Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Livre des Assises de la Cour des Bourgeois
Les dettes entre chrétiens et musulmans
Ici orres la raison dou Franc et dou Sarasin. Se un Franc se clame en la cort dun Sarazin daveir que il li deit, et le Sarasin li nee laveir, et le Franc nen a garens: la raison comande que le Sarasin deit iurer sur sa lei que il rien ne li deit, et atant en deit estre quite. Encement et se un Sarasin se clame dun Franc en la cort daveir que il li deit, et le Franc li nee laveir, et le Sarasin nen a garens: le dreit comande que le Franc ne deit pas faire sairement au Sarasin, se aucune chose nen i avoit de recounoissance.
E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 89.
Ici vous entendrez quelle est la loi au sujet d'un Franc et d'un sarrasin. Si un Franc accuse devant la cour un sarrasin d'être en dette envers lui et si le sarrasin le nie et que le Franc n'a aucun témoin, la loi ordonne au sarrasin de prêter serment sur sa foi qu'il n'est pas en dette envers lui ; après, il doit être disculpé. En outre, si un sarrasin accuse devant la cour un Franc d'avoir une dette envers lui et si le Franc nie et que le sarrasin n'a aucun témoin, la loi ordonne au Franc de ne pas prêter serment devant le sarrasin s'il n'en fait pas reconnaissance.
A. Bishop
Cette assise traite des dettes entre Francs et musulmans lorsqu'on ne peut en faire la preuve devant la cour par l'intermédiaire de témoins. S'il n'y a pas de témoins, un musulman peut être disculpé en jurant "sur sa loi" (le Coran) qu'il ne doit aucune dette. En revanche, un Franc peut simplement nier devoir une dette et il n'est pas nécessaire qu'il prête serment. Les huit assises précédentes traitent des dettes entre Francs ou entre Francs et chrétiens orientaux et explique ce qui doit arriver quand la dette ne peut pas être remboursée. Les assises suivantes traitent des dettes entre chrétiens orientaux.
Cette assise est en accord avec tous les autres principes du droit des croisés selon lesquels un musulman est inférieur du point de vue social et légal à un Franc, c'est-à-dire à un catholique. Cependant, contrairement aux assises de la Haute Cour dans lesquelles les musulmans sont soit complètement ignorés soit représentent la classe sociale la plus basse, dans les assises de la cour des bourgeois leur infériorité est assez mineure : un musulman doit prêter serment afin de nier devoir de l'argent à un Franc, tandis qu'un Franc peut simplement nier être endetté auprès d'un musulman sans prêter serment. En général, un musulman peut louer une propriété et prêter de l'argent, et pourvu qu'il ait des témoins ou que la cour dispose d'un compte-rendu de la transaction ("recounoissance" en ancien français), il peut récupérer l'argent que l’emprunteur lui doit.1 Cette assise ne mentionne pas le genre de témoin exigé, mais en supposant qu'elle suit le reste des assises des bourgeois, un musulman aura besoin de deux témoins francs et un Franc aura besoin de deux témoins musulmans. À la cour des bourgeois, il était interdit aux témoins de témoigner contre les personnes appartenant à une autre religion pour des questions de dette ou d'héritage. En particulier, on s'attend à ce qu'un musulman prête serment sur le Coran et d'autres assises notent que les membres d'autres religions doivent prêter serment sur leurs propres livres saints, ce qui peut indiquer que la cour des bourgeois gardait des copies de chaque livre.2
1 . M.Nader, “Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem”, Medieval Encounters 13 (2007), 255-258.
2 . M.Nader, 255.
Coran ; dette ; musulmans ; témoignage
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°136597, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136597/.