Description
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Yves, évêque de Chartres
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Hugues, comte de Troyes
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après 1090 - avant 1114
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[avant 1114]
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Lettre
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Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Hugoni, magnifico et spectabili Trecassinorum comiti(1), sic militare in via ut regnare possit in patria.
Audivimus et cognovimus quod Hierosolymam profecturus militiae Christi te ipsum devovisti(2), illam evangelicam arrepturus militiam qua cum decem millibus secure(a) pugnatur adversus eum qui cum viginti millibus adversum nos(b) pugnaturus occurrit(3). Denarius enim(c), qui est secunda unitas(4), propter Decalogum(5), integritatem et soliditatem figurat virtutum ; vigenarius vero, qui est duplus ad denarium, duplicitatem et mollitiem significat vitiorum. Plura enim sunt vitia quam virtutes, quia non tantum vitia virtutibus patenter sunt opposita, sed etiam sunt quaedam vitia virtutum specie palliata. Unde, secundum Apostolum, angelus Satanae transfigurat se in angelum lucis(6) cum, circumiens et quaerens quem devoret(7), molitur quosdam fallere per vitia virtutibus similia quos impellere non valuit ad manifesta flagitia vel facinora. Videtur enim(d) aliquando suadere justitiam, ut(e) sub specie justitiae introducat(f) saevitiam ; suadet quibusdam largiri propria, ut nudatos propriis impellat ad diripienda aliena, cum melius sit non habere quod tribuas quam male acquirere quod des ; suadet quibusdam jejunia, non ut ament continentiam, sed ut venentur vanam gloriam ; suadet quibusdam non reddere debitum conjugale uxoribus suis, ut sub velamine castitatis mittat eos ad stupra illicita, vel uxores eorum ad perpetranda adulteria. In hunc modum occurrunt multa vitia pro virtutibus quibus tanquam laqueis occultis simplex anima decipitur cujus vita, licet videatur honesta, non tamen satis est circumspecta(8).
Haec tibi, charissime, ausu charitatis scripsi, ut propositum tuum ita circumspicias quatenus, sicut videtur laudabile in oculis hominum, ita in oculis Dei videatur acceptum et sic impleas vota voluntaria ut non omittas legitima. Duxisti uxorem(9), quod lex naturae initiavit et lex evangelica atque apostolica subsecuta firmavit. Dicit enim Vetus Lex(10) : « Propter hoc relinquet homo patrem et matrem et adhaerebit uxori suae et erunt duo in carne una ». Et Evangelium(11) : « Quod Deus conjunxit homo non separet ». Et Apostolus(12) : « Unusquisque habeat uxorem suam propter fornicationem ; et vir reddat debitum uxori et uxor similiter viro ; nisi forte ex consensu, ad tempus, ut vacetis orationi, ne tentet vos Satanas propter incontinentiam vestram ». Hic autem consensus ita debet esse voluntarius ut nulla vi sit extortus, vel aliqua simulatione palliatus(13). Alioquin si absque consensu uxoris servas castimoniam(14), etiam si pro Deo fiat, non servas conjugalem copulam, nec sacrificium offers de tuo, sed de alieno. « Non enim », secundum Apostolum(15), « vir habet potestatem sui corporis, sed mulier ; nec mulier habet potestatem sui corporis, sed vir ». Quae enim voventur de alieno non placent Altissimo(16). Oportet ergo, ut in hoc proposito tuo sic tibi provideas, quatenus ista novissima vota impleas, ut statuta naturalia et legitima non frangas. Vale.
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securus A
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pugnatur...nos om. A
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autem M
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om. M
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et AM
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introducit AM.
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Hugues, comte de Troyes, voir lettre 158.
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Hugues, rentré d'un premier voyage en Orient à la fin de 1107, retourna en Terre Sainte en 1114. Il vivait encore avant septembre 1130, M. Bur,
op. cit., p. 275.
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Luc. 14, 31.
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Manière de compter usuelle dans les computs.
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Le décalogue est transmis par Ex. 20, 2-17 et Deut. 5, 6-21. Les dix commandements tels que nous les connaissons ont été établis par Augustin, pour qui le chiffe dix représente la Loi,
Tractatus122, § 8.Sermo248, c. 4, § 4. L'interprétation devicenariusest négative pour Jérôme :non in vicenario numero qui semper in Scripturis infaustus est : in quo servivit Jacob, et venditus est Joseph, et quem diligit Esau, accipiens in eo quaedam munera,Adversus Jovinianum, c. 22,PL23, col. 240. Mais elle est signe de perfection chez d'autres Pères : Ps. Grégoire,In librum primum Regum, 5, 3,PL79, col. 203 :Si enim denarius numerus perfectionem.antiquae Legis designat, quid vicenarius, nisi splendidiorem novae vitae religionem significat ?, Isidore de Séville,Liber numerorum, c. 20,De vicenario,PL83, col. 196,partibus suis plusquam perfectushabetur, Bède,De tabernaculo, 2, 6, etc.
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II Cor. 11, 14.
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I Petr. 5, 8.
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L'Église est très méfiante à l'égard des excès de tout genre, voir par exemple les lettres à Robert d'Arbrissel,
Les deux vies,op. cit.Sur le jeûne, Yves,Décret, livre 4. Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettre 4.
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Sa première femme, Constance de France, ayant obtenu l'annulation de leur mariage pour consanguinité en 1105, Hugues s'était remarié à Élisabeth de Varais, fille d'Étienne le Hardi. Cette union ne fut pas heureuse. Un fils en naquit, Eudes de Champlitte, dont Hugues refusa la paternité. Il le déshérita, renvoya sa femme et, ayant désigné Thibaud II comme successeur, se fit templier. M. Bur,
op. cit., p. 270-5.
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Gen. 2, 24.
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Matth. 19, 6 ; Marc. 10, 9.
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I Cor. 7, 2-3 et 5.
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Nulla vi extortus, expression canonique.Simulatione palliatus, expression augustinienne,De baptismo contra donatistas, 2, 53. Yves,Décret, 1, 162.
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Augustin,
ep. ad Bonifacium,De correctione donatistarum, § 3,CCSL31A, p. ,quod sine consensu uxoris non liceat viro continenter vivere. Yves,Décret8, 16. D'autres canons décrètent la même chose, ex.Décret8, 183 (Gratien, C. 27, q. 2).
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I Cor. 7, 4.
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D'après Augustin, ad Armentarium. et Paulinam, ep. 127, § 9, neque Deus exigit si quis ex alieno aliquid voverit, sed potius usurpare vetat alienum. Divina quippe per Apostolum de hac re prolata est sententia : Uxor non habet potestatem.... Yves, Panormie 6, 81.
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a. Avranches, BM 243, 127rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 91rv
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Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Hugues, magnifique et respectable comte des Troyens, combattre sur la route de manière à pouvoir régner dans la patrie.
Nous avons entendu dire et nous savons que, sur le point de partir à Jérusalem, tu as fait vœu de toi-même à la milice du Christ, prêt à t'engager dans cette milice évangélique où avec dix mille hommes on combat avec assurance celui qui s'avance pour combattre contre nous avec vingt mille. En effet la dizaine, qui est la seconde unité, représente, à cause du Décalogue, l'intégrité et la solidité des vertus ; tandis que la vingtaine, qui est le double de la dizaine, signifie la duplicité et la mollesse des vices. Car les vices sont plus nombreux que les vertus, parce que non seulement les vices sont ouvertement opposés aux vertus, mais aussi parce qu'il y a certains vices cachés sous l'aspect de vertus. Aussi, selon l'Apôtre, l'ange de Satan se transfigure-il en ange de lumière quand, rôdant et cherchant qui dévorer, il s'effeorce de tromper par des vices semblables à des vertus certaines personnes qu'il n'a pas pu pousser vers des crimes ou des forfaits manifestes. Car on le voit parfois persuader de la justice pour introduire la cruauté sous l'aspect de la justice ; il persuade certains de distribuer leurs propres biens, pour les pousser, une fois privés de leurs propres biens, à voler ceux d'autrui, alors qu'il vaudrait mieux ne rien avoir à distribuer que mal acquérir ce que tu donnes ; il persuade certains de jeûner, non pour qu'ils aiment la continence, mais pour qu'ils courent après une vaine gloire ; il persuade certains de ne pas s'acquitter du devoir conjugal auprès de leurs épouses, pour les pousser sous le voile de la chasteté vers des débauches illicites ou pousser leurs épouses à commettre des adultères. C'est de cette manière qu'à la place de vertus se présentent de nombreux vices par lesquels, comme par des rêts cachés, est trompée une âme simple dont la vie, bien qu'elle semble honnête, n'est cependant pas assez circonspecte.
Je t'ai écrit ceci, très cher ami, avec l'audace de la charité, pour que tu examines ton projet de sorte que, de même qu'il semble louable aux yeux des hommes, il semble aussi agréable aux yeux de Dieu et que tu accomplisses les vœux de ta volonté sans oublier tes vœux légitimes. Tu as pris une épouse, ce que la loi de la nature a instauré et que la loi évangélique et apostolique a ensuite confirmé. Car l'Ancienne Loi dit : « Pour cela l'homme abandonnera son père et sa mère et s'attachera à son épouse et ils seront deux en une seule chair. » Et l'Évangile : « Ce que Dieu a uni l'homme ne le séparera pas. » Et l'Apôtre : « Que chacun ait sa propre épouse à cause de la fornication ; et que l'homme fasse son devoir envers son épouse, et l'épouse semblablement envers son mari, à moins que vous ne vous priviez pour un temps, d'un commun accord, afin de vous adonner à la prière, de peur que Satan ne vous tente à cause de votre incontinence. » Or cet accord doit être volontaire, de manière à n'être extorqué par aucune violence ni caché par quelque dissimulation. Autrement, si tu observes la chasteté sans le consentement de ton épouse, même si c'est fait pour Dieu, tu n'observes pas le lien conjugal et tu n'offres pas un sacrifice avec ton bien, mais avec celui d'autrui. Car, selon l'Apôtre, « l'homme ne dispose pas de son corps, mais la femme ; et la femme ne dispose pas de son corps, mais le mari. » Car les offrandes qui sont données par des vœux à partir du bien d'autrui ne plaisent pas au Très-Haut. Il faut donc que, dans ce projet qui est le tien, tu veilles à remplir ces tout derniers vœux de manière à ne pas briser les statuts naturels et légitimes. Adieu.