Nom de la loi

Loi Hirtia sur les partisans de Pompée

Date

48 av. J.-C. ?

Rogator

A. Hirtius

Thèmes

Sources

Cic., Phil., 13, 32
"Neminem Pompeianum qui uiuat teneri lege Hirtia dictitatis." Quis, quaeso, iam legis Hirtiae mentionem facit ? Cuius non minus arbitror latorem ipsum quam eos de quibus lata est paenitere. Omnino mea quidem sententia legem illam appellare fas non est ; et, ut sit lex, non debemus illam Hirti legem putare.

Bibliographie

  • Bauman, Crimen maiestatis, 166-170
  • Crawford, RS, 1, 455-457
  • Gelzer, Caesar6, 253
  • Lange, RA, 32, 454-455
  • Mommsen, CIL, I, 627
  • Niccolini, G.B., FTP, 335-337
  • Von der Mühll, RE, 8, 1913, s. u. Hirtius col 2, 1957
  • Willems, Sénat, 1, 592
  • Yavetz, Caesar, 86-88

Commentaire

La loi n'est connue que par les deux mentions emboîtées qu'en font en mars 43 Cic. et Antoine, dans une lettre à A. Hirtius citée par Cic. dont le texte est corrompu : selon la leçon des mss. (tenere lege Hirtia dignitates ou -tis), Antoine rappellerait que la loi interdit aux Pompéiens de revêtir une charge publique ; la leçon mixte adoptée par Bauman, 168, teneri l- H- dignitatis, a le double inconvénient de ne pas contenir de verbe conjugué et de supposer une équivalence entre lex dignitatis et lex maiestatis sans aucun parallèle et linguistiquement peu convaincante. Selon Orelli (M.T.C. opera quae supersunt omnia, 2, 2, Zurich, 1826, 592 : teneri l- H- dictitatis, correction désormais reçue, cf. P. Fedeli, Leipzig, 1982, 167), Antoine reprocherait à Hirtius, à Octave et au Sénat de considérer dans la pratique comme nulle et non avenue la loi Hirtia dans le cas de tous les Pompéiens sans exception. La réponse de Cic. minimise l'importance accordée à ce moment-là à la loi et en dénie la paternité réelle à son lator A. Hirtius (RE 2), faisant donc retomber sur César la responsabilité politique de sa passation, par souci d'éviter toute critique envers Hirtius, alors consul et favorable au Sénat. On ne peut suivre l'interprétation de cette phrase donnée par Bauman, supposant qu'en cas de collaboration étroite dans l'élaboration d'une loi entre un consul ou un dictateur et un tribun, l'on pouvait la désigner du nom de l'un ou de l'autre, et que Cic. aurait fait allusion à cet usage ; ce que nous savons du formalisme habituel de l'élaboration et de la désignation s'y oppose. Si on considère que teneri dans la lettre d'Antoine fait allusion à la formule usuelle non uideri populum teneri par laquelle le Sénat annulait une loi (cf. Bleicken, Lex publica, 466 n. 309), le reproche d'Antoine concernerait plutôt une annulation formelle par un s.c. (voir P. Wuilleumier, Cicéron. Discours, XX, 2, Paris, 1964, 89, dont la datation au début de février 43 de ce s.c. et l'hypothèse d'une proposition de P. Servilius Isauricus n'ont pas de fondement dans les sources ; pour Yavetz, la loi fut abrogée après la mort de César, sans précision de procédure). La réponse de Cic., omnino mea quidem sententia legem illam appellare fas non est, peut être comprise en ce sens, et la lettre d'Antoine rappelait (Cic., Phil., 13, 31"Veteranorum colonias, deductas lege senatus consulto sustulistis." Nos sustulimus an contra lege comitiis centuriatis lata sanximus ?) l'annulation de la lex Antonia sur les colonies de vétérans (voir Loi n° 33). On pourrait donc suggérer la correction decreuistis, moins économique à vrai dire que dictitatis d'Orelli.

La datation de la loi est discutée : on l'attribue soit à la préture d'Hirtius en 46 (Lange, Mommsen, Vonder Mühll, Crawford), donc sans doute après Thapsus, soit à un tribunat, autrement non attesté, de 48, en identifiant la loi Hirtia à une loi autorisant César à prendre toutes dispositions concernant les Pompéiens, rapportée par Dio, 42, 20, 1τούς τε γὰρ τὰ τοῦ Πομπηίου φρονήσαντας ἐπέτρεψαν αὐτῷ πᾶν ὅ τι ποτ ̓ ἂν ἐθελήσῃ δρᾶσαι, dans son récit des énénements de 48, mais en tête d'une liste dont on ne peut dire si elle est raisonnée ou chronologique (Willems, Niccolini, Yavetz, Broughton, 2, 274 et 285, dubitativement, Gelzer, Bauman). S'il est exact que rien n'oblige à attribuer un tribunat à Hirtius, il souligne lui-même (Hirt. dans Caes., Gall. 8, praef. 8mihi ne illud quidem accidit, ut Alexandrino atque Africano bello interessem) qu'il ne participa pas en 48 à la campagne de César en Égypte, alors qu'il est attesté à ses côtés auparavant en Espagne et en 47 à Antioche. A condition de supposer qu'il revint à Rome avec César en décembre 49 et que les élections tribuniciennes furent cette année-là tardives (Niccolini), comme on sait que le furent les élections consulaires, Hirtius a pu être tribun en 48. Bauman, 166-167, refuse d'identifier la loi de Dio et la loi Hirtia au motif que la double abrogation de la dictature, par la loi Antonia de 44 (voir Loi n° 34) et la loi Vibia de 43 (voir Loi n° 753), aurait automatiquement abrogé la loi Hirtia si elle accordait (comme la loi de Dio) des pouvoirs exceptionnels à César, en tant que dictateur, ce qui rendrait incompréhensible la réaction scandalisée d'Antoine, voyant le Sénat considérer la loi Hirtia comme nulle et non avenue. Mais les deux lois de 44 et 43, abrogeant la dictature pour l'avenir, n'avaient pas pour objet d'annuler les actes pris par César ou lui accordant des pouvoirs spéciaux.

Pour Lange et Willems, se fondant sur la leçon dignitates, sûrement erronée (Orelli ; le pl. dignitates au sens de honores est surprenant), la loi se bornait à limiter le ius honorum de certains Pompéiens. Mais le rapprochement avec la notice de Dio et avec une loi mentionnée par Cic. conduirait à lui attribuer une teneur plus étendue, donnant à César la possibilité d'exiler les Pompéiens et de confisquer leurs biens. En janvier 47, Cic., Att. 11, 9, 1quid autem me iuuat quod ante initum tribunatum ueni, si ipsum quod ueni nil iuuat ? Iam quid sperem ab eo qui mihi amicus numquam fuit, cum iam lege etiam sim confectus et oppressus ? et Cic., Att. 11,9,3Ita omnibus rebus urgeor; quas sustinere uix possum uel plane nullo modo possum. quibus in miseriis una est pro omnibus quod istam miseram patre, patrimonio, fortuna omni spoliatam relinquam., écrit qu'il redoute les effets éventuels sur sa liberté de résider en Italie, son patrimoine, et même celui de sa femme, d'une loi que Gelzer identifie à la loi de Dio, en indiquant que l'identification de la loi de Dio à la loi Hirtia est discutée (contra, Schmidt, O. E., Briefwechsel, 417 considère que la mesure évoquée dans cette lettre par Cic. est l'œuvre des tribuns entrant en charge le 10 décembre 48 ; Shackleton Bailey, Atticus, 5, 1966, 278, rapproche également la mesure connue par Dio et la loi redoutée par Cic., mais sans faire mention de la loi Hirtia). En outre, selon Yavetz, une autre lettre, Cic., Att. 11,7,2Quamquam quid ego de lictoribus, qui paene ex Italia decedere sim iussus ? Nam ad me misit Antonius exemplum Caesaris ad se litterarum in quibus erat se audisse Catonem et L. Metellum in Italiam uenisse Romae ut essent palam. Id sibi non placere ne qui motus ex eo fierent ; prohiberique omnis Italia nisi quorum ipse causam cognouisset ; deque eo uehementius erat scriptum. (décembre 48) faisant allusion à une mesure interdisant aux Pompéiens le séjour de l'Italie, sans toutefois faire état d'une loi, mesure dont un édit d'Antoine dispensa Cicéron et D. Laelius (RE 6), vise la loi de Dio que Yavetz assimile à la loi Hirtia. L'identité de ces diverses mesures reste très problématique. Enfin, Bauman a voulu voir dans la loi Hirtia une lex maiestatis visant les Pompéiens en les désignant comme qui arma contra p. R. tulerunt. Mais aucun texte ne la désigne ainsi (voir supra la réfutation de l'interprétation avancée par Bauman de la leçon dignitatis), et cette loi, si elle est bien celle de Dio, ne créait aucune juridiction, mais édictait sans procès, de manière automatique ou après cognitio de César, le bannissement d'Italie des Pompéiens et une forme de confiscation de leurs biens, ce qui la différencie trop des autres lois de maiestate pour que l'hypothèse de Bauman soit retenue.

On a également discuté (Mommsen, Crawford) de l'éventuelle identification de la loi de A. Hirtius et d'une rog. Hirtia citée dans une loi épigraphique très mutilée (CIL, I, 627 = I2, n° 604, l. 8 = RS, n° I, n° 26, 455-457Col. I. [---]ei / [--- ]eis / [---si]gnetur / [---]quae / [--- utatur ]fruatur / [--- us]us fructusue / [---]r aduersus / [--- ]rog(???) Hirtia / [--- q]uae lex, siue / [plebei scitum est, ---]+ ea lex eaue / [---]neto seiue / [--- ] aduersusue / [--- ]fecerit / [--- ]referat / [---]re[..] / Col. II. qua[---] / sub[---] / non[---] / habeb[---] / neue h[---] / inque[ ---] / renu[---] / quae C. Ca[esar ---] / ded[---] / u[---] « Rome Fragment B »), mentionnant C. Ca[esar], col. II, l. 9, sans que l'on puisse établir le rapport existant entre les deux lois ; , col. II, l. 7renu[ntiare ?] pourrait faire allusion à une clause de la loi de Hirtius restreignant l'accès des Pompéiens aux magistratures, et col. I, l. 4[us]us fructusue à une clause traitant de leurs biens. On ne peut évidemment exclure une référence à une autre loi Hirtia non attestée par les sources littéraires.

La seule certitude est donc l'identité du lator et l'objet global de la loi : porter atteinte au statut des partisans de Pompée vaincus.

Comment citer cette notice

Philippe Moreau. "Loi Hirtia sur les partisans de Pompée", dans Lepor. Leges Populi Romani, sous la dir. de Jean-Louis Ferrary et de Philippe Moreau. [En ligne]. Paris:IRHT-TELMA, 2007. URL : http://www.cn-telma.fr/lepor/notice418/. Date de mise à jour :17/11/19 .