Nom de la loi

Rogatio (pl.sc.) Scribonia sur la confiscation du royaume numide de Juba

Date

50 av. J.-C.

Rogator

C. Scribonius Curio (RE 11)

Thèmes

Sources

Caes., Ciu., 2, 25, 4
Eodemque tempore his rebus subsidio DC Numidae ex oppido peditesque CCCC mittuntur a Varo, quos auxilii causa rex Iuba paucis diebus ante Vticam miserat. Huic et paternum hospitium cum Pompeio et simultas cum Curione intercedebat, quod tribunus plebis legem promulgauerat, qua lege regnum Iubae publicauerat.
 - Luc., Bellum ciuile, 4, 687-92
priuatae sed bella dabat Iuba concitus irae. hunc quoque quo superos humanaque polluit anno lege tribunicia solio depellere auorum Curio temptarat, Libyamque auferre tyranno dum regnum te, Roma, facit.
 - Dio, 41, 41, 3
ὁ δὲ δὴ Ἰόβας Ἰεμψοῦ τε παῖς ὢν καὶ τῶν Νομάδων βασιλεύων, τά τε τοῦ Πομπηίου ὡς καὶ τὰ τοῦ δήμου τῆς τε βουλῆς προτιμῶν, καὶ τὸν Κουρίωνα διά τε τοῦτο, καὶ ὅτι τήν τε βασιλείαν αὐτοῦ δημαρχῶν ἀφελέσθαι καὶ τὴν χώραν δημοσιῶσαι ἐπεχείρησε, μισῶν, ἰσχυρῶς αὐτῷ προσεπολέμησεν.
 - Comment. Lucan., p. 146
ad u. 689. Quando tribunus fuit, nouam rogationem tulerat de publicando regnum Iubae, ut esset prouincia.
 - Adnot. Lucan., p. 151
689 POLLET ANNO. Quando tribunus plebis fuit. 691 CURIO TEMPTARAT. Id est cum tribunus plebis fuisset, tulit legem ut pelleretur Iuba [a] regno quod a maioribus optinebat.

Bibliographie

  • Rotondi, LPR, 413
  • Gruen, Last Generation, 472

Commentaire

Contrairement aux autres rogationes de Curion, que nous connaissons par la correspondance de Cicéron, essentiellement les lettres envoyées entre novembre 51 et février 50 par M. Caelius Rufus à Cicéron alors retenu en Cilicie par son gouvernement provincial pour le tenir au courant de l’actualité politique de Rome, celle-ci est mentionnée plus tard, par César, dans son récit de la campagne de Curion en Afrique, où celui-ci trouva la mort au début de la guerre civile, victime d’un guet-apens de Juba, en 49.

Curion, en proposant de faire voter une loi confisquant le royaume numide de Juba, aurait provoqué la haine du roi, qui avait succédé quelque temps auparavant à son père Hiempsal II, redevable à Pompée de l’avoir rétabli sur son trône en 81 quand, poursuivant les marianistes réfugiés en Afrique, il l’avait aidé à chasser son rival Hiarbas qui les avait abrités (Plut., Pomp., 12, 4εἷλε δὲ καὶ τῶν βασιλέων Ἰάρφαν τὸν συμμαχήσαντα Δομετίῳ, τὴν δὲ βασιλείαν Ἰάμψᾳ παρέδωκε.). Juba avait hérité de ces liens avec Pompée, et, avant de succéder à son père, à une date postérieure à 61 (où Vatinius en route pour sa légation en Hispanie Ultérieure traversa son royaume : Cic., Vat., 12Fuerisne, quod sine senatus consulto tibi facere non licuit, in regno Hiempsalis ?) mais que nous ne connaissons pas, avait séjourné à Rome. Il y défendit les intérêts de son père contre un de ses vassaux soutenu par César (Suet., Iul., 71Masintham nobilem iuvenem, cum aduersus Hiempsalem regem tam enixe defendisset, ut Iubae regis filio in altercatione barbam inuaserit,) et, d’après Cicéron, fit pression sur la commission des décemvirs qui devait mettre en œuvre la rogatio agraire de Servilius Rullus ((Cic., Leg. agr., 2, 5958 (…) possidere agros in ora maritima regem Hiempsalem quos P. Africanus populo Romano adiudicarit; ei tamen postea per C. Cottam consulem cautum esse foedere. Hoc quia uos foedus non iusseritis, ueretur Hiempsal ut satis firmum sit et ratum. Cuicuimodi est illud, tollitur uestrum iudicium, foedus totum accipitur, comprobatur. Quod minuit auctionem xuiralem laudo, quod regi amico cauet non reprehendo, quod non gratis fit indico. 59. Volitat enim ante oculos istorum Iuba, regis filius, adulescens non minus bene nummatus quam bene capillatus.). Cependant, au début de la guerre civile il n'avait pas encore été reconnu roi ami et allié du peuple romain (cf. Caes., Ciu, 1, 6, 3-4Refertur etiam de rege Iuba, ut socius sit atque amicus.)

Les motifs invoqués par Curion pour proposer l’annexion du royaume de Juba – qui ne couvrait que la Numidie orientale, contigüe à la province d’Afrique dont elle était séparée depuis 146 par la fossa regia (cf. V. N. Kontorini, « Le roi Hiempsal II de Numidie et Rhodes », AC, 44, 1975, 89-99, part. 93-95) – ne sont pas connus, mais on a fait l’hypothèse, au vu du projet antérieur de Curion concernant l’ager Campanus (Cic., Fam., 8, 10, 4Illud addo ad actiones C. Curionis, de agro Campano; de quo negant Caesarem laborare, sed Pompeium ualde uelle, ne uacuus aduenienti Caesari pateat.) (notice n° 650) d’un projet de distribution de terres (Gruen). Si c’est le cas, il s’inscrivait peut-être, pour ce qui est du lieu, dans la tradition de la colonisation marienne de la Numidie consécutive à la défaite de Jugurtha et à la lex Appuleia de 103, quoique celle-ci se soit faite sans annexion préalable du royaume.

La tradition postérieure, unanime pour décrier le comportement ambigu et provocateur de Curion, qui aurait longtemps dissimulé son ralliement intéressé à César (par exemple Dio, 40, 61, 2δι᾽ οὖν ταῦτα ἐπὶ μακρότατόν τε ἐπεκρύψατο, καὶ ὅπως μηδένα τρόπον ὑποπτευθῇ μεταβεβλῆσθαί τε καὶ οὐκ ἀνὰ πρώτους καὶ πάντα τὰ ἐναντία τῷ Καίσαρι καὶ τότε ἔτι καὶ φρονεῖν καὶ λέγειν, καὶ ἐδημηγόρει κατ᾽ αὐτοῦ ἀφ᾽ οὗ γε καὶ δημαρχεῖν ἤρξατο, καὶ ἐσηγεῖτο πολλὰ καὶ ἄτοπα.), pourrait suggérer que l’annexion du royaume de Juba était un coup porté indirectement à Pompée, auquel le roi restait lié (paternum hospitium cum Pompeio, écrit César). Mais peut-être faut-il plutôt chercher une cohérence entre les différentes rogationes de Curion, comme y a invité Gruen, en s’appuyant sur le rapprochement fait par Caelius entre sa rogatio viaria (notice n° 657) et la rogatio agraria de Servilius Rullus en 63 (notice n° 686), qu’il interprète, de même que sa rogatio alumentaria (notice n° 649) – c’est-à-dire sans doute frumentaire – comme des indices de son passage à une politique popularis (Cic., Fam., 8, 6, 5Quod tibi supra scripsi Curionem ualde frigere, iam calet; nam feruentissime concerpitur; levissime enim, quia de intercalando non obtinuerat, transfugit ad populum et pro Caesare loqui coepit legemque uiariam, non dissimilem agrariae Rulli, et alimentariam, quae iubet aediles metiri, iactauit.). Il est probable que le programme de Clodius a inspiré Curion (Gruen, 471-474). La loi Clodia confisquant le royaume de Chypre (notice n° 109) était donc sans doute le modèle de la loi de Curion. On pourrait songer aussi aux projets d’annexion du royaume d’Égypte, depuis celui qui avait vivement opposé Crassus et Lutatius Catulus lors de leur censure en 65.

Curion avait tenté, pour avoir le temps de soumettre toutes ses rogationes au vote populaire, d’obtenir un mois intercalaire (Dio, 40, 62, 1ἠξίου μῆνα ἄλλον πρὸς τὰς ἀπ´αὐτῶν δὴ νομοθεσίας ἐπεμβληθῆναι), mais en vain (Cic., Fam., 8, 6, 5quia de intercalando non obtinuerat), et il ne put manifestement les faire voter à cause des entraves mises à la tenue des assemblées (Cic., Fam., 8, 11, 1nam Curio tui cupidissimus, cui omnibus rationibus comitiales dies eripiebantur).

Comment citer cette notice

Jean-Louis Ferrary. "Rogatio (pl.sc.) Scribonia sur la confiscation du royaume numide de Juba", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice655/. Date de mise à jour :22/04/23 .