Nom de la loi

Loi Pompeia sur les provinces

Date

52 av. J.-C.

Rogator

Cn. Pompeius Magnus (*RE 15)

Thèmes

Sources

Dio, 40, 56, 1
τό τε δόγμα τὸ μικρὸν ἔμπροσθε γενόμενον ὥστε τοὺς ἄρξαντας ἐν τῇ πόλει μὴ πρότερον ἐς τὰς ἔξω ἡγεμονίας πρὶν πέντε ἔτη παρελθεῖν κληροῦσθαι ἐπεκύρωσεν.

Bibliographie

  • Willems, Sénat, 588-598
  • Marshall, A.J., « The Lex Pompeia de prouinciis (52 B.C.) and Cicero' Imperium in 51-50 B.C. », ANRW I, 1, 1972, 887-921, part. 891-893
  • Gruen, Last Generation, 457-460
  • Giovannini, A., Consulare Imperium, 114-119
  • Girardet, K.M., « Die Lex Iulia de prouinciis », RhM 130, 1987, 291-329, notamment 293-300 (= Rom auf dem Weg von der Republik zum Prinzipat, Bonn, 2007, 159-198)
  • Bonnefond, M., Le Sénat de la République romaine de la guerre d'Hannibal à Auguste, Paris, 1989, 406-411
  • Bonnefond, M., « Quorum et prise de décision dans le Sénat romain aux deux derniers siècles de la République », CCG 1, 1990, 129-151, notamment 135-138 (= M. Coudry, Senatus. Treize études, 67-90)
  • Brennan, Praetorship, 402-403
  • Ferrary, J.-L., « À propos des pouvoirs d’Auguste », CCG 12, 2001, 101-154, part. 103-107 (= Recherches sur les lois comitiales, 513-570)

[Steel, C. E. W., « The lex Pompeia de provinciis of 52 B.C.: a reconsideration », Historia, 61, 2012, 83-93

Dalla Rosa, A., Cura et tutela: le origini del potere imperiale sulle province proconsolari, Stuttgart, 2014, 83-85

Morrell, K., Pompey, Cato, and the Governance of the Roman Empire, Oxford, 2017, 214-236

Rafferty, D., Provincial Allocations in Rome, 125-52 B.C., Stuttgart, 2019, 139-151]

Commentaire

Selon Dion, Pompée fit en 52 ratifier (par le peuple : ἐπεκύρωσεν) un s. c. voté en 53 (Dio, 40, 30, 1 ὁ Βίβουλος ἄρξων τῆς Συρίας ἀφίκετο, καίπερ ἐψηφισμένου μήδενα μήτε στρατηγὸν μήθ᾽ὕπατον μήτε εὐθὺς μήτε πρὸ πέμπτου ἔτους ἐς τὰς ἔξω ἡγεμονίας ἐξιέναι, ἵνα μὴ διὰ τοῦτο σπουδαρχοῦντες στασιάζωσι. ; Dio, 40, 46, 2δόγμα τε ἐποιήσαντο μηδένα μήτε στρατηγήσαντα μήθ᾽ ὑπατεύσαντα τὰς ἔξω ἡγεμονίας, πρὶν ἂν πέντε ἔτη διέλθῃ, λαμβάνειν, εἴ πως ὑπὸ τοῦ μὴ παραυτίκα ἐν δυνάμει τινὶ αὐτοὺς γίγνεσθαι παύσαιντο σπουδαρχοῦντες.), qui instituait un délai de cinq ans entre l'exercice de la préture ou du consulat et celui d'un gouvernement provincial. Le but était de mettre un terme au développement croissant de la brigue et de la corruption électorale, puisque ce délai ne permettait plus aux candidats d'emprunter et dépenser des sommes énormes avec l'espoir de rentrer immédiatement dans leurs fonds aux dépens des provinciaux. Pour César (Caes., Ciu., 1, 6, 5 Prouinciae priuatis decernuntur duae consulares, reliquae praetoriae. ; Caes., Ciu., 1, 85, 9Omnia haec iam pridem contra se parari; in se noui generis imperia constitui, ut idem ad portas urbanis praesideat rebus et duas bellicosissimas prouincias absens tot annis obtineat; in se iura magistratuum commutari, ne ex praetura et consulatu, ut semper, sed per paucos probati et electi in prouincias mittantur.), au contraire, la mesure aurait été dirigée contre lui, et destinée à permettre qu'il fût dépouillé de ses provinces avant de pouvoir exercer un second consulat. Ces deux explications ne sont pas incompatibles. Le but officiel fut certainement celui qu'indique Dion, et rien ne permet de penser que ç'ait été un pur prétexte ; mais les adversaires de César n'ignoraient pas le parti qu'ils pouvaient tirer de la nouvelle loi, et ils le montrèrent bien dès 51.

Giovannini (suivi par Girardet) s'est efforcé de montrer que Dion aurait réinterprété la loi Pompeia à la lumière des réformes augustéennes, qu'elle n'aurait concerné en réalité que les provinces prétoriennes alors que les provinces consulaires seraient restées soumises à la loi Sempronia de 123/2, et que l'envoi de Cicéron en Cilicie, en particulier, n'aurait rien eu à voir avec la loi Pompeia. Parmi les textes utilisés par Giovannini, il faut d'emblée éliminer Cic., Fam., 8, 10, 2-3 2. (…) Consules autem, quia uerentur, ne illud senatus consultum fiat, ut paludati exeant et contumeliose praeter eos ad alium res transferatur, omnino senatum haberi nolunt (…) 3.(…) Paullus porro non humane de prouincia loquitur: huius cupiditati occursurus est Furnius noster. : l'une des hypothèses envisagées fin 51 devant la menace parthe était d'envoyer un ou des consuls ; une telle décision aurait été conforme à la mission traditionnelle des magistrats suprêmes en situation d'urgence, et ce n'est pas en tout cas en vertu de la loi Sempronia que les consuls de 51, ou même les consuls déjà désignés pour 50, auraient pu recevoir un tel commandement. Le principal argument de Giovannini est le fait que, dans les s. c. du 29 septembre 51, il est toujours question de prouinciae consulares, alors qu'on ne parle plus de prouinciae praetoriae. Cet argument n'est pas décisif : la précision de vocabulaire du § 8 (Cic., Fam., 8, 8, 8prouincias quas praetorii pro praetore optinerent et eos qui praetores fuerunt neque in prouincia cum imperio fuerunt, quos eorum ex s.c. cum imperio in prouincias propraetore mitti oporteret, eos sortito in prouincias mitti placere; si ex eo numero, quos ex s. c. in prouincias ire oporteret, ad numerum non essent, qui in eas prouincias proficiscerentur, tum, uti quodque collegium primum praetorum fuisset neque in prouincias profecti essent, ita sorte in prouincias proficiscerentur; si ii ad numerum non essent, tunc deinceps, proximi cuiusque collegii qui praetores fuissent neque in prouincias profecti essent, in sortem coniicerentur, quoad is numerus effectus esset, quem ad numerum in prouincias mitti oporteret.) était nécessaire parce qu'il s'agissait de décrire une procédure qui aurait été immédiatement appliquée s'il n'y avait eu intercession, alors que le § 5 (Cic., Fam., 8, 8, 5Quod M. Marcellus cos. u.[erba] f.[ecit] de prouinciis consularibus, d. e. r. i. c., uti L. Paullus C. Marcellus coss., cum magistratum inissent, ex Kal. Mart., quae in suo magistratu futurae essent, de consularibus prouinciis ad senatum referrent.) peut se contenter de parler de prouinciae consulares parce qu'il ne prend pas de décision exécutoire, mais fixe une date pour un nouveau débat : c'est d'ailleurs pourquoi seule cette partie du texte adopté par le Sénat échappa à l'intercession (voir sur ces textes K. Raaflaub, Chiron, 4, 1974, 296-300, et le commentaire de Shackleton Bailey, Familiares). On notera que César (Caes., Ciu., 1, 6, 5Prouinciae priuatis decernuntur duae consulares, reliquae praetoriae.) continue lui aussi de parler de prouinciae consulares et praetoriae, à propos du s.c. de 49 qui envoyait pourtant dans les provinces des priuati, consulaires ou prétoriens. Les textes de César parlent clairement d'une mesure concernant les provinces consulaires aussi bien que prétoriennes, et les proconsulats de Cicéron et Bibulus en 51 ne s'expliquent guère qu'en fonction de la loi Pompeia. On admettra donc que la loi Pompeia concernait toutes les provinces, consulaires comme prétoriennes (Brennan, Ferrary).

Il ne faut pas oublier, de toute façon, que la réforme de 52 n'aurait pu être pleinement appliquée (s'il n'y avait eu la guerre civile) qu'à partir de 47/46, et que pour les années 51 - 48/7 durent être prévues des mesures transitoires, dont les conflits politiques ne permirent d'ailleurs qu'une application partielle, en 51 et en 49. Il n'est donc pas surprenant que l'attribution des provinces en 51 et 49 ne soit pas parfaitement conforme aux indications fournies par Dion. Le principe adopté semble avoir été de mettre immédiatement fin à la continuité des magistratures et des gouvernements provinciaux, en envoyant dans les provinces des consulaires ou prétoriens n'ayant pas encore exercé de gouvernement provincial (sans leur laisser manifestement, la possibilité de se récuser), mais d'admettre une réduction de l'intervalle de cinq ans lorsque c'était inévitable (cf. Cic., Fam., 8, 8, 8 prouincias quas praetorii pro praetore optinerent et eos qui praetores fuerunt neque in prouincia cum imperio fuerunt, quos eorum ex s.c. cum imperio in prouincias propraetore mitti oporteret, eos sortito in prouincias mitti placere; si ex eo numero, quos ex s. c. in prouincias ire oporteret, ad numerum non essent, qui in eas prouincias proficiscerentur, tum, uti quodque collegium primum praetorum fuisset neque in prouincias profecti essent, ita sorte in prouincias proficiscerentur; si ii ad numerum non essent, tunc deinceps, proximi cuiusque collegii qui praetores fuissent neque in prouincias profecti essent, in sortem coniicerentur, quoad is numerus effectus esset, quem ad numerum in prouincias mitti oporteret. ; Cic., Fam., 2, 15, 4 Fortasse etiam illud adderent, senatum eos voluisse prouinciis praeesse qui antea non praefuissent, fratrem meum triennium Asiae praefuisse. et Cic., Att., 6, 6, 3'Hui, fratrem reliquit! num est hoc non plus annum obtinere prouinciam? quid quod senatus eos voluit praeesse prouinciis qui non praefuissent? at hic triennium!'). On ne peut dire si ces mesures provisoires étaient fixées dans le détail par la loi, ou avaient été laissées dans une large mesure à l'appréciation du sénat : il est en tout cas évident qu'en 49 les consulaires furent choisis selon des critères politiques, alors que le quinquennium, en ce qui les concernait, aurait pu être respecté (Caes., Ciu., 1, 6, 5Prouinciae priuatis decernuntur duae consulares, reliquae praetoriae.).

L'interdiction d'intercéder contre le s.c. sur les provinces consulaires était liée à l'obligation de le faire adopter avant les élections, et elles durent donc disparaître l'une et l'autre lorsque la loi Pompeia remplaça la loi Sempronia (cf. Cic., Fam., 8, 8, 6Quod M. Marcellus cos. u. f. de prouinciis, d. e. r. i. c., senatum existimare neminem eorum, qui potestatem habent intercedendi impediendi, moram afferre oportere, quo minus de. r. p. p. r. q. ad senatum referri senatique consultum fieri possit: qui impedierit prohibuerit, eum senatum existimare contra rem publicam fecisse; si quis huic s. c. intercesserit, senatui placere auctoritatem perscribi et de ea re ad senatum populumque referri., impliquant la possibilité d'une intercession tribunitienne contre tous les s.c. relatifs aux provinces). Il semble en revanche que la loi Pompeia ait introduit un quorum pour que fussent valides les s.c. concernant les provinces (Willems, Bonnefond). La loi dut aussi prévoir les modalités de collation de l'imperium à des consulaires et prétoriens qui de toute façon, au moment de la sortitio, n'étaient plus que des priuati.

Il semble enfin qu'elle ait introduit des règles nouvelles quant à la durée d'exercice des gouvernements provinciaux. Cicéron prétend qu'il était légalement obligé de quitter la Cilicie un an après y avoir mis le pied, et non comme auparavant dans les 30 jours suivant l'arrivée de son successeur, et il semble qu'il en allait de même pour les autres gouverneurs envoyés dans les provinces en 51 (Cic., Att., 5, 16, 4 Appius ut audiuit nos uenire, in ultimam provinciam se coniecit Tarsum usque (…) id autem facere ob eam causam dicebant quod tardius uellet decedere. ; Cic., Att., 7, 3, 1 etsi cupidissime expetitum a me est et te approbante ne diutius anno in prouincia essem, tamen non est nostra contentione perfectum. Sic enim scito, uerbum in senatu factum esse numquam de ullo nostrum qui prouincias obtinuimus quo in iis diutius quam ex senatus consulto maneremus, ut iam ne istius quidem rei culpam sustineam quod minus diu fuerim in prouincia quam fortasse fuerit utile. ; Cic., Att., 7, 3, 5 Bibulus de prouincia decessit, Veientonem praefecit; in decedendo erit, ut audio, tardior. ; Cic., Att., 7, 7, 5quod scribis mirificam exspectationem esse mei) ; contra, toutefois, Brennan, pour qui une obligation aussi stricte aurait été absurde. Rien pourtant ne permet d'affirmer que la loi Pompeia ait expressément limité à un an la durée des gouvernements provinciaux : Cicéron évoque à de nombreuses reprises, avant même que les intercessions tribunitiennes bloquent le bon fonctionnement de la loi pour l'année 50, sa crainte d'être prorogé (Cic., Att., 5, 17, 5 idem scripsit Hortensium de proroganda nostra prouincia dixisse nescio quid. mihi in Cumano diligentissime se ut annui essemus defensurum receperat. ; Cic., Att., 5, 18, 1 quod si alium ad uer mittit, non laboro, nobis modo temporis ne quid prorogetur. ; Cic., Fam., 3, 8, 9 in quibus unum illud te praecipue rogo ut cures, ne quid mihi ad hoc negotii aut oneris accedat aut temporis, Hortensiumque, nostrum collegam et familiarem, roges, ut, si umquam mea causa quidquam aut sensit aut fecit, de hac quoque sententia bima decedat, qua mihi nihil potest esse inimicius. ; Cic., Fam., 15, 14, 5De me autem idem tecum his ago litteris, quod superioribus egi, ut omnes tuos neruos in eo contendas, ne quid mihi ad hanc prouinciam, quam et senatus et populus annuam esse uoluit, temporis prorogetur.), et jamais (même dans Cic., Fam., 2, 7, 4Te, mi Curio, pro tua incredibili in me beneuolentia meaque item in te singulari rogo atque oro ne patiare quicquam mihi ad hanc prouincialem molestiam temporis prorogari (…) Nunc a tribuno pl. et a Curione tribuno, non ut decernatur aliquid noui, quod solet esse difficilius, sed ut ne quid noui decernatur, ut et senati consultum et leges defendas, eaque mihi condicio maneat qua profectus sum.) il ne prétend que ç'eût été illégal. On pourrait, il est vrai, suggérer que la loi Pompeia (annonçant en cela la loi Julia de 46) interdisait toute prorogation d'un propréteur et n'en permettait qu'une pour un proconsul, mais ce serait pure hypothèse. De toute façon, même s'il avait la volonté de rétablir comme norme un gouvernement d'une seule année, le législateur était contraint de permettre (et de prévoir) des prorogations exceptionnelles si le nombre des anciens magistrats éligibles pour le tirage au sort était insuffisant.

La loi Pompeia fut dès 49 abrogée ou du moins non respectée par César (Girardet, 301-307), et remplacée en 46 par une loi Julia (notice n° 458).

Comment citer cette notice

Jean-Louis Ferrary. "Loi Pompeia sur les provinces", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice609/. Date de mise à jour :25/04/24 .