Nom de la loi
Loi Sempronia (plutôt qu’Acilia) de repetundis (pl. sc.) Loi Sempronia (pl. sc.) sur la composition de l’album iudicum?
Date
123/122 av. J.-C.
Rogator
C. Sempronius Gracchus
Thèmes
Sources
Varro, De uita p. R., fr. 114 Riposati(ap. Non., p. 454 Merc., 728 L.)
du pluriel Gracchi, ou par
de Semproniae rogationes (cf. Serviliae leges pour la seule loi de Caepio [n° 688]), à propos de l'institution du pouvoir judiciaire de l'ordre équestre peut n'être que purement rhétorique.
Bibliographie
- Badian, E., « Lex Acilia repetundarum », AJPh , 75, 1954, 374-384
- Badian, E., « Manius Acilius Glabrio and the audacissimi », AJPh , 96, 1975, 67-75
- Balsdon, J. P. V. D., « The History of the Extortion Court at Rome, 123-70 B.C. », PBSR , 14, 1938, 98-114, part. 108-112
- Brunt, Fall, 194-239
- Carcopino, J., Autour des Gracques, Paris, 1928, 205-235
- Crawford, RS, 39-112
- Eder, W., Das vorsullanische Repetundenverfahren, Münich, 1969, 120-231
- Ferrary, J.-L., « Pline, N.H., XXXIII,34 et les chevaliers romains sous la république », REL , LVIII, 1980, 313-337, part. 315-318
- Ferrary, J.-L., « Patroni et accusateurs dans la procédure de repetundis », RD , 76, 1998, 17-46, part. 33-37 et 41-44
- Fraccaro, P., « Sulle « leges iudiciariae » romane », RIL , 52, 1919, 335-70 = Opuscula, II, 255-286 = 273-286
- Griffin, M., « The « leges iudiciariae » of the Pre-Sullan Era », CQ , 23, 1973, 108-126, part. 113-114 et 121-123
- Gruen, RPCC, 86-90 et 294-295
- Last, H., CAH, IX (1932), 52-54, 69-71 et 75-78
- Lintott, Judicial Reform, 10-33 et 73-169
- Lintott, A. W., « The leges de repetundis and Associate Measures under the Republic », ZRG , 98, 1981, 162-212, part. 177-185
- Mantovani, Accusa popolare, 55-115 et 188-201
- Mattingly, H. B., « The Two Republican Laws of the Tabula Bembina », JRS 59, 1969, 129-143
- Mattingly, H. B., « The Extortion Law of the Tabula Bembina », JRS , 60, 1970, 154-168
- Meyer, H. D., « Der ciuis Romanus als Kläger im Repetundenprozess », dans Studien zur antiken Sozialgeschichte. Festschrift F. Vittinghoff, Cologne-Vienne, 1980, 145-156
- Mommsen, « Ueber die leges iudiciariae des VII Jahrhunderts bis zur lex Aurelia, Zeitschr. f. Altertumswiss. », De collegiis , Kiliae, 1843, 812-829 = GS, III, 339-355, part. 817-821 = 343-347
- Mommsen, « Lex repetundarum », GS, I, 1-64 (version révisée de CIL, I1 [1863], n° 198)
- Nicolet, Ordre équestre, I, 467-527
- Nicolet, Autour des Gracques, appendice à la 2ème éd. de Carcopino, Paris, 1967, 316-332
- Rotondi, LPR, 312-313
- Sherwin-White, A. N., « Poena Legis Repetundarum », PBSR , 17, 1949, 5-25, part. 6-8
- Sherwin-White, A. N., « The Extortion Procedure Again », JRS , 42, 1952, 43-55, part. 47-51
- Sherwin-White, A. N., « The Date of the lex repetundarum and its Consequences », JRS , 62, 1972, 83-99
- Sherwin-White, A. N., « The Political Ideas of C. Gracchus », JRS , 72, 1982, 18-31
- Stockton, Gracchi, 138-153
- Tibiletti, G., « Le leggi de iudiciis repetundarum fino alla guerra sociale », Athenaeum , 31, 1953, 5-100
- Venturini, C., Studi , Milan, 1979, 51-319
- (Kunkel-)Wittmann, R., Staatsordnung, 647-648
- Wolf, G., Historische Untersuchungen zu den Gesetzen des C. Gracchus : «Leges de iudiciis» und « Leges de sociis », diss. Münich, 1972, 57-86
- Zumpt, C. T., De legibus iudiciisque repetundarum in republica Romana commentationes duae, Berlin, 1845, 15-27
Commentaire
1 – La tradition littéraire mentionne une iudiciaria lex (Flor.), un δικαστικὸϛ νόμοϛ (Plut., App.) concernant les iudicia (Varro, Vell., Tac.), τὰ δικαστήρια (App.), τὸ δικάζειν (Diod. Sic.), que C. Sempronius Gracchus aurait enlevés aux sénateurs pour les confier aux chevaliers. Seul Plutarque parle d’un partage des fonctions judiciaires entre les 300 sénateurs et 300 chevaliers, tandis que Per. Liv. 60, 7, signale, non pas une loi judiciaire, mais une loi faisant entrer 600 chevaliers au Sénat. D’autre part, la loi de repetundis de la tabula Bembina (RS, 1) prévoit la constitution chaque année, pour la seule quaestio qu’elle organise, d’un album de 450 chevaliers excluant soigneusement les sénateurs et leurs proches. Alors que, depuis Sigonio (Caroli Sigonii De antiquo iure civium Romanorum, Italiae, provinciarum ac Romanae iurisprudentiae iudiciis libri XI, Hanoviae, 1609), on y reconnaissait la loi de C. Servilius Glaucia (notice n° 687), Zumpt a montré qu’elle était antérieure et l’a identifiée avec la loi Acilia mentionnée par Cicéron dans les Verrines, puis Mommsen a conforté cette attribution en faisant d’Acilius un collègue de C. Gracchus lors de son second tribunat. Les tentatives de retour à l’identification de Sigonio (Carcopino, Mattingly) se heurtent à des objections irréfutables : il est en particulier évident que la loi épigraphique ne connaît pas encore la procédure de comperendinatio introduite par Glaucia (cf. RS, I. 46-48pr(aetor), quei ex h(ace) l(ege) iu[dicium exercebit ---|--- sei pars plus una iudicum, quei aderunt, se non posse i]u<d>[i]<ca>re deixerit, praetor, <quei> ex h(ace) l(ege) quaeret, ita pronon[tiato : amplius --- eorum iudicu]m, queiquomque aderunt, iudicare i[ubeto ---|--- eis iudicibus, quei amplius bis negarint iu]dicare, is (sestertium) n(ummum) (decem milia), quotiensquomque amplius bis in uno iud[icio iudicare negarint --- multam deicito --- tu]m quam ob rem et quantum pequ[niae multam deixerit ---] et Cic., Verr., 2, 1, 26« Adimo enim comperendinatum » : quod habet lex in se molestissimum, bis ut causa dicatur, quod aut mea causa potius est constitutum quam tua, aut nihilo tua potius quam mea. Nam si bis dicere est commodum, certe utriusque commune est ; si eum qui posterius dixit opus est redargui, accusatoris causa, ut bis ageretur, constitutum est. Verum, ut opinor, Glaucia primus tulit ut comperendinaretur reus ; antea uel iudicari primo poterat uel amplius pronuntiari). En revanche, aucune de nos sources ne parle d’un Acilius collègue et collaborateur de C. Gracchus, et Appien établit un lien très étroit entre la loi judiciaire de Gracchus et la quaestio de repetundis. Bien que l’hypothèse de Mommsen soit encore partagée par de nombreux savants, mieux vaut probablement reconnaître dans la loi épigraphique une loi Sempronia de repetundis (voir pour la loi Acilia la notice n° 6).
2 – Le texte épigraphique constitue le point de départ le plus sûr. La loi implique une sensible aggravation de la répression des exactions commises aux dépens d’alliés ou de sujets. Le passage de la restitution simple à une condamnation au double des sommes extorquées est significatif (même si rien ne permet de supposer [avec Sherwin-White (1949), qu’atténue Sherwin-White (1982) 24 et 28] des sanctions plus lourdes encore en cas de condamnation, par exemple l’exclusion du Sénat : J. S. Richardson, RS, 205). Significatives également, et indissociables de la nouvelle procédure d’accusation par nominis delatio, sont les récompenses accordées à l’accusateur qui aura été le plus actif pour obtenir une condamnation, la principale étant le droit de cité conféré au pérégrin : cet aspect de la loi était particulièrement intéressant pour des alliés latins et italiens, les seuls en fait qui pussent pratiquement en bénéficier ; pour les alliés provinciaux, la loi prévoyait expressément le droit de récusation de leurs patrons en cas d’obstruction. Enfin, face à des acquittements scandaleux prononcés au terme de multiples ajournements (App.), la loi réagissait par une limitation du nombre des ajournements (sanctionnés par une amende à partir du troisième), et surtout par une totale modification du recrutement des juges : sont exclus non seulement les sénateurs mais également leurs proches, c.-à-d. toute une frange de l’ordre équestre que ses liens familiaux pouvaient rendre elle aussi suspecte de partialité en faveur des accusés. On notera d’ailleurs qu’une partie de ceux qui pouvaient être accusés selon la loi (magistrats inférieurs, y compris les trib. mil. des quatre premières légions ; fils de sénateurs) étaient eux aussi membres de l’ordre équestre, n’appartenant pas (ou pas encore) au Sénat (Sherwin-White [1982], 19). La volonté affichée de mieux protéger les alliés contre les excès des magistrats et des sénateurs se traduisait donc suffisamment dans les faits pour ne pouvoir être considérée comme un simple prétexte. Mais la réforme impliquait aussi des pouvoirs nouveaux accordés à une catégorie de juges issus de l’ordre équestre (une lacune de la table de bronze interdit malheureusement de savoir comment était exactement définie la qualification nécessaire pour devenir juge), et l’historiographie antigracchienne s’est déchaînée sur ce point : le véritable but du tribun aurait été de diviser la cité en dressant l’ordre équestre contre le Sénat, voire en asservissant le second au premier. Il s’agit d’une réinterprétation très largement anachronique, à laquelle ont beaucoup contribué la crise de la quaestio Mamilia en 109 (notice n° 532) puis la condamnation scandaleuse de P. Rutilius Rufus en 94/2. Voir Sherwin-White (1982), 28-29.
Parmi les points qui restent obscurs, important est celui du droit des citoyens romains à se porter accusateurs, en leur nom propre (Venturini, Meyer ; contra , RS, , 95) ou au nom d’alliés, ce qui aurait constitué une alternative à l’accusation formulée directement par des alliés pourvus ensuite de patrons romains (Crawford, 97). La loi gracchienne, en tout cas, n’allait jusqu’à permettre à tout citoyen romain (même non mandaté par des victimes pérégrines) d’intenter une accusation de repetundis (contre cette hypothèse de Mantovani, voir Venturini, « "Quaestiones" e accusa popolare », Labeo, 39, 1993, 95-111, part. 99-104 ; Lintott, 32-33 ;Crawford, 96-97) : c’est une évolution que rendait virtuellement possible la nouvelle procédure d’accusation par nominis delatio, mais qui ne devait apparaître que plus tard, peut-être dès la loi Acilia (notice n° 3), au plus tard en tout cas avec la loi de Glaucia (notice n° 687).
3 – Reste le problème très débattu de savoir si cette loi de repetundis fut la seule loi de C. Gracchus concernant le recrutement de juges, ou si une autre loi constitua un autre album pour les juges d’autres quaestiones et, éventuellement, pour ceux des procès privés. La première hypothèse (Fraccaro, Tibiletti, Nicolet, Gruen, Griffin) se heurte au caractère général que nos sources attribuent à la réforme judiciaire de C. Gracchus : il faudrait y voir une interprétation rétrospective, liée à la progressive mise en place de nouvelles quaestiones pourvues de juges désignés selon les mêmes critères que la quaestio de repetundis. La seconde hypothèse (la plus généralement adoptée) se heurte au fait que la loi de repetundis paraît tout ignorer de l’existence d’un autre album iudicum que celui dont elle réglemente la constitution annuelle (cf. Crawford, 98) : faudrait-il supposer que la loi de repetundis fut proposée la première, puis qu’une seconde loi confia à un autre album de chevaliers, ou plutôt à un album mixte de sénateurs et de chevaliers (Plut.), les fonctions judiciaires dans d’autres quaestiones et probablement dans les procès civils ? L’erreur de la plupart de nos sources serait en ce cas de généraliser à l’ensemble des iudicia la mesure la plus extrême, qui aurait été réservée à la quaestio de repetundis (Brunt). Il faudrait, pour trancher décisivement entre ces deux hypothèses, savoir notamment s’il existait en 123/2 d’autres quaestiones perpetuae que la quaestio de repetundis. Ce n’est malheureusement pas le cas, même si l’existence d’une quaestio de sicariis doit être sérieusement envisagée (voir notice n° 559).
On a souvent supposé (au moins depuis Mommsen [1843]) une progressive radicalisation de la législation gracchienne, en deux étapes au moins, et une multiplicité de mesures dont certaines seraient restées à l’état de projets ou auraient été presque immédiatement remplacées par d’autres. Cela ne permet pas de rendre compte de nos sources de façon satisfaisante et d’en éliminer les contradictions : chacune d’entre elles peut alors paraître recouvrir une parcelle de vérité, mais aucune d’entre elles, en revanche, ne donnerait une idée juste et globale de la construction ainsi échafaudée. D’autres hypothèses ont cherché une solution de désespoir dans une confusion commise par nos sources entre mesures gracchiennes et contre-propositions de tribuns contemporains (A. R. Hands, « The Political Background of the "Lex Acilia de repetundis" », Latomus, 24, 1965, 225-237 ; B. Piro, « Intorno ad una legge giudiciaria di M. Livio Druso il Vecchio », RIL, 105, 1971, 91-104) : elles n’ont, à juste titre, connu aucun succès.
Comment citer cette notice
Jean-Louis Ferrary. "Loi Sempronia (plutôt qu’Acilia) de repetundis (pl. sc.) Loi Sempronia (pl. sc.) sur la composition de l’album iudicum? ", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice682/. Date de mise à jour :17/11/19 .