Nom de la loi

Loi [probablement Sempronia] sur l’exil de Cn. Fulvius Flaccus (pl. sc.)

Date

211 av. J.-C.

Rogator

C. Sempronius Blaesus

Thèmes

Sources

Liv., 26, 3, 12
Postquam dies comitiorum aderat, Cn. Fuluius exsulatum Tarquinios abiit. Id ei iustum exsilium esse sciuit plebs
 - Val. Max., 2, 8, 3
Quid facias Cn. Fuluio Flacco, qui tam ex petendum aliis triumphi honorem decretum sibi a senatu ob res bene gestas spreuit ac repudiauit, nimirum non plura praecerpens quam acciderunt ? – nam ut urbem intrauit, continuo quaestione publica adflictus exilio multatus est, – ut, si quid religionis insolentia commisisset, poena expiaret

Bibliographie

  • Bleicken, Volkstribunat , 111, n. 7
  • Brecht, Perduellio , 288-290
  • Crifò, G., Ricerche sull’ « exilium » nel periodo repubblicano, Milan, 1961, 167-191
  • Crifò, G., L’esclusione dalla città. Altri studi sull’exilium romano, Pérouse, 1985, 31-83, ("Problemi dell'aqua et igni interdictio), part. 74-5
  • Elster, GMRR, 227-228
  • Lange, RA, II, 700
  • Magdelain, A., c.r. de Crifò, SDHI, 1962, 465-469, part. 468
  • Mommsen, Strafr., 68-73, part. 71-72
  • Rotondi, LPR, 256
  • Siber, H., Analogie, Amstrecht und Rückwirkung im Strafrechte des römischen Freistaates, Abh. d. Sächs. Ak. Wiss., Philol.-hist. Kl., 43,3, 1936, 59-60 et 62-63
  • Strachan-Davidson, Problems, II, 29-31

Commentaire

Postumius est un des publicains qui avaient en 215 soumissionné la fourniture des armées d’Espagne à condition que l’État prît les pertes à sa charge (Liv., 23, 48, 4-49, 4Exitu aestatis eius qua haec gesta perscripsimus litterae a P. et Cn. Scipionibus uenerunt quantas quamque prosperas in Hispania res gessissent ; sed pecuniam in stipendium uestimentaque et frumentum exercitui et sociis naualibus omnia deesse. 5. Quod ad stipendium attineat, si aerarium inops sit, se aliquam rationem inituros quomodo ab Hispanis sumatur ; cetera utique ab Roma mittenda esse, nec aliter aut exercitum aut prouinciam teneri posse. 6. Litteris recitatis nemo omnium erat quin et uera scribi et postulari aequa fateretur ; sed occurrebat animis quantos exercitus terrestres naualesque tuerentur quantaque noua classis mox paranda esset si bellum Macedonicum moueretur : 7. Siciliam ac Sardiniam, quae ante bellum uectigales fuissent, uix praesides prouinciarum exercitus alere ; tributo sumptus suppeditari ; 8. [eum] ipsum tributum conferentium numerum tantis exercituum stragibus et ad Trasumennum lacum et ad Cannas imminutum ; qui superessent pauci, si multiplici grauarentur stipendio, alia perituros peste. 9. Itaque nisi fide staretur, rem publicam opibus non staturam. 10. Prodeundum in contionem Fuluio praetori esse, indicandas populo publicas necessitates cohortandosque qui redempturis auxissent patrimonia, ut rei publicae, ex qua creuissent, tempus commodarent, 11. conducerentque ea lege praebenda quae ad exercitum Hispaniensem opus essent, ut, cum pecunia in aerario esset, iis primis solueretur. 12. Haec praetor in contione ; <diemque> edixit quo uestimenta frumentum Hispaniensi exercitui praebenda quaeque alia opus essent naualibus sociis esset locaturus. 49.1. Vbi ea dies uenit, ad conducendum tres societates aderant hominum undeuiginti, quorum duo postulata fuere, 2. unum ut militia uacarent dum in eo publico essent, alterum ut quae in naues imposuissent ab hostium tempestatisque ui publico periculo essent. 3. Vtroque impetrato conduxerunt priuataque pecunia res publica administrata est. Ii mores eaque caritas patriae per omnes ordines uelut tenore uno pertinebat. 4. Quemadmodum conducta omnia magno animo sunt, sic summa fide praebita, nec quicquam <parcius milites quam> si ex opulento aerario, ut quondam, alerentur), et en avaient profité pour déclarer des pertes fictives. Accusé en 212 par les tribuns L. et Sp. Carvilius, il avait empêché le peuple de voter l’amende requise contre lui, en suscitant une émeute. À la suite de cet acte de violence, et après consultation du Sénat, les tribuns citèrent Postumius à comparaître devant le peuple dans une procédure capitale, exigeant que des répondants soient fournis sous menace d’incarcération. Postumius fournit les répondants mais ne comparut pas. Les tribuns (c.-à-d. très probablement les Carvilii, assistés ou non de leurs collègues comme subscriptores) firent voter une loi aux termes de laquelle, si M. Postumius ante kal. Maias non prodisset citatusque eo die non respondisset neque excusatus esset, uideri eum in exilio esse, bonaque eius uenire, ipsi aqua et igni placere interdici. La même procédure fut ensuite appliquée aux autres responsables de l’émeute, dont la plupart partirent en exil (25, 8, 3-4, 11). On notera que le verbe placere conviendrait mieux à la formulation d’un s.c. qu’à celle d’une loi : on peut essayer de le justifier en rappelant que les tribuns, à partir de l’émeute, agirent de concert avec le Sénat (Liv., 25, 4, 7haec cum ab optimo quoque pro atrocitate rei accepta essent uimque eam contra rem publicam et pernicioso exemplo factam senatus decresset) ; mais il est plus probable que nous avons ici un exemple parmi d’autres de pseudo-citation du texte d’une rogatio remontant à l’annalistique tardive et se trahissant par une maîtrise insuffisante du vocabulaire technique (un exemple encore plus frappant d’emploi de placere à propos d’une décision tribunitienne prise pourtant dans un contexte de violent affrontement avec le Sénat est fourni par Liv., 3, 13, 8ne exspectent dum ab Roma legati auxilium petentes ueniant ; periculum ipsum discrimenque ac sociales deos fidemque foederum id poscere ; demerendi beneficio tam potentem, tam propinquam ciuitatem nunquam parem occasionem daturos deos). Sur M. Postumius Pyrgensis, voir C. Nicolet, Ordre équestre, II, 996-997, n° 292 ; sur l’affaire en général, E. Badian, Publicans and Sinners, Oxford, 1972, 16-20.

En 211, Cn. Fulvius Flaccus fut accusé de perduellio par le tribun C. Sempronius Blaesus pour avoir l’année précédente, en tant que préteur, subi une déroute à Herdoniae devant Hannibal. Cette défaite a parfois été considérée comme un doublet de celle qui fut infligée au même endroit, en 210, à Cn. Fulvius Centumalus (en ce sens P. Cantalupi, « Le legioni romane nella guerra d’Annibale », Studi di storia antica pubblicati da G. Beloch, , 1, 1891, 19-48, part., 30-33 ; De Sanctis St. Rom., III, 2, 459 (445 dans la 2ème éd.) n. 28 ; Scullard, RP, 64 n. 1 ; P. A. Brunt, Italian Manpower, 225 BC - AD 14, Oxford, 1971, 652 – Cantalupi et De Sanctis ne contestant pas l’historicité du procès intenté à Flaccus, dont le motif resterait inconnu), probablement à tort : A. Klotz, « Die römische Wehrmacht im 2. punischen Krieg », , Philol. 1933, 42-89, part., 74-75 ; Toynbee, Hannibal’s Legacy, II, 48 et 524-527 ; P. Marchetti, Hist. écon. et militaire de la deuxième guerre punique, 64-65 ; Rosenstein, Imperatores uicti, , 1990, 188-189 et 207-208. En tout cas, cité à comparaître pour que le peuple se prononce sur une proposition de peine capitale, Flaccus s’exila à Tarquinies (26, 2, 7-3, 11). Id ei iustum exsilium esse sciuit plebes.

Ces deux pl. sc. doivent faire l’objet d’une notice commune, l’un des problèmes étant de savoir s’ils étaient de même nature (Mommsen, Strachan-Davidson, Bleicken) ou non (Lange, Siber, Crifò). Le pl. sc. de 212 prononçait contre Postumius l’interdictio et la vente des biens, impliquant leur confiscation. À une époque où l’exil n’était pas encore une peine, mais une possibilité accordée à l’accusé (ou même au condamné) qui n’avait pas été incarcéré d’échapper à la peine requise contre lui, notamment à la peine capitale (Pol., 6, 14, 7καὶ γίνεταί τι περὶ ταύτην τὴν χρείαν παρ᾽ αὐτοῖς ἄξιον ἐπαίνου καὶ μνήμης. τοῖς γὰρ θανάτου κρινομένοις, ἐπὰν καταδικάζωνται, δίδωσι τὴν ἐξουσίαν τὸ παρ᾽ αὐτοῖς ἔθος ἀπαλλάττεσθαι φανερῶς, κἂν ἔτι μία λείπηται φυλὴ τῶν ἐπικυρουσῶν τὴν κρίσιν ἀψηφοφόρητος, ἑκούσιον ἑαυτοῦ καταγνόντα φυγαδείαν; Cic., Caec., 100perfugium portusque supplici), l’interdictio avait pour effet de rendre cet exil définitif, en empêchant l’exilé de rentrer sous peine de mettre son existence en danger, et cette mesure, primitivement, ne devait viser que des exilés qui avaient échappé à une condamnation capitale (Cic., Dom., 78qui erant rerum capitalium condemnati non prius hanc ciuitatem amittebant quam erant in eam recepti quo uertendi, hoc est mutandi soli causa uenerant; id autem ut esset faciundum, non ademptione ciuitatis, sed tecti et aquae et ignis interdictione faciebant). Ce n’est qu’avec César que l’interdictio, accompagnée de la confiscation de la moitié des biens (et de la totalité pour le parricide) semble être devenue une sanction légalement prévue contre ceux qui s’exilaient pour échapper à certaines condamnations (Suet., Iul., 42, 5poenas facinorum auxit ; et cum locupletes eo facilius scelere se obligarent, quod integris patrimoniis exulabant, parricidas, ut Cicero scribit, bonis omnibus, reliquos dimidia parte multauit ; cf. notice n° [448+471]). Puisque Suétone présente cette mesure comme un durcissement de la législation pénale, cela semble impliquer que l’interdictio, jusque-là, n’était pas systématiquement utilisée contre les exilés, et qu’elle n’était pas systématiquement accompagnée d’une confiscation totale des biens, que César lui-même ne prévoyait d’ailleurs que pour le parricide. Un problème fort disputé est celui de l’origine de l’interdictio : peut-être vaut-il mieux admettre l’incapacité où nous sommes de le résoudre dans l’état actuel de nos sources. Si l’on met à part Dion. Hal., 2, 53, 1Ῥωμύλος δὲ μόνος ἐπὶ τὴν ἀρχὴν τὸ δεύτερον καταστὰς τό τε ἄγος ἀφοσιοῦται τὸ περὶ τοὺς πρέσβεις γενόμενον προειπὼν τοῖς ἐργασαμένοις τὸ μύσος ὕδατος εἴργεσθαι καὶ πυρός (ἐπεφεύγεσαν γὰρ ἐκ τῆς πόλεως ἅπαντες ἅμα τῷ τὸν Τάτιον ἀποθανεῖν) καὶ τῶν Λαουινιατῶν τοὺς συστάντας ἐπὶ τὸν Τάτιον δικαστηρίῳ παραδοὺς ἐκδοθέντας ὑπὸ τῆς πόλεως, ἐπειδὴ δικαιότερα ἐδόκουν λέγειν τὰ βίαια τιμωρησάμενοι τοῖς βιαίοις, ἀπέλυσε τῆς αἰτίας un épisode du règne de Romulus dont l’historicité est nulle, la plus ancienne mesure d’interdictio dont nous ayons connaissance est celle de 212. Cela ne signifie pas, bien sûr, qu’elle ait été la première, mais cela implique que l’apparition de cette procédure ne peut être l’objet que d’hypothèses. C’est le cas du rapprochement proposé par Mommsen et repris notamment par Crifò entre l’interdictio et la mystérieuse execratio de Cato, Orig., fr. 90 PeterDuo exules lege publica . . . et execrari (cf. notice n° 275) : voir les prudentes observations d’E. Levy, « Libertas und ciuitas », ZRG, 1961, 142-172, part. 150 n. 30 (= Gesammelte Schriften, Cologne-Graz, 1963, II, 3-24, part. 8 n. 30).

Le pl. sc. de 211 est d’interprétation beaucoup plus délicate, dans la mesure où la formulation en est tout à fait exceptionnelle. La formule iustum exilium, en effet, n’apparaît ailleurs que dans un passage de Tac. (Ann., 13, 42, 2)nec Suillius questu aut exprobratione abstinebat, praeter ferociam animi extrema senecta liber et Senecam increpans infensum amicis Claudii, sub quo iustissimum exilium pertulisset, où il signifie, au superlatif, « un exil tout à fait mérité ». On a supposé, tantôt que le pl. sc. de 211 entérinait l’exil de Flaccus, tantôt qu’il lui accordait une légitimité qui aurait pu être contestée pour une raison ou pour une autre (absence de ius exilii en vertu du traité entre Rome et Tarquinies : ainsi, semble-t-il, Lange, et Mommsen, Staatsr., corrigé dans le Strafr., ; incompatibilité entre l’accusation de perduellio et le droit à l’exil : Siber). Crifò (1961) a voulu établir une symétrie qui ne convainc pas entre une interdictio qui remonterait à la cité patricienne des gentes et un pl. sc. d’exilium qui en serait un pendant purement plébéien : voir les objections tout à fait justifiées d’A. Magdelain, SDHI, 1962, 468. Il est permis de se demander en fait si la formulation livienne a bien la technicité qu’on lui prête, et si ce texte n’a pas été surinterprété. L’interdictio ayant pour but de rendre l’exil irréversible, il n’est pas surprenant que, dès les années 80, elle ait entraîné une conception courante de l’exil, non plus comme droit, mais comme sanction de fait (cf. Citation à venirquasi non omnes quibus aqua et igni interdictum est exules appellentur). L’interprétation la plus probable du pl. sc. de 211 est sans doute que l’exil de Flaccus fut rendu irréversible par un pl. sc. d’interdictio, sans que cette sanction ait nécessairement été accompagnée d’une confiscation des biens comme ç’avait été le cas en 212 pour Postumius (Q. Fulvius Cn. f. M. n., cos. suff. 180 était probablement le fils du praet. 212 : Münzer, RE, VII, 239 et 246 ; Sumner, Orators, , 41).

Comment citer cette notice

Jean-Louis Ferrary. "Loi [probablement Sempronia] sur l’exil de Cn. Fulvius Flaccus (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice238/. Date de mise à jour :13/12/18 .