Nom de la loi
Loi Sempronia sur la répression du meurtre judiciaire (pl. sc.)
Date
123 av. J.-C.
Rogator
C. Sempronius Gracchus
Sources
Cic., Cluent., 151Bibliographie
- Brunt, Fall, 214
- Ewins, U., « Ne quis iudicio circumueniatur », JRS , 1960, L, 94-107
- Fascione, L., « Aliquem iudicio circumuenire e ob iudicandum pecuniam accipere (da Caio Gracco a Giulio Cesare) », AG , 1975, CLXXXIX, 29-52, part. 30-38
- Ferrary, J.-L., « Lex Cornelia de sicariis et ueneficis », Athenaeum , 79, 1991, 417-434, part. 426-432
- Gruen, RPCC, 84-86
- Kunkel, Untersuchungen, 70 n. 263a et 135
- Lange, RA, II3, 664
- Mantovani, D., « Il pretore giudice criminale in età repubblicana », Athenaeum ,78, 1990, 19-49, part. 47-48
- Miners, N. J., « The Lex Sempronia ne quis iudicio circumueniatur », CQ , 1958, 241-243
- Mommsen, Strafr., 258 et 633
- Rotondi, LPR, 310
- Stockton, Gracchi, 122-126
- Strachan-Davidson, Problems, 244 n. 1 et II, 83
- Weinrib, E. J., « The Judiciary Law of M. Livius Drusus (tr. pl. 91 B.C.) », Historia , 1970, XIX, 414-443, part. 419-426
- (Kunkel-)Wittmann, R., Staatsordnung, Munich, 1995, 645 et n. 308
- Wolf, G., Historische Untersuchungen zu den Gesetzen des C. Gracchus : « Leges de iudiciis » und « Leges de sociis », diss. Munich, 1972, 42-56
- Zumpt, CR, II,1, 73-81
Commentaire
Nous savons par Cic. qu’était tralatice et repris d’une loi de C. Gracchus le chapitre 6 de la loi Cornelia de sicariis : applicable aux seuls magistrats et sénateurs, il sanctionnait de la peine capitale le « meurtre judiciaire », c.-à-d. la conspiration s’employant à faire condamner un citoyen dans un procès capital. Il est fort possible que d’autres clauses complémentaires de la loi Cornelia aient elles aussi été reprises de la loi gracchienne, mais la preuve ne peut en être apportée (voir Ewins, 95 ; Ferrary, 431-432). On notera au passage que, dans Cluent., 151, les mots ne quis iudicio circumueniretur définissent le propos de la loi, mais n’ont pas le caractère de titre officiel qu’on veut trop souvent leur donner.
Le problème est celui de la nature de la loi où figurait le texte repris par Sulla. On doit exclure tout rapport avec la loi de repetundis : elle aussi s’appliquait aux seuls magistrats et sénateurs, mais elle ne prévoyait pas la peine capitale et, si la législation de repetundis postgracchienne en vint à réprimer la corruption passive des juges de rang sénatorial, elle ne sanctionna jamais le meurtre judiciaire proprement dit. Rien ne permet de considérer la loi connue par le Pro Cluentio, comme une loi réprimant la corruption judiciaire sous toutes ses formes, qui aurait de ce fait constitué une réponse aux acquittement scandaleux prononcés par la quaestio de repetundis entre 149 et 123. Elle ne saurait donc être utilisée comme un argument tendant à prouver que Gracchus avait d’abord pensé remédier à ce mal par un autre moyen que la substitution totale de juges de rang équestre aux juges de rang sénatorial (contre cette hypothèse de Last, CAH, IX, 53-54 et 70, voir les réfutations de Miners, Ewins et Stockton). À plus forte raison, ne suivra-t-on pas Fascione quand il propose de ne voir dans la loi sur le meurtre judiciaire qu’une clause de sanction ayant appartenu à la loi de repetundis gracchienne que nous a conservée la Tabula Bembina.
On a pensé à une loi de sicariis et ueneficis (Lange, II3, 664, corrigeant III2, p. 31 ; Rotondi, 310 avec un point d’interrogation ; G. Niccolini, I Fasti dei tribuni della plebe, , Milan, 1934, 162). Cette hypothèse est encore envisagée par Brunt, qui fait justement remarquer que la mesure gracchienne reprise par Sulla devait de toute façon entraîner à brève échéance la création de quaestio(nes) perpetua(e) en matière de meurtre et d’empoisonnement si elle(s) n’existai(en)t pas déjà en 123. Mais il n’est pas impossible qu’elle(s) ai(en)t déjà existé (voir notice n° 559) ; d’autre part, la lecture du Pro Cluentio, ne donne pas l’impression que la totalité de la loi Cornelia ait été précédée par une loi gracchienne largement reprise de façon tralatice, et la réunion dans une seule loi des crimes relevant de l’homicide sous ses diverses formes semble avoir été une innovation majeure de la loi sullanienne (Ferrary, 434). Il est même possible que C. Gracchus ait défini le crime capital de meurtre judiciaire mais non la procédure qui devait le sanctionner, et qui pouvait être dans son esprit une procédure comitiale introduite par un tribun ; en ce cas, c’est seulement avec Sulla que ce crime serait entré dans la compétence explicite d’une quaestio, la quaestio de sicariis et ueneficis (cf. Cluent., 151Postea L. Sulla, homo a populi causa remotissimus, tamen, cum eius rei quaestionem hac ipsa lege constitueret qua uos hoc tempore iudicatis, populum Romanum quem ab hoc genere liberum acceperat adligare nouo quaestionis genere ausus non est. Quod si fieri posse existimasset, pro illo odio quod habuit in equestrem ordinem nihil fecisset libentius quam omnem illam acerbitatem proscriptionis suae qua est usus in ueteres iudices in hanc unam quaestionem contulisset, et Ewins, 95-96).
Restent deux hypothèses, de toute façon fort proches l’une de l’autre :
– la clause reprise par Sulla a appartenu à la même loi que l’interdiction d’instruction d’un procès capital par un tribunal qui n’aurait pas été institué par le peuple (notice n° 905) : en ce sens, Mommsen (RG, II2 [1857], 111 n. * ; Strafr., ), Miners, Stockton. Une variante (peu vraisemblable) a été proposée par Kunkel et reprise par Wittmann : Sulla aurait repris la sanctio de la loi Sempronia sur les procès capitaux, la clause qui devait permettre en particulier la mise en accusation de P. Popillius Laenas. Mais il faut alors supposer une profonde réinterprétation par Sulla du texte gracchien, voire rejeter de façon drastique certaines des précisions fournies par Cic. (ainsi Wittmann).
– elle a appartenu à une loi distincte, mais de toute façon complémentaire, puisque les deux mesures visaient à prévenir toute forme de pression du Sénat pour obtenir abusivement des condamnations capitales contre ses adversaires : en ce sens, Ewins, 98 ; Wolf, 54-56.
La rogatio judiciaire de Drusus en 91 (notice n° 520) semble avoir voulu étendre aux juges équestres la possibilité d’être poursuivis pour corruption passive dans l’exercice de leurs fonctions, plutôt qu’aux membres de l’ordre équestre en général celle d’être poursuivis pour toute forme de participation à un meurtre judiciaire (Weinrib). La loi Sempronia fut reprise de façon tralatice par Sulla dans sa loi de sicariis (notice n° 50), mais elle prenait inévitablement une signification nouvelle dès lors que, simultanément, la totalité du pouvoir judiciaire était restituée au Sénat
Comment citer cette notice
Jean-Louis Ferrary. "Loi Sempronia sur la répression du meurtre judiciaire (pl. sc.)", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice677/. Date de mise à jour :01/10/18 .