces noms (du moins les cognomina Macellus et Cuppes) ont bien évidemment été imaginés dans un but étiologique, mais cela n’implique pas nécessairement que tout le reste de la tradition (accusation de latrocinium, exil, confiscation des biens probablement liée à un pl. sc. d’interdictio, construction d’un marché sur le site des maisons détruites et peut-être avec une partie de l’argent confisqué) soit également pure invention : on ne saurait prétendre, en particulier, que Cic., Dom., 38, 101-102101. Sp. Maeli regnum adpetentis domus est complanata, et, quia illud « aequum » accidisse populus Romanus « Maelio » iudicavit, nomine ipso « Aequimaeli » iustitia poenae comprobata est. Sp. Cassi domus ob eandem causam <est> euersa atque in eo loco aedis posita Telluris. In Vacci pratis domus fuit M. Vacci, quae publicata est et euersa ut illius facinus memoria et nomine loci notaretur. M. Manlius cum ab ascensu Capitoli Gallorum impetum reppulisset, non fuit contentus benefici sui gloria ; regnum adpetisse est iudicatus ; ergo eius domum euersam duobus lucis conuestitam uidetis. Quam igitur maiores nostri sceleratis ac nefariis ciuibus maximam poenam constitui posse arbitrati sunt, eandem ego subibo ac sustinebo, ut apud posteros nostros non exstinctor coniurationis et sceleris sed auctor et dux fuisse uidear ? 102. Hanc uero, pontifices, labem turpitudinis et inconstantiae poterit populi Romani dignitas sustinere, uiuo senatu, uobis principibus publici consili, ut domus M. Tulli Ciceronis cum domo Fului Flacci ad memoriam poenae publice constitutae coniuncta esse videatur ? M. Flaccus quia cum C. Graccho contra salutem rei publicae fecerat ex senatus sententia est interfectus ; eius domus euersa et publicata est ; in qua porticum post aliquanto Q. Catulus de manubiis Cimbricis fecit. contient une liste exhaustive des maisons détruites par décision publique à titre de sanction.
Jordan a tenté de confirmer l’historicité d’une partie de cette tradition par un rapprochement avec un fragment du livre 4 des Origines, de Caton transmis par Priscien. Le texte en est malheureusement mal établi (outre le délicat problème du sens exact de execrari : voir notice n° 87 + 238), les manuscrits ayant duo exules lege(m) publica(m) et execrari. Une correction intéressante est celle de Wagener, dans son édition des fragments des Origines, (Bonn, 1849), lege publicati et execrati : elle évite la trop facile suppression de et, et ne suppose que deux fautes mineures (publicati > publicam, entraînant par la suite execrati > execrari) ; mais publicare aliquem n’est attesté ailleurs que trois fois chez Cicéron (Cic., Dom., 20qui cum lege nefaria Ptolomaeum, regem Cypri, fratrem regis Alexandrini, eodem iure regnantem causa incognita publicasses, populumque Romanum scelere obligasses, cum in eius regnum bona fortunas patrocinium huius imperi inmisisses, cuius cum patre auo maioribus societas nobis et amicitia fuisset, huius pecuniae deportandae et, si ius suum defenderet, bello gerendo M. Catonem praefecisti ; Cic., Sest., 57de hoc nihil cogitante, nihil suspicante, eisdem operis suffragium ferentibus, est rogatum ut sedens cum purpura et sceptro et illis insignibus regiis praeconi publico subiceretur, et imperante populo Romano, qui etiam bello uictis regibus regna reddere consueuit, rex amicus nulla iniuria commemorata, nullis rebus repetitis, cum bonis omnibus publicaretur et Cic., Dom., 59ille Cyprius miser, qui semper amicus, sem per socius fuit, de quo nulla umquam suspicio durior aut ad senatum aut ad imperatores adlata nostros est, uiuus, ut aiunt, est et uidens cum uictu ac iestitu suo publicatus), à propos de la loi Clodia confisquant le royaume de Chypre (notice n° 9), et sur un ton manifestement ironique qui paraît jouer sur l’étrangeté même de cette formulation, et probablement aussi une fois chez Suétone (Suet., Claud., 25, 3Disciplinis tamen liberalibus ab aetate prima non mediocrem operam dedit ac saepe experimenta cuiusque etiam publicauit.). C’est pourquoi cette conjecture n’a pas été retenue par Jordan, bien qu’elle soit la seule à donner une réelle consistance au rapprochement qu’il proposait : il serait question dans les deux cas à la fois de deux exilés et de la confiscation de leurs biens. C’est pour une autre raison, toutefois, que le rapprochement proposé par Jordan a été contesté (Peter, Chassignet) : le livre 4 des Origines, couvrait une période allant de la première guerre punique à 216 au moins, mais Festus [Paul] p. 112 paraît fournir une date, 179, qui dépasse de toute façon le cadre chronologique du livre (quo [sc. Macello] damnato censores Aemilius et Fuluius statuerunt ut in domo eius obsonia uenderentur). Mais, ainsi que l’ont montré les recherches les plus récentes (C. De Ruyt, Macellum. Marché alimentaire des Romains, Louvain-la-Neuve, 1983, 236-252 ; F. Coarelli, Il Foro romano, II Periodo repubblicano e augusteo, Rome, 1985, 149-154 ; M. Gaggiotti, « Macellum e magalia : ricezione di elementi « culturali » di origine punica in ambiente romano-repubblicano », L’Africa romana. Atti del VII Convegno di studio (Sassari, 15-17 dicembre 1989), Sassari, 1990, 773-782), un premier macellum avait dû être construit entre les deux premières guerres puniques, celui qui fut détruit par un incendie en 210 et restauré en 209, avant qu’en 179 les censeurs ne procèdent à une restructuration de tout le côté N-E du forum (Liv., 26, 27, 1-4forum piscatorium ; Liv., 27, 11, 16macellum ; Liv., 40, 61forum piscatorium ; vont également en ce sens les allusions au macellum contenues dans plusieurs pièces de Plaute). Il semble d’autre part qu’on n’ait pas suffisamment tenu compte (Jordan et De Ruyt y compris) de ce que le texte de Paul n’est qu’un résumé de celui (perdu) de Festus, et qu’il a fort bien pu omettre des indications intermédiaires entre la confiscation des terrains et les travaux des censeurs de 179. Bien qu’extrêmement fragile, surtout si l’on ne retient pas la correction de Wagener, l’interprétation du fragment de Caton proposée par Jordan reste donc possible, ne se heurtant pas à une objection chronologique si on la rapporte à la construction d’un premier macellum dans les années 240-220.
En conclusion, la notice de Rotondi qui, à la suite de Lange, date de 179 un plebiscitum (?) de latrocinio duorum equitum et suppose l’institution d’une quaestio est sous cette forme irrecevable. En revanche, l’existence d’une loi datant des années 240-220 et confisquant les biens de criminels qui s’étaient exilés en sorte que le premier macellum aurait été construit à l’emplacement de leurs anciennes maisons est une hypothèse fragile, mais qui ne peut être entièrement rejetée.
Comment citer cette notice
Jean-Louis Ferrary. "Loi confisquant les biens de deux citoyens qui se sont exilés après avoir été mis en accusation pour brigandage ?", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice275/. Date de mise à jour :09/01/19 .