Nom de la loi
Loi sur les provinces (prétoriennes) (pl. sc.)
Date
100 av. J.-C.
Thèmes
Sources
Bibliographie
- Lintott, A. W., « Notes on the Roman Law Inscribed at Delphi and Cnidos », ZPE 20, 1976, 65-82
- Ferrary, J.-L., « Recherches sur la législation de Saturninus et Glaucia I », MEFRA 1977, 619-60
- Sumner, G. V., « The 'Piracy Law' from Delphi and the Law of the Cnidos Inscription », GRBS 1978, 211-25
- Giovannini, A., « La lex de piratis persequendis », MH 1978, 33-47
- Pohl, H., Die römische Politik und die Piraterie im östlichen Mittelmeer vom 3 bis 1 Jh. v. Chr., Berlin-New York, 1993, 216-56
- Crawford, M., RS, Reynolds J., Ferrary J.-L., Moreau Ph., 231-70
- Brennan, Praetorship, 357-8, 523-5 et 549
Commentaire
Il est pratiquement certain que les inscriptions de Delphes et de Cnide sont deux traductions différentes d'une même loi romaine qui, en dépit de son intérêt (ce texte difficile est l'un des plus éclairants qui nous soient parvenus sur la mise en place de l'organisation provinciale dans l'Orient hellénique), est totalement ignorée de nos sources littéraires. Les deux textes sont malheureusement mutilés, et aucun n' a conservé la praescriptio de la loi. Les principaux problèmes concernent l'objet de la loi, sa date et son inspiration politique. Tant que n'était connu que le texte de Delphes, on pouvait croire que la loi avait pour objet pratiquement unique la répression de la piraterie, d'où le nom qui lui fut donné de lex de piratis persequendis. Le texte de Cnide a montré que c'était une définition beaucoup trop restrictive, et qu'une importante partie de la loi, en particulier, concernait la province de Macédoine (Cnide, II, 12-31; IV, 5-30). Il est précisé que, pour réprimer la piraterie, "le peuple romain a en vertu de cette loi fait de la Cilicie une province prétorienne" (Cnide III, 35-7), et il est question ailleurs du "préteur, propréteur ou proconsul qui a ou aura la province de Macédoine en vertu de cette loi ou pl. sc. ou d'un s.c." (Delphes B, 27-8 et Cnide IV, 5-8) : on a donc ce qu'on peut considérer comme une loi sur les provinces prétoriennes (que la loi les ait désignées à la place du Sénat, ou qu'elle ait seulement modifié partiellement un précédent s.c.). Mais la désignation de la Cilicie comme province prétorienne (c.-à-d. la décision de confier à un préteur un commandement contre les pirates) est accompagnée d'une série de mesures destinées à en assurer la publicité et à se ménager le concours des rois et des cités, et la loi fixe également les règles de l'administration par les futurs gouverneurs de Macédoine de la Caénique récemment conquise par T. Didius et de la Chersonèse de Thrace : c'est toute la politique romaine dans la partie orientale de l'empire qui se trouve en fait concernée.
L'indication chronologique la plus sûre est que le magistrat ayant reçu le gouvernement de la province d'Asie sous le consulat de C. Marius et de L. Valerius est chargé d'écrire aux rois et aux cités, et de veiller à assurer la publicité de la loi (Delphes B, 20-7). La loi peut donc être datée soit de la fin de 100 ou du début de 99 (Sumner ; Giovannini-Grzybek), soit du début de 100 (Ferrary ; RS, ). Ni la mention des consuls de 100 (cf. celle des consuls de 63 dans la rogatio Seruilia agraria: Cic., Leg. agr., 1, 13Deinde etiam in reliquum tempus diligentissime sancit ut, quod quisque imperator habeat pecuniae, protinus ad Xviros deferat. Hic tamen excipit Pompeium simillime, ut mihi videtur, atque ut illa lege qua peregrini Roma eiciuntur Glaucippus excipitur. Non enim hac exceptione unus adficitur beneficio, sed unus privatur iniuria. Sed cui manubias remittit, in huius vectigalia invadit. Iubet enim pecunia, si qua post nos consules ex novis vectigalibus recipiatur, hac uti Xviros. Quasi vero non intellegamus haec eos vectigalia quae Cn. Pompeius adiunxerit vendere cogitare. ; Cic., Leg. agr., 2, 62Pompeius autem <cum> hoc animo sit ut, quicquid vobis placeat, sibi ferendum putet, quod vos ferre non poteritis, id profecto perficiet ne diutius inviti ferre cogamini. Verum tamen cavet ut, si qua pecunia post nos consules ex novis vectigalibus recipiatur, ea Xviri utantur. Nova porro vectigalia videt ea fore quae Pompeius adiunxerit. Ita remissis manubiis vectigalibus eius virtute partis se frui putat oportere. Parta sit pecunia, Quirites, Xviris tanta quanta sit in terris, nihil praetermissum sit, omnes urbes, agri, regna denique, postremo etiam vectigalia vestra venierint, accesserint in cumulum manubiae vestrorum imperatorum; quantae et quam immanes divitiae Xviris in tantis auctionibus, tot iudiciis, tam infinita potestate rerum omnium quaerantur videtis., et J.-L. Ferrary, « Rogatio Servilia agraria », Athenaeum, 66, 1988, 141-164, 157), ni le fait qu'une mission soit confiée au consul prior sans que son nom soit indiqué (cf. la mission confiée au praetor qui primus factus est dans la même rogatio: Cic., Leg. agr., 2, 26Cognoscite nunc quae potestas Xviris et quanta detur. Primum lege curiata Xviros ornat. Iam hoc inauditum et plane novum, uti curiata lege magistratus detur qui nullis comitiis ante sit datus. Eam legem ab eo praetore populi Romani qui sit primus factus ferri iubet. At quo modo? Vt ei Xviratum habeant quos plebs designaverit. Oblitus est nullos a plebe designari. Et is orbem terrarum constringit novis legibus qui, quod in secundo capite scriptum est, non meminit in tertio? Atque hic perspicuum est quid iuris a maioribus acceperitis, quid ab hoc tribuno plebis vobis relinquatur. Maiores de singulis magistratibus bis vos sententiam ferre voluerunt. Nam cum centuriata lex censoribus ferebatur, cum curiata ceteris patriciis magistratibus, tum iterum de eisdem iudicabatur, ut esset reprehendendi potestas, si populum benefici sui paeniteret. et Cic., Leg. agr., 28Sed videte hominis religionem et diligentiam. Vidit et perspexit sine curiata lege Xviros potestatem habere non posse, quoniam per VIIII tribus essent constituti; iubet ferre de his legem curiatam; praetori imperat. Quam id ipsum absurde, nihil ad me attinet. Iubet enim, qui primus sit praetor factus, eum legem curiatam ferre; sin is ferre non possit, qui postremus sit, ut aut lusisse in tantis rebus aut profecto nescio quid spectasse videatur. Verum hoc quod est aut ita perversum ut ridiculum, aut ita malitiosum ut obscurum sit, relinquamus; ad religionem hominis revertamur.), ni enfin la date indiquée à propos de la loi Porcia (cf. notice n° 621) ne constituent des objections sérieuses à une datation de la loi en février 100, et le choix dépend essentiellement de la signification politique que l'on attribue à ce texte.
On ne peut de ce point de vue ignorer la minutie des clauses par lesquelles un serment est exigé des gouverneurs de Macédoine et d'Asie et des magistrats en exercice, puis sera exigé chaque année des magistrats entrant en fonction, par lesquelles aussi est sanctionnée toute action violant la loi ou entravant son application, et prévue enfin une procédure d'application de cette sanction (surtout si, comme c'est l'hypothèse la plus probable, la colonne V de Cnide, bien que n'ayant pas d'équivalent à Delphes, appartient encore au texte de la même loi). Même si le serment n'est pas imposé à tous les sénateurs (comme dans la loi agraire de Saturninus [notice n° 44] et la loi latine de Bantia, probablement la loi de majesté du même Saturninus [notice n° 47]), cette caractéristique du texte de Delphes et de Cnide s'explique beaucoup mieux si la loi fut votée au début de l'année 100 par un tribun popularis, que si elle le fut dans les mois qui suivirent l'élimination de Saturninus et de Glaucia. De même, s'il est vrai que le rôle du sénat dans l'administration de l'empire est plusieurs fois reconnu et même prévu par la loi (et il était inévitable qu'il en fût ainsi, sauf à supposer une loi totalement irresponsable ou révolutionnaire), il reste remarquable que la voie législative ait été utilisée pour des domaines qui, en règle générale étaient de la compétence exclusive du sénat. Enfin, dans la teneur des lettres qui devront être envoyées aux rois et aux cités, aucune allusion n'est faite à la toute récente campagne de M. Antonius contre les pirates (102) ; on a moins l'impression d'une continuité que d'une concurrence à l'intérieur de la lutte contre la piraterie, et cela aussi s'expliquerait mieux au début de l'année 100 qu'après l'élection d'Antonius au consulat de 99, ou au début de son consulat.
Comment citer cette notice
Jean-Louis Ferrary. "Loi sur les provinces (prétoriennes) (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice320/. Date de mise à jour :23/05/14 .