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Le Livre de Forme de Plait[Chapitre 53]

Auteur

Philippe de Novare

Titre en français

Le Livre de Forme de Plait

Titre descriptif

Ceux qui peuvent témoigner dans les conflits de propriété

Type de texte

Assise

Texte

Aprés orrés l'assise des devises des terres. [...]Les devisors deivent venir en la marche de la devize, et la deivent assembler les plus ansiens de la contree et toutes manieres de gens par qui il cuident estre assené[...] Et se il treuvent home de la loi de Rome qui die qu'il seit la devise et fu au faire, se il est teil que les devisors li doigent fei, et lor semble par son dit et par les leus qu'il a moustré qu’il face acreire, il le deivent sivre et porchaucher la devise et borner la. Et s'il ne treuvent Franc de la lei de Rome, et il treuvent Surien a qui il doingnent fei, si come il est dit dessus, il le deivent sivre. Et s’il ne treuvent Surien et il treuvent Grec aussi. Et se il ne treuvent Grec et il treuvent aucun autre crestien de queilque generation q’il seit, ainsement. Et se il ne treuvent crestien et il treuvent sarasin qui jure selon sa lei et il li doingent fei, si com il est dit dessus, sivre le deivent et pourchaucher et bonner la devise[…]

Langue

français

Source du texte original

Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Datation

  • Entre 1249 et 1253
  • 13ème siècle (quart : 3 )
  • Précisions : Selon Edbury, les références au deuxième siège de Damiette au cours de la Septième Croisade en 1249, et au roi Henri Ier de Chypre, qui est mort en 1253, indiquent que le traité a été écrit entre ces années.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Le traité de Philippe a été écrit à Chypre, mais Philippe le destinait également au royaume finissant de Jérusalem.

Traduction française

Maintenant vous entendrez l'assise des devises1 de propriété. [...]Les devisors doivent se rendre aux limites de la devise et doivent y rassembler les plus anciens du pays et toute personne qu’ils jugent informée.[...] Et s'ils trouvent un homme appartenant à la loi de Rome2 qui dit qu'il connaît la devise et qu'il est compétent, et s'il apparaît crédible aux devisors, et qu’il leur semble qu'il dit la vérité du fait de son compte-rendu et des endroits qu'il leur montre, ils doivent le suivre, encadrer la devise et la borner. Et s'ils ne trouvent pas de Franc appartenant à la loi de Rome, mais trouvent un Syrien qu'ils estiment digne de foi, comme il a été dit ci-dessus, ils doivent le suivre. De même s'ils ne trouvent pas de Syrien mais qu’ils trouvent un Grec. Et de même s’ils ne trouvent pas de Grec mais qu’ils trouvent un autre chrétien de n'importe quelle appellation. Et s'ils ne trouvent pas de chrétien mais qu’ils trouvent un Sarrasin qui jure selon sa Loi, et s'ils le croient, comme il est dit ci-dessus, ils doivent le suivre, et encadrer et borner la devise[...]

1 . C'est-à-dire le bornage déterminant juridiquement les limites entre deux propriétés en cas, notamment, de litige entre voisins ou de contestation d’un héritage.

2 . C'est-à-dire un catholique.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise traite de la procédure consistant à demander le bornage d'une propriété. La demande est soumise au roi, qui désigne quatre devisors pour réaliser la devise, et mettre fin aux disputes entre voisins ou entre héritiers. Les devisors reçoivent ici instruction de s'entourer des anciens du pays, censés avoir connaissance les limites du bien. Philippe suppose que les témoins sont catholiques, mais, ce qui nous importe le plus ici, il envisage aussi le témoignage de non-catholiques, à condition que les devisors les jugent crédibles. Ceci constitue une exception, car le témoignage des non-catholiques devant la Haute Cour était prohibé. Cette assise est copiée presque mot pour mot dans une édition du XIVe siècle du traité de Jean d'Ibelin, qui constitue l'appendice 3.11 de l'édition de Peter Edbury. Une version abrégée, qui ne fait pas mention de témoins non-catholiques, se trouve également dans le chapitre 58 du traité de Jacques d'Ibelin.

Signification historique

Dans une société multiculturelle comme celle du royaume de Jérusalem, il était important de préciser qui était autorisé à témoigner et contre qui. En règle générale, les non-chrétiens n'étaient autorisés à le faire que contre leurs coreligionnaires, et seulement dans les cours "basses". Cette règle empêchait "la très grande majorité de la population" de participer à la Haute Cour.1 En pratique, comme il est souligné dans cette assise, le témoignage des non-catholiques était accepté si aucun témoin catholique ne pouvait se trouver là, mais juridiquement un tel témoignage avait une valeur moindre que celui d’un catholique. Les habitants non-catholiques du royaume possédaient leur propre cour, nommée Cour des Syriens, c’est-à-dire une cour compétente pour tous les habitants autochtones, ce qui n'incluait pas les seuls chrétiens syriens. Mais les cas les plus graves et les disputes avec les catholiques étaient jugés devant la Cour des Bourgeois. Les autochtones ne pouvaient pas porter d'affaire devant la Haute Cour.2

1 . Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009), ch. 28, n. 122.

2 . M. Nader, "Urban Muslims", 249-251.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Le traité de Philippe nous est parvenu par le biais de trois manuscrits : Venise Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 20(=265), fols. ccv-cclx ; Bibliothèque nationale de France ms. fr. 19026, fols. 235-264 ; et Bayerische Staatsbibliothek Codex Gallus 771, fols. 49-183.

Editions

  • A.-A. Beugnot, ed., "Livre de Philippe de Novarre", Recueil des historiens des croisades, vol. 1 : Lois (Paris, 1841), repr. (Farnborough: Gregg, 1967).
  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Traductions

  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Etudes

  • H. E. Meyer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem", History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007).
  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Mots-clés

musulmans ; témoignage

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°87449, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87449/.

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