Nom de la loi

Loi Iulia sur les legationes liberae

Date

59 ? av. J.-C.

Rogator

C. Iulius Caesar

Thèmes

Sources

Bibliographie

  • Soldan, A., De rei publicae Romanae legatis provincialibus et de legationibus liberis, Marburg, 1854, 36-37
  • Zumpt, Criminalrecht, II, 2, 316-317
  • Mommsen, Staatsr., 2, 691-692
  • Rotondi, LPR, 419-420
  • Willems, Sénat , 1, 150
  • Suolahti, J., « Legatio libera », Arctos 6, 1969, 113-119
  • Venturini, Studi, 473, 477

Commentaire

Cette loi limitait la durée des legationes liberae, c’est-à-dire des missions officielles, accordées par le Sénat (Cic., Leg. agr., 1,8 Hereditatum obeundarum causa quibus uos legationes dedistis, qui et priuati et priuatum ad negotium exierunt non maximis opibus neque summa auctoritate praediti, tamen auditis profecto quam graues eorum aduentus sociis nostris esse soleant), mais dépourvues de tout mandat (Cic., Leg.,3, 18Sed quaero quid reapse sit turpius, quam sine procuratione senator legatus, sine mandatis, sine ullo rei publicae munere ? Quod quidem genus legationis ego consul, quamquam ad commodum senatus pertinere uidebatur, tamen adprobante senatu frequentissimo, nisi mihi leuis tribunus plebis tum intercessisset, sustulissem.), que les sénateurs se faisaient octroyer pour convenances personnelles. L’usage, au moins à la fin de la République, voulait que le gouverneur de la province dans laquelle se rendait le sénateur lui accordât des licteurs (Cic., Fam. 12, 21C. Anicius, familiaris meus, uir omnibus rebus ornatus, negotiorum suorum causa legatus est in Africam legatione libera : eum uelim rebus omnibus adiuues operamque des, ut quam commodissime sua negotia conficiat, in primisque, quod ei carissimum est, dignitatem eius tibi commendo, idque a te peto, quod ipse in prouincia facere sum solitus non rogatus, ut omnibus senatoribus lictores darem ; quod idem acceperam et id cognoueram a summis uiris factitatum.), signe que ces legati pouvaient se présenter auprès des provinciaux comme des personnages publics, quoique Cicéron les définisse comme priuati (Leg. agr., 1, 8). Utilisée un temps comme moyen de s’éloigner de Rome dans une situation politique délicate, en somme comme une forme atténuée d’exil volontaire, comme le fit notamment Scipion Nasica après le meurtre des partisans de Tiberius Gracchus (Suolahti), cette pratique permettait le plus souvent aux sénateurs de régler les affaires privées (Cic., Leg. agr., 1, 8 : priuatum negotium ; 2, 45 : rerum priuatarum causa ; Cic., Leg., 3, 9 : rei suae ergo ; Fam., 12, 21 : negotiorum suorum causa) qui les appelaient hors de l’Italie : recouvrement de créances ou de successions (Cic., Leg., 3,18), accomplissement de vœux (legatio uotiua : Cic., Att., 4, 2, 6). La loi reprenait une disposition que Cicéron avait fait adopter pendant son consulat, sans doute par s.c., et qui fixait à un an leur durée maximale : une intercession tribunicienne avait empêché leur suppression pure et simple (Cic., Leg. 3,18Quod quidem genus legationis ego consul, quamquam ad commodum senatus pertinere uidebatur, tamen adprobante senatu frequentissimo, nisi mihi leuis tribunus plebis tum intercessisset, sustulissem. Minui tamen tempus, et quod erat infinitum, annuum feci. Ita turpitudo manet, diuturnitate sublata. Sed iam si placet de prouinciis decedatur, in Vrbemque redeatur ; voir notice n° 718). César a probablement imposé la même durée.

La date de la loi n’est pas connue avec précision : Cicéron la cite dans une lettre de juin 44. Rotondi (419) la plaçait en 46, sans doute parce que la législation césarienne est très abondante cette année-là. Deux arguments vont dans ce sens : le rapprochement avec la décision, prise par César pendant sa dictature, d’interdire aux fils de sénateurs, sauf sous certaines conditions, de quitter l’Italie plus de trois ans (Suet., Caes. 42, 1 sanxit, ne quis ciuis maior annis uiginti minorue decem, qui sacramento non teneretur, plus triennio continuo Italia abesset, neu qui senatoris filius nisi contubernalis aut comes magistratus peregre proficisceretur ), et le silence de Cicéron dans le passage du De legibus Cic., Leg., 3, 18 Quod quidem genus legationis ego consul, quamquam ad commodum senatus pertinere uidebatur, tamen adprobante senatu frequentissimo, nisi mihi leuis tribunus plebis tum intercessisset, sustulissem. Minui tamen tempus, et quod erat infinitum, annuum feci. Ita turpitudo manet, diuturnitate sublata. Sed iam si placet de prouinciis decedatur, in Vrbemque redeatur, rédigé en 52, où il évoque sa propre initiative de 63. Mais il n’est pas impossible qu’elle remonte au consulat de César et constitue l’une des dispositions de la lex Iulia de repetundis (notice n° 463) (Zumpt, 317; Lange, 3, 292). La limitation qu’elle impose évoque en effet plusieurs de celles auxquelles cette loi soumet les gouverneurs de provinces en cantonnant strictement leur activité aux limites de leur province, et ces dispositions s’appliquaient peut-être aussi aux sénateurs jouissant d’une legatio libera (Venturini). En outre, elle contenait des dispositions d’ordre économique concernant spécifiquement les sénateurs, interdiction de soumissionner aux marchés publics et de posséder des navires à usage commercial (cette dernière figurant déjà dans la lex Claudia de 218 : cf. notice n° 96), ce qui donne un poids supplémentaire à cette hypothèse.

La loi visait sans doute à limiter deux sortes d’abus : d’une part les pressions, dénoncées à plusieurs reprises par CicéronCic. (Leg.agr., 1, 8 Hereditatum obeundarum causa quibus uos legationes dedistis, qui et priuati et priuatum ad negotium exierunt non maximis opibus neque summa auctoritate praediti, tamen auditis profecto quam graues eorum aduentus sociis nostris esse soleant ; Cic., Leg.agr. 2,45 Legatos nostros, homines auctoritate tenui, qui rerum privatarum causa legationes liberas obeunt, tamen exterae nationes ferre uix possunt. ; Cic., Flacc., 86An legationes sumere liberas exigendi causa, sicut et tu ipse nuper et multi uiri boni saepe fecerunt, rectum est, quod ego non reprehendo, socios uideo queri), que leur titre de legatus permettait aux sénateurs d’exercer sur les provinciaux avec qui ils traitaient des affaires financières, et c’est un argument de plus pour considérer que cette loi n’est probablement que l’une des dispositions de la lex Iulia repetundarum, d’autre part l’absentéisme des sénateurs, qu’Auguste cherchera à limiter en imposant notamment des restrictions à leurs déplacements hors d’Italie.

La pratique des legationes liberae est encore attestée à l’époque impériale, notamment sous le règne de Tibère, sans que l’on sache si la règle imposée par César demeura. Mais Auguste, puis Claude, imposèrent que l’autorisation émane du prince et non plus du Sénat (Talbert, Senate, 139-140 ; A. Chastagnol, Le Sénat romain à l’époque impériale, Paris, 1992, 47, 164-165).

Comment citer cette notice

Marianne Coudry. "Loi Iulia sur les legationes liberae", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice445/. Date de mise à jour :28/11/14 .