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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 63]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Le témoignage entre non-catholiques

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison dou Nestourin et dou Jacobin. Sil avient que I Nestorin se clame en la cort dun Jacobin, de quelque chose il se clame que dette seit, et le Nestorin qui cest clames nen a Jacobins a garens: autres garens ne li sont suffisables, se lenprest nen estoit fait en la cort: car le Nestorin ne peut porter garentie contre le Jacobin, par dreit ne par lasise de Jerusalem. Encement se I Jacobin se clame en la cort dun Samaritan de dette que il li deit, et le Samaritan li nee sa dette: la raison coumande qui[l] li est mestier daver II garens Samaritans. Car autres garens ne li valent nient, par dreit ne par lasise de Jerusalem, por ce que le Jacobin ne peut porter garentie contre le Samaritan. Se il avient que I Samaritan se clame en la cort dun Sarasin de dette que il li deit, et le Sarasin li nee sa dette, il sont mestier au Samaritan garens Sarasins. Car autres garens ne li sont suffisables au Samaritan, se la chose nen estoit faite en la cort: car le Samaritan ne peut porter garentie contre le Sarasin, par lasise dou reaume de Jerusalem. Encement se un Sarasin se clame en la cort dun Jude de dette que il li deit, et le Jude li renee: la raison comande que au Sarasin sont mestier II garens Judes, et se non, autres garens ne li valent riens, se lenprest nen esteit fait en la cort, por ce que le Sarasin ne peut porter garentie contre le Jude ne le Jude contre le Sarasin ne le Samaritan contre le Jacobin ne le Jacobin contre le Surien por dette ne por heritage ne por chose qui avenir i puisse, se la chose nen esteit faite en la cort: car le dreit comande que de cele lei don celui est don lon se clame, de cele lei deivent estre les garens: car la lei coumande quia nulli gencium supra dictorum1 ierosolimitano more est permissum, ut una contra alteram uenire possit, et in causa quilium2 in curia hoc sic tractatum.

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839), 91.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, probablement pendant la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu’une partie du texte ait dû être écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem, au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

S'il arrive qu'un nestorien accuse devant la cour un jacobite de lui devoir de l'argent et que le nestorien qui l'affirme n'a aucun témoin jacobite, aucun autre témoin ne saurait lui suffire si l'affaire n’a pas été décidée devant la cour, car un nestorien ne peut pas témoigner contre un jacobite selon le droit et les assises de Jérusalem. En outre, si un jacobite accuse devant la cour un samaritain de lui devoir de l'argent et que le samaritain le nie, la loi dit qu’il doit présenter deux témoins samaritains car tout autres témoin ne vaut rien, selon le droit et les assises de Jérusalem, parce qu'un jacobite ne peut pas témoigner contre un samaritain. S'il arrive qu'un samaritain accuse devant la cour un sarrasin de lui devoir de l'argent et que le sarrasin le nie, le samaritain doit présenter des témoins sarrasins, car aucun autre témoin n'est suffisant pour le samaritain, si l'affaire n'est pas décidée devant la cour, car un samaritain ne peut pas témoigner contre un sarrasin, selon le droit et les assises de Jérusalem. En outre, si un sarrasin accuse devant la cour un juif de lui devoir de l'argent et que le juif le nie, la loi ordonne au sarrasin de présenter deux témoins juifs ; sinon, aucun autre témoin n'est valable, si l'affaire n'a pas été décidée devant la cour, parce qu'un sarrasin ne peut pas témoigner contre un juif, ni un juif contre un sarrasin, ni un samaritain contre un jacobite, ni un jacobite contre un syrien, ni au sujet d’une dette ni d'un héritage ni d'aucune autre chose qui peut se passer, si l'affaire n'est pas décidée devant la cour, car la loi veut que les témoins suivent la même foi que l’accusé, car la loi dit qu'il n'est permis à aucune des personnes mentionnées ci-dessus de témoigner contre les autres, ou d'être accusée de n'importe quelle chose devant la cour.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise prolonge les assises précédentes qui expliquent qui peut témoigner lors de conflits portant sur des dettes entre chrétiens. Elle répète le contenu des assises précédentes mais ajoute les musulmans, samaritains et juifs à la liste. Avant tout, elle souligne qu'à fin de récupérer une dette, le demandeur doit avoir deux témoins de la même religion que celui qui lui doit de l'argent. Cependant, les témoins ne sont pas nécessaires si la cour dispose d'un compte-rendu de la transaction, car dans ce cas la cour elle-même est un témoin. Cela s'applique également dans le cas de conflits à propos d'héritage ou de n'importe quel autre conflit qui est porté devant la cour.

Signification historique

Cette assise mentionne presque toutes les religions qui existaient dans le royaume de Jérusalem (sauf celle des Grecs et des Arméniens qui sont mentionnés ailleurs dans le traité). Tous ceux qui n'étaient pas francs catholiques étaient considérés comme appartenant à une même classe sociale, sans égard pour leurs religions et tous étaient inférieurs, du point de vue social, aux francs catholiques, c'est-à-dire aux croisés ou aux descendants des croisés d'Europe occidentale. Cependant, il semble qu'il n'existait pas une véritable hiérarchie sociale telle qu'elle existait aux assises de la Haute Cour. À la Haute Cour, les musulmans étaient la classe sociale la plus basse, au-dessous des juifs qui étaient eux-mêmes inférieurs aux catholiques (par exemple, la hiérarchie concernant la validité du témoignage dans le chapitre 48 du traité de Jean d'Ibelin). Dans les assises des bourgeois, chaque groupe non-catholique avait les mêmes droits, en l'occurrence le droit de récupérer la dette d’une autre personne non-catholique. En général, les non-catholiques pouvaient louer une propriété et prêter de l'argent, et, pourvu qu'ils eussent des témoins ou que la transaction ait été faite devant la cour ("se la chose nen estoit faite en la cort", analogue à la "recounoissance" du chapitre 59), ils pouvaient récupérer leur argent auprès de leur débiteur.1 Cette assise est la première indication dans le traité qu'une personne qui fait une demande devant la cour a besoin de deux témoins de la même religion que le défendeur. À la cour des bourgeois, les témoins ne pouvaient pas témoigner contre des personnes appartenant à une autre religion pour des questions de dette ou d'héritage. Bien que cela ne soit pas mentionné avant une assise postérieure (le chapitre 236), on s'attendait à ce que chaque groupe jurât sur ses propres livres saints, écrits en leurs propres langues. Cela peut signifier que la cour des bourgeois gardait des copies de chaque livre. 2

1 . M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 255-258.

2 . M.Nader, 255.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues via trois manuscrits médiévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle) et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIe siècle du manuscrit Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534) et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2 (Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967).
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus (Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002).
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois (Rennes: Blin, 1839).
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani (Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839).
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI (Paris, 1877).

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus (Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002).
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois (Rennes: Blin, 1839).
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI (Paris, 1877).

Etudes

  • M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 243-270.

Mots-clés

dette ; Juifs/Judaïsme ; musulmans ; Samaritains ; témoignage

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  relecture

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136598, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136598/.

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