Nom de la loi

Loi Rufrena sur l’érection de statues à Diuus Iulius dans les cités d’Italie (pl. sc.?)

Date

42 av. J.-C. ?

Rogator

Rufrenus

Thèmes

Sources

CIL, I2, 797 - 
Díuo Iúlio iussu | populi Romani | statutum est lege | Rufrena
ILS, 73
Díuo Iúlio iussu | populi Romani | statutum est lege | Rufrena

Bibliographie

  • Rotondi, LPR, 436-437
  • Taylor, L. R., The Divinity of the Roman Emperor, Middletown, 1931, 268-269
  • Degrassi, ILLRP, I2, Florence, 1965, 233-234
  • Gesche, H., Die Vergottung Caesars, Kallmünz, 1968, 16, 87-89
  • Dobesch, G., « Wurde Caesar als Staatsgott anerkannt ? », JÖAI 49, 1971, Beiheft 2, 20-49
  • Weinstock, Divus Iulius, 393, 397
  • Rollin, J. P., Untersuchungen zu Rechtsfragen römischen Bildnisse, Bonn, 1979, 76-93
  • Alföldi, A., « La divinisation de César dans la politique d’Antoine et d’Octavien entre 44 et 40 avant J.C. », RN série 6, 15, 1973, 99-128 (= Caesariana, 1984, 229-268), part. 124-125
  • Fishwick, D., The imperial Cult in the Latin West, I, 1, Leyde-New York-Copenhague-Cologne, 1987, 64
  • Jehne, M., Der Staat des Dictators Caesar, Cologne-Vienne, 1987, 211 n. 75
  • Pollini, J., « Divine Assimilation and Imitation in the Late Republic and Early Principate », in K. Raaflaub, M. Toher, Between Republic and Empire, Berkeley-Los Angeles-Londres, 1990, 334-363, part. 342-344

Commentaire

Cette loi, qui n’est attestée qu’épigraphiquement, représente l’une des rares décisions comitiales connues concernant le culte de César divinisé. Son contenu (concerne-t-elle seulement l’érection de statues ?) et sa date (44 ou 42 ?) ont fait l’objet d’hypothèses entre lesquelles il est difficile de trancher.

La loi Rufrena n’est citée en effet que dans deux inscriptions identiques (la seconde – CIL, I2, 798 ( ILS 73a – restituée à partir de la première), non datées, trouvées en Italie, l’une à Ocriculum, l’autre dans les environs d’Interamna Praetuttiorum, indiquant que « sur l’ordre du peuple romain, en vertu de la loi Rufrena, on a érigé une (ou des) statue(s) à César divinisé ». Si l’on s’en tient à ces textes, et au fait qu’ils sont semblables et proviennent de sites italiens, la loi prescrirait l’érection de statues à Diuus Iulius dans les cités d’Italie (Degrassi, Gesche, Alföldi). Elle ferait donc partie des mesures par lesquelles fut mis en place le culte de César divinisé. C’est pourquoi, sur la base d’un rapprochement avec une troisième inscription d’Italie, trouvée à Aesernia, une dédicace au « genius de César divinisé, père de la patrie, que le Sénat et le peuple romains ont placé au nombre des dieux » (CIL, I2, 799Genio deiui Iuli | parentis patria, | quem senatus | populusque Romanus in | deorum numerum rettulit = CIL, IX, 799Genio deiui Iuli | parentis patria, | quem senatus | populusque Romanus in | deorum numerum rettulit = ILS, 72Genio deiui Iuli | parentis patria, | quem senatus | populusque Romanus in | deorum numerum rettulit), certains ont présumé, et rien ne s’y oppose, que son objet était plus large, et qu’elle confirmait l’ensemble des décrets de divinisation pris par le Sénat entre le retour de César à Rome après Munda et les ides de mars (Rotondi, Fishwick). L’interprétation de Rollin paraît la moins solide : la loi Rufrena viserait à conférer aux statues de César divinisé la qualité de res sacrae, découlant de son assimilation à un dieu, à la différence des statues érigées de son vivant, et elle s’appliquerait à Rome tout autant qu’à l’Italie.

Le rogator, Rufrenus, n’est connu que par un passage d’une lettre adressée à Cicéron par L. Munatius Plancus en mai 43 (Cic. , Fam., 10,21,4 Accessit eo ut milites eius, cum Lepidus contionaretur, improbi per se, corrupti etiam per eos qui praesunt, Canidios Rufrenosque et ceteros quos cum opus erit scietis, conclamarent uiri boni pacem se uelle neque esse cum ullis pugnaturos, duobus iam consulibus singularibus occisis, tot ciuibus [pro] patria<e> amissis, hostibus denique omnibus iudicatis bonisque publicatis ; neque hoc aut uindicarat Lepidus aut sanarat), dans lequel il lui est reproché de manipuler l’armée de Lépide, dont il était probablement légat, pour, sous couvert de retour à la paix, préparer son ralliement à Antoine. C’est de la mention épigraphique de la loi Rufrena qu’est tirée l’hypothèse de son tribunat, généralement placé en 42 (Broughton, MRR, II, 360) parce que c’est la date traditionnellement retenue pour le vote de la loi.

Mais celle-ci est controversée, et liée à l’interprétation que l’on donne des étapes du processus de divinisation de César, amorcé en 46, au lendemain de Thapsus, accentué en 44, et achevé en janvier 42, où, sur l’initiative des triumvirs, les mesures antérieures sont reprises et complétées (Dio, 47, 18, 3ἔν τε γὰρ τῇ πρώτῃ τοῦ ἔτους ἡμέρᾳ αὐτοί τε ὤμοσαν καὶ τοὺς ἄλλους ὥρκωσαν βέβαια νομιεῖν πάντα τὰ ὑπ᾽ ἐκείνου γενόμενα (καὶ τοῦτο καὶ νῦν ἐπὶ πᾶσι τοῖς τὸ κράτος ἀεὶ ἴσχουσιν, ἢ καὶ ἐπ᾽ αὐτοῦ ποτε γενομένοις καὶ μὴ ἀτιμωθεῖσι, γίγνεται) ; cf. la mise au point de Fishwick, 56-77). Pour certains (Taylor, Dobesch, Alföldi, Fishwick), la loi Rufrena serait liée à l’instauration en 44 d’un culte de diuus Iulius (cf. Cic., Phil., 2, 110-111 110. Et tu in Caesaris memoria diligens, tu illum amas mortuum ? Quem is honorem maiorem consecutus erat quam ut haberet puluinar, simulacrum, fastigium, flaminem ? Est ergo flamen, ut Ioui, ut Marti, ut Quirino, sic diuo Iulio M. Antonius ? Quid igitur cessas ? Cur non inauguraris ? Sume diem, uide qui te inauguret : conlegae sumus ; nemo negabit. O detestabilem hominem, siue quod tyranni sacerdos es siue quod mortui ! Quaero deinceps num hodiernus dies qui sit ignores ? Nescis heri quartum in circo diem ludorum Romanorum fuisse ? Te autem ipsum ad populum tulisse ut quintus praeterea dies Caesari tribueretur ? Cur non sumus praetextati ? Cur honorem Caesaris tua lege datum deseri patimur ? An supplicationes addendo diem contaminari passus es, puluinaria noluisti ? Aut undique religionem tolle aut usque quaque conserva. 111. Quaeris placeatne mihi puluinar esse, fastigium, flaminem. et notice n° 910, 6, e) ; elle devrait être associée à la décision prise à la même époque d’ériger des statues de César « dans les cités », mentionnée par Dio (Dio, 44, 4, 4 πρός τε τούτοις τοιούτοις οὖσι πατέρα τε αὐτὸν τῆς πατρίδος ἐπωνόμασαν καὶ ἐς τὰ νομίσματα ἐνεχάραξαν, τά τε γενέθλια αὐτοῦ δημοσίᾳ θύειν ἐψηφίσαντο, καὶ ἐν ταῖς πόλεσι τοῖς τε ναοῖς τοῖς ἐν τῇ Ῥώμῃ πᾶσιν ἀνδριάντα τινὰ αὐτοῦ εἶναι ἐκέλευσαν). Pour d’autres (Degrassi, Weinstock – dont on ne peut retenir l’hypothèse d’un droit d’asile conféré, en vertu de la loi, aux statues de César divinisé), la consecratio ne serait intervenue qu’en janvier 42, avec la décision de construire un temple à diuus Iulius, et la loi Rufrena aurait alors organisé le culte en Italie. Pour Rollin également, la loi se placerait en 42, car elle découlerait des mesures formelles de divinisation. Enfin, Rotondi fait remarquer avec raison que dans les Fastes Capitolins Octavien est encore nommé en 43 C. filius et non Diui filius. En l’état actuel, rien ne permet de trancher définitivement (Jehne), mais le contexte de 42, où les triumvirs, par une autre loi (voir notice n° 234), rendent contraignants les rites célébrant le dies natalis de César, semble plus approprié. En revanche, l’hypothèse de Gesche selon laquelle le titre de diuus Iulius n’apparaissant dans les inscriptions et les légendes monétaires qu’à partir de 40/39, la loi ne serait pas antérieure à ces années-là, manque de solidité.

Par ailleurs, une série de deniers, frappés par L. Cornelius Balbus au nom d’Octave triumvir, présente au revers une statue équestre en mouvement, avec la légende POPVLI IVSSV (RRC, 518/2). Cette statue a été considérée par certains comme représentant César (cf. Pollini), et ces deniers évoqueraient la loi Rufrena (Alföldi ; Crawford, RRC, 742). Dans ce cas, la datation de 41 pour cette émission fournirait un terminus ante quem pour le vote de la loi.

Comment citer cette notice

Marianne Coudry. "Loi Rufrena sur l’érection de statues à Diuus Iulius dans les cités d’Italie (pl. sc.?)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice642/. Date de mise à jour :01/10/18 .