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Livre des Assises[Chapitre 58]

Auteur

Jean d'Ibelin

Titre en français

Livre des Assises

Titre descriptif

Ceux qui ne peuvent pas témoigner à la Haute Cour.

Type de texte

Assise

Texte

Ques gens ne pevent porter garantie en la haute cort. Ces sont ceaus qui ne pevent porter garantie en la haute court et qui n’ont vois ne respons en court : parjurs, foy menties, traytors, bastars, avoutres, ceaus de qui le chanpion a esté vencu en chanp, ceaus qui ont esté reneés ou qui ont servi an et jor sarrasins contre crestiens ou gres, ou gens de tel nacion qui ne sont obeissans a Rome : gres ne suriens ne ermins ne jacopins. Ne gens de nassion qui ne sont obeissans a Rome ne pevent porter garantie en la haute cort, se ce n’est contre celui ou ceaus qui sont de sa nacion que les .ii. dites choses. Que nul ne peut porter garantie en la haute court contre persones qui ne sont de sa nacion, si il n’est de prover aage ou lignage. Ne feme ne home de religion ne prestre ne clerc, tout soit il de la loy de Rome, ne pevent porter garantie en la haute court que de prover aage ou lignage. Ne enfans de mains de .xv. ans ne pevent porter garantie en la haute court. Ne nul ne peut porter garantie en la haute court de ce dont il est parsonnier. Ne serf ne peut porter garantie en la haute court.

Langue

français

Source du texte original

John of Ibelin, Livre des Assises, ed. P. W. Edbury (Leiden, 2003).

Datation

  • Entre 1265 et 1266
  • 13ème siècle (quart : 3 )
  • Précisions : Écrit vers 1265 ou 1266, à Jaffa, juste avant la mort de Jean d'Ibelin.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Jean écrivait à Jaffa dans le royaume de Jérusalem finissant (Jaffa, de nos jours, fait partie de Tel Aviv-Jaffa, en Israël). Les lois de Jérusalem se sont appliquées également au royaume de Chypre.

Traduction française

Ceux qui ne peuvent pas témoigner à la Haute Cour. Voici ceux qui ne peuvent pas témoigner à la Haute Cour et ne peuvent pas parler ou répondre à la Cour : les parjures, ceux qui ont brisé leur serment de fidélité, les traîtres, bâtards, adultères, ceux dont le champion a perdu une ordalie, ceux qui ont renié Dieu ou ceux qui ont servi les Sarrasins pour un an et un jour contre les chrétiens ou les Grecs, ou ceux qui suivent une religion qui n'obéit pas à Rome, c'est-à-dire les Grecs, Syriens, Arméniens, ou jacobins. Aucun de ceux qui observent une religion qui n'obéit pas à Rome ne peut témoigner à la Haute Cour, sauf contre ceux qui suivent la même religion et seulement afin de témoigner sur une question d'âge ou de lignage. Ni religieux ou religieuse, ni prêtre ou clerc, même s'il est catholique, ne peut témoigner à la Haute Cour, sauf s'il s'agit de prouver l'âge ou le lignage. Un enfant qui a moins de quinze ans ne peut pas témoigner à la Haute Cour. Nul ne peut témoigner à la Haute Cour au sujet d'une chose à laquelle il participe. Nul esclave ne peut témoigner à la Haute Cour.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise donne une liste des gens qui ne peuvent pas témoigner contre les Francs (c'est-à-dire les catholiques) à la Haute Cour. En même temps que les criminels condamnés, la liste inclut les non-catholiques, les esclaves (qui étaient normalement musulmans), et les apostats, qui étaient considérés comme traîtres à l'état ou même à la chrétienté.1 Les traités de Geoffroy le Tor, Philippe de Novare, et également les assises de la Cour des Bourgeois, contiennent des assises similaires. Contrairement à Geoffroy, Jean et Philippe et les assises des bourgeois indiquent également dans quelles circonstances exceptionnelles les non-catholiques peuvent témoigner devant les cours de justice. Jean a copié une partie de cette assise soit chez Philippe soit chez Geoffroy ; Philippe a certainement copié Geoffroy presque mot pour mot, car la formulation et la hiérarchie des personnes auxquelles il est interdit de témoigner se retrouvent presque à l'identique. Toutefois, Philippe et Jean développent plus la question alors que le texte de Geoffroy est plus concis.

1 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 435.

Signification historique

De manière générale, les non-chrétiens ne pouvaient témoigner que devant leurs coreligionnaires, et uniquement devant les basses juridictions. Cette règle eut pour conséquence d'exclure de sa participation à la Haute Cour "la très grande majorité de la population".1 Il est bien connu que beaucoup de chrétiens se sont convertis à l'islam, souvent au cours d'une bataille ou d'un siège, ou après avoir été capturés par les armées musulmanes. On peut donc supposer que l'apostasie et la conversion vers l'islam se produisaient assez souvent chez les Croisés.2 Les principaux traités s'accordent sur le fait que le témoignage des apostats doit être interdit. Jean était le seul juriste qui a inclus les esclaves dans cette liste. Bien que cela ne soit pas explicité ici, les esclaves étaient normalement musulmans car aucun chrétien ne pouvait être asservi selon le droit de l'Orient latin. Il y avait un marché aux esclaves à Saint-Jean d'Acre, la capitale, où se vendaient les prisonniers de guerre et les autres captifs. Toutefois, il arrivait que des chrétiens orientaux soient présentés comme musulmans et vendus comme esclaves.34 Il y avait aussi un grand marché aux esclaves à Famaguste, à Chypre, qui prit de l'importance au XIVe siècle après la prise de Saint-Jean d'Acre. À Chypre, les esclaves étaient d'habitude également musulmans, mais il y avait beaucoup d'esclaves chrétiens grecs.5

1 . Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. & trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009), ch. 28, n. 122.

2 . B. Z. Kedar, "Multidirectional conversion in the Frankish Levant", in J. Muldoon, Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages (Gainesville, 1997), reimpr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot, 2006), 194.

3 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-209.

4 . J. S. C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 62-63.

5 . B. Arbel, "Slave trade and slave labor in Frankish and Venetian Cyprus (1191-1571)" Studies in Medieval and Renaissance History 14 (1993), repr. in Cyprus, the Franks and Venice, 13th-16th Centuries (Aldershot, 2000), 163.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Le traité de Jean nous est parvenu à travers cinq manuscrits médiévaux : Bibliothèque nationale française ms. fr. 19025 (le manuscrit le plus vieux, écrit vers 1280 à St-Jean d'Acre) ; Oxford Bodleian ms Selden 3457 (Chypre, début du XIVe siècle) ; Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 20(=265) (deux manuscrits reliés, l'un de St-Jean d'Acre, vers 1290 et l'autre de Chypre, milieu du XIVe siècle) ; Bibliothèque nationale française ms. fr. 19026 (Chypre, milieu du XIVe siècle) et Biblioteca Apostolica Vaticana, codex vaticanus latinus 4789 (Chypre, milieu du XVe siècle).

Editions

  • A.-A. Beugnot, ed., "Livre de Jean d'Ibelin", in Recueil des historiens des croisades, vol. 1 : Lois (Paris, 1841).
  • G. T. de la Thaumassière, ed., Coustumes de Beauvoisis par messire Philippes de Beaumanoir, Assises et bons usages du royaume de Jerusalem, par messire Jean d'Ibelin, et autres anciennes coutumes (Bourges, 1690).
  • P. W. Edbury, ed., John of Ibelin, le Livre des Assises (Leiden, 2003).

Etudes

  • B. Z. Kedar, "The subjected Muslims of the Frankish Levant," in J. M. Powell, ed., Muslims Under Latin Rule, 1100-1300 (Princeton, 1990); repr. Th. Madden, ed., The Crusades: The Essential Readings (Oxford, 2002).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007).
  • J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).

Mots-clés

apostasie ; catholique ; clergé ; esclaves ; musulmans ; témoignage

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°70974, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait70974/.

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