Nom de la loi

Loi Sempronia (pl. sc.) instituant le système de la censoria locatio pour la dîme de la province d'Asie

Date

123 ou 122

Rogator

C. Sempronius Gracchus (RE 47)

Thèmes

Sources

Cic., 2 Verr., 3, 12
Inter Siciliam ceterasque prouincias, iudices, in agrorum uectigalium ratione hoc interest, quod ceteris aut impositum uectigal est certum, quod stipendiarium dicitur, ut Hispanis et plerisque Poenorum quasi uictoriae praemium ac poena belli, aut censoria locatio constituta est, ut Asiae lege Sempronia.
 - Fronto, ad Ver., 2, 14, p. 124, 20 Van den Hout
Iam Cato Hispaniam recuperabat, iam Gracchus locabat Asiam uiritim diuidebat.
 - Schol. Bob., p. 157
Cum princeps esset publicanorum Cn. Plancii pater et societas eadem in exercendis uectigalibus grauissimo damno uideretur adfecta, desideratum est in senatu nomine publicanorum, ut cum iis ratio putaretur lege Sempronia et remissionis tantum fieret de summa pecuniae, quantum aequitas postularet, pro quantitate damnorum, quibus fuerant hostili incursione uexati.
 - Diod., 34/35, 25
καὶ τῇ μὲν τῶν δημοσιωνῶν τόλμῃ καὶ πλεονεξίᾳ τὰς ἐπαρχίας ὑπορρίψας ἐπεσπάσατο παρὰ τῶν ὑποτεταγμένων δίκαιον μῖσος κατὰ τῆς ἡγεμονίας.
 - Flor., 2, 3, 2
Qui cum pari tumultu atque terrore plebem in auitos agros arcesseret, et recentem Attali hereditatem in alimenta populo polliceretur, iamque nimius et inpotens altero tribunatu secunda plebe uolitaret, obrogare auso legibus suis Minucio tribuno, fretus comitum manu fatale familiae suae Capitolium inuasit.
 - App., BC, 5, 1, 17-18
17. Ὑμᾶς ἡμῖν, ὦ ἄνδρες Ἕλληνες, Ἄτταλος ὁ βασιλεὺς ὑμῶν ἐν διαθήκαις ἀπέλιπε, καὶ εὐθὺς ἀμείνονες ὑμῖν ἦμεν Ἀττάλου: οὓς γὰρ ἐτελεῖτε φόρους Ἀττάλῳ, μεθήκαμεν ὑμῖν, μέχρι δημοκόπων ἀνδρῶν καὶ παρ᾽ ἡμῖν γενομένων ἐδέησε φόρων. 18. ἐπεὶ δὲ ἐδέησεν, οὐ πρὸς τὰ τιμήματα ὑμῖν ἐπεθήκαμεν, ὡς ἂν ἡμεῖς ἀκίνδυνον φόρον ἐκλέγοιμεν, ἀλλὰ μέρη φέρειν τῶν ἑκάστοτε καρπῶν ἐπετάξαμεν, ἵνα καὶ τῶν ἐναντίων κοινωνῶμεν ὑμῖν.

Bibliographie

  • Badian, E., Publicans and Sinners, Oxford, 1972, 63-4
  • Stockton, Gracchi, 153-6
  • De Martino, F., « Il senatusconsultum de agro Pergameno », PP 38, 1983, 161-190, notamment 180-183
  • Perelli, L., « Questioni graccane », RFIC 118, 1990, 237-52, notamment 247-52
  • Kunkel (-Wittmann), 347-8.

Commentaire

Par Cicéron (Cic., 2 Verr., 3, 12 Inter Siciliam ceterasque prouincias, iudices, in agrorum uectigalium ratione hoc interest, quod ceteris aut impositum uectigal est certum, quod stipendiarium dicitur, ut Hispanis et plerisque Poenorum quasi uictoriae praemium ac poena belli, aut censoria locatio constituta est, ut Asiae lege Sempronia.), nous savons qu'en 70 l'impôt sur les produits de la terre (agrorum uectigalia) de la province d'Asie était affermé par les censeurs en vertu d'une loi Sempronia (censoria locatio... Asiae lege Sempronia). Les Scholies de Bobbio (Schol. Bob., p. 157 Cum princeps esset publicanorum Cn. Plancii pater et societas eadem in exercendis uectigalibus grauissimo damno uideretur adfecta, desideratum est in senatu nomine publicanorum, ut cum iis ratio putaretur lege Sempronia et remissionis tantum fieret de summa pecuniae, quantum aequitas postularet, pro quantitate damnorum, quibus fuerant hostili incursione uexati. ) confirment que la loi Sempronia était toujours en vigueur lorsque les publicains, en 61 (cf. Cic., Att., 1, 17, 9 Asiam qui de censoribus conduxerunt, questi sunt in senatu se cupiditate prolapsos nimium magno conduxisse, ut induceretur locatio, postulauerunt.), demandèrent la fameuse réduction qui ne leur fut accordée qu'en 59 par une loi Julia (notices n° 459), et Fronton (Fronto, ad Ver., 2, 14 Iam Cato Hispaniam recuperabat, iam Gracchus locabat Asiam uiritim diuidebat.) n'ajoute rien (dum Gracchus locabat Asiam). Le texte polémique de Diodore (Diod., 34/35, 25 καὶ τῇ μὲν τῶν δημοσιωνῶν τόλμῃ καὶ πλεονεξίᾳ τὰς ἐπαρχίας ὑπορρίψας ἐπεσπάσατο παρὰ τῶν ὑποτεταγμένων δίκαιον μῖσος κατὰ τῆς ἡγεμονίας.), accusant C. Gracchus d'avoir livré les provinces aux publicains et rendu haïssable le pouvoir romain, a pour principal mérite de ne laisser aucun doute sur l'auteur de cette loi Sempronia : il s'agit de Gaius et non de Tiberius, bien que ce dernier déjà se soit intéressé à l'héritage attalide (voir notices n° 671). Appien, dans un discours que Marc Antoine aurait en 42 adressé aux Grecs et autres habitants de la province d'Asie (App., BC, 5, 4, 17 Ὑμᾶς ἡμῖν, ὦ ἄνδρες Ἕλληνες, Ἄτταλος ὁ βασιλεὺς ὑμῶν ἐν διαθήκαις ἀπέλιπε, καὶ εὐθὺς ἀμείνονες ὑμῖν ἦμεν Ἀττάλου: οὓς γὰρ ἐτελεῖτε φόρους Ἀττάλῳ, μεθήκαμεν ὑμῖν, μέχρι δημοκόπων ἀνδρῶν καὶ παρ᾽ ἡμῖν γενομένων ἐδέησε φόρων.), prétend que les Romains auraient supprimé les impôts payés aux Attalides, jusqu'à ce que des démagogues (c.-à-d. C. Gracchus) les rétablissent. Selon Velleius au contraire, c'est M. Perperna qui en 130 aurait assujetti l'Asie au tribut, après avoir fait prisonnier Aristonicos (Vell., 2, 38, 5 Macedoniam Paulus, Mummius Achaiam, Fuluius Nobilior subegit Aetoliam, Asiam L. Scipio, Africani frater, eripuit Antiocho, sed beneficio senatus populique Romani mox ab Attalis possessam regibus M. Perpenna capto Aristonico fecit tributariam.). Velleius est sans aucun doute plus exact qu'Appien : le royaume d'Attale devenu province d'Asie ne pouvait jouir de l'immunité. On ne peut davantage sauver le texte d'Appien par l'hypothèse que les cités libérées par le testament d'Attale auraient été réassujetties à l'impôt par C. Gracchus : Appien parle des anciens sujets d'Attale sans isoler telle ou telle catégorie, et rien ne permet d'affirmer que les cités proclamées libres par M’. Aquillius et la commission des dix légats auraient perdu leur immunité du fait de C. Gracchus.

La loi Sempronia n'introduisit donc pas la fiscalité romaine dans la province d'Asie ; elle en modifia l'organisation. Sans doute y avait-il déjà des publicains romains en Asie : en témoigne un fragment du livre 26 de Lucilius (Lucil., 671-672 M.Publicanus uero ut Asiae fiam, ut scripturarius pro Lucilio, id ego nolo, et uno hoc non muto omnia.), qui date probablement des années 131-129 (W. J. Raschke, « The Chronology of the Early Books of Lucilius », JRS, 68, 1979, 78-9). De ce que Lucilius utilise le mot scripturarius à côté de publicanus, on ne déduira pas trop hâtivement que seule la taxe sur le bétail aurait été dès cette date affermée à des publicains. Mais on hésitera à tirer argument, pour les produits du sol, d'un s. c. lié à un différend entre les publicains et la cité de Pergame, et connu par plusieurs inscriptions (RDGE, 12 ; nouveau texte fragmentaire trouvé à Éphèse : G. Petzl, « Reste eines ephesischen Exemplars des Senatusconsultum de agro Pergameno (Sherk, Roman Documents Nr. 12) », EA, 6, 1985, 70-71) : on a souvent voulu le dater de 129 (depuis A. Passerini, « Le iscrizioni dell'agora di Smirna concernenti la lite tra i publicani e i Pergameni », Athenaeum, 25, 1937, 252-83 ; en dernier lieu Perelli), mais il est finalement plus probable qu'il s'agisse d'une mesure de 101 (De Martino, avec la bibliographie antérieure ; ajouter H. B. Mattingly, « Scipio Aemilianus and the legacy of Attalus III », LCM, 10, 1985, 119 et E. Badian, LCM, « Two notes on senatus consulta concerning Pergamum », 11, 1986, 15-6). Il n'est pas impossible que la loi Sempronia ait introduit, ou généralisé, le système de la dîme pour les produits du sol à la place d'une redevance fixe : on a vu cependant qu'il ne faut pas accorder trop de crédit au texte d'Appien qui milite en ce sens, et nous restons mal informés sur la fiscalité du royaume attalide ; à la réflexion, il est plus vraisemblable que la dîme était déjà utilisée avant C. Gracchus, et que la loi Sempronia en maintint le principe, bien que le système de la censoria locatio ne permît plus de faire des prévisions sur la récolte à venir pour une mise en adjudication désormais faite à Rome, et tous les cinq ans. Il n'est guère douteux (même si aucune de nos sources ne le dit explicitement) que la principale nouveauté introduite par la loi Sempronia fut en effet le principe de la mise en adjudication quinquennale se faisant à Rome même, sous la responsabilité des censeurs, et confiant à une seule société la ferme de la dîme pour l'ensemble de la province (au lieu d'adjudications multiples faites chaque année sur place). Il ne serait pas surprenant que l'auteur de la loi de repetundis (notices n° 682) ait dessaisi les gouverneurs d'Asie d'une tâche qui pouvait être fort lucrative, aux dépens du trésor public, ou des provinciaux, ou des deux. La censoria locatio était sans doute le moyen le plus sûr pour que l'État romain dispose de rentrées fiscales importantes et régulières, et C. Gracchus était d'autant plus soucieux d'accroître ces revenus qu'ils devaient financer son programme de réformes (cf. C. Gracchus, Gell., 11, 10, 2-3 2. Nam vos, Quirites, si uelitis sapientia atque uirtute uti, etsi quaeritis, neminem nostrum inuenietis sine pretio huc prodire. Omnes nos, qui uerba facimus, aliquid petimus, neque ullius rei causa quisquam ad uos prodit, nisi ut aliquid auferat. 3. Ego ipse, qui aput uos verba facio, uti uectigalia uestra augeatis, quo facilius uestra commoda et rempublicam administrare possitis, non gratis prodeo ; uerum peto a uobis non pecuniam, sed bonam existimationem atque honorem. = ORF, n° 48, fr. 44 Nam usos, Quirites, si uelitis sapientia atque uirtute uti, etsi quaeritis, neminem nostrum inuenietis sine pretio huc prodire. Omnes nos, qui uerba facimus, aliquid petimus, neque ullius rei causa quisquam ad uos prodit, nisi ut aliquid auferat. Ego ipse, qui aput uos verba facio, uti uectigalia uestra augeatis, quo facilius uestra commoda et rempublicam administrare possitis, non gratis prodeo ; uerum peto a uobis non pecuniam, sed bonam existimationem atque honorem.). La loi n'était pas a priori défavorable aux provinciaux, même si elle eut finalement des effets pervers que C. Gracchus n'avait sans doute pas prévus. Un aussi gros marché que la dîme de toute la province d'Asie impliquait des mises de fonds considérables. Il est possible que la loi Sempronia ait introduit certaines garanties nouvelles, prescrit par exemple que les dirigeants des sociétés devraient être recrutés parmi les chevaliers romains (hypothèse de C. Nicolet dans Ordre équestre, 337 et dans « Deux remarques sur l'organisation des sociétés de sublicains à la fin de la République Romaine », dans H. Van Effenterre (dir.), Points de vue sur la fiscalité antique, Paris, 1979, 80-82 ; mais il faut sans doute renoncer à tirer argument en ce sens des fragments du livre 26 de Lucilius : cf. supra). Les réformes gracchiennes, en confiant aux chevaliers la quaestio de repetundis et en contribuant à renforcer le poids des publicains au sein de l'ordre équestre, risquaient de rendre les magistrats timorés envers les publicains, voire d'en faire leurs complices aux dépens des provinciaux. C'est la situation décrite par Diodore, mais en des termes exagérés et en oubliant que ce phénomène n'apparut qu'au terme d'une assez lente évolution (cf. J.-L. Ferrary, « Pline, H. N. XXXIII 34 et les chevaliers romains sous la République », REL, 58, 1980, 320-327). On notera enfin que le texte des Scholia de Bobbio (Schol. Bob., p. 157 Cum princeps esset publicanorum Cn. Plancii pater et societas eadem in exercendis uectigalibus grauissimo damno uideretur adfecta, desideratum est in senatu nomine publicanorum, ut cum iis ratio putaretur lege Sempronia et remissionis tantum fieret de summa pecuniae, quantum aequitas postularet, pro quantitate damnorum, quibus fuerant hostili incursione uexati. ) suggère l'existence d'une clause de la loi Sempronia prévoyant une révision du cahier des charges en cas de diminution imprévisible des rentrées fiscales (par fait de guerre notamment).

Le système mis en place par la loi Sempronia ne fut abrogé que par César en 48 (App., BC, 5, 4, 19 Τῶν δὲ ταῦτα παρὰ τῆς βουλῆς μισθουμένων ἐνυβριζόντων ὑμῖν καὶ πολὺ πλείονα αἰτούντων, Γάιος Καῖσαρ τῶν μὲν χρημάτων τὰ τρίτα ὑμῖν ἀνῆκεν ὧν ἐκείνοις ἐφέρετε, τὰς δ' ὕβρεις ἔπαυσεν· ὑμῖν γὰρ τοὺς φόρους ἐπέτρεψεν ἀγείρειν παρὰ τῶν γεωργούντων., et surtout Dio, 42, 6, 3 iΚἀκ τούτου καὶ τὰ ἄλλα τὰ ἐκείνῃ, μηδενὸς ἔτ᾽ ἀνταίροντος, παρελάμβανε καὶ διῴκει, χρημάτων μὲν ἐκλογήν, ὥσπερ εἶπον, ποιούμενος, ἄλλο δὲ μηδὲν μηδένα λυπῶν, ἀλλὰ καὶ εὐεργετῶν πάντας ὅσα ἐνεδέχετο. τοὺς γοῦν τελώνας πικρότατά σφισι χρωμένους ἀπαλλάξας, ἐς φόρου συντέλειαν τὸ συμβαῖνον ἐκ τῶν τελῶν κατεστήσατο. ; P. A. Brunt a montré que la thèse d'une précédente abolition par Sylla était fausse : « Sulla and the Asian publicans », Latomus, 15, 1956, 17-25 = Roman Imperial Themes, Oxford, 1990, 1-8 ; les ll. 72-3 de la lex portorii prouinciae Asiae n'obligent pas à remettre en cause les textes d'Appien et Dion : voir C. Nicolet, « Le monumentum Ephesenum et les dîmes d'Asie », BCH, 1991, 465-80, notamment 480).

D'autres mesures de C. Gracchus concernant les revenus de l'État sont attestées par Vell., 2, 6, 3 Diuidebat agros, uetabat quemquam ciuem plus quingentis iugeribus habere, quod aliquando lege Licinia cautum erat, noua constituebat portoria, nouis coloniis replebat prouincias, iudicia a senatu trasferebat ad equites, frumentum plebi dari instituerat ; nihil immotum, nihil tranquillum, nihil quietum, nihil denique in eodem statu relinquebat ; quin alterum etiam continuauit tribunatum. et peut-être CIL, I2, 585 = RS, 1, n° 2, l. 82Queiquomque uectigal decumas pro eo agro loco scripturamue pr]o pecore ex lege Sempronia dare non solitei sunt, quei ager eis ex h(ac) l(ege) datus redditus commutatus eri[t, quei eorum e]u[m agrum habebit] possidebit frueturue, pro eo agro loco (n)eiue uectigal neiue decumas nei(ue) scripturam, quod post // h(anc) l(egem) r(ogatam) fruetur, dare debeto. (cf. notices n° 668). Il n'y a pas de raison décisive de penser qu'elles aient figuré dans la loi sur la locatio censoria des dîmes d'Asie.

Comment citer cette notice

Jean-Louis Ferrary. "Loi Sempronia (pl. sc.) instituant le système de la censoria locatio pour la dîme de la province d'Asie", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice672/. Date de mise à jour :03/02/23 .