Description
-
Yves, évêque de Chartres
-
Audin de Condé, évêque d’Évreux
-
après 1113 - avant 1116
-
[1113 ou après]
-
Lettre
-
Audoeno(1), Dei gratia Ebroicensi episcopo, Ivo, eadem gratia Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et servitium.
Scripsit mihi dilectio vestra vos audiisse a quibusdam quod dirimerem conjugia liberorum et ancillarum et e converso(2), et hoc vobis videri quod sit contra sententiam evangelicam, qua dicitur(3) : « Non licet viro dimittere uxorem, nisi causa fornicationis. » Ad quod dilectioni vestrae respondemus quia contra hanc sententiam scienter nihil agimus, vel agere volumus. Si enim divortium facimus(a) inter liberum et ancillam, non conjugium solvimus, sed contubernium male conjunctorum dissolvimus et(b) dissociamus. Unde scribit Leo papa Rustico Narbonensi episcopo(4) : « Non omnis mulier viro juncta uxor est ; nuptiarum quippe foedera inter ingenuos sunt legitima et inter aequales. » Cum ergo separamus eos qui non sunt hac lege conjuncti, non dicimus esse conjugium quod non continet Christi et Ecclesiae sacramentum. Quod minime continere videtur illa copula viri et mulieris in qua non servatur praeceptum dilectionis. Non enim verum est inter eas personas veram esse dilectionem quarum altera alteram suo contubernio redigit in servitutem. Cum ergo principale praeceptum sit evangelicum « ut diligamus invicem(5) » et « ne facias alteri quod tibi non vis fieri(6) », constat a Deo non esse conjunctos quos potius contra praeceptum evangelicum videmus esse corporaliter sociatos, nec esse verum conjugium quod contra Dei legem constat esse praesumptum.
Quod etiam legibus saeculi cautum habemus, quas catholici reges composuerunt et ex auctoritate Romanae Ecclesiae catholicis populis servandas tradiderunt. Unde Justinianus in codice Novellarum(7) : « Si quis per errorem ancillam mulierem duxerit uxorem, liberam esse eam putans, vel, e contrario, si libera mulier servo per errorem juncta sit, postea quam veritas reperta fuerit, dicendum est omnino nuptias non constitisse. Inter liberum enim et ancillam, servum et liberam mulierem nuptiae contrahi non possunt. » In tali ergo contractu quod lex damnat, non homo, sed justitia separat. Quia quod contra leges praesumitur per leges dissolvi meretur(8).
Si quis autem liber ancillam in matrimonium duxerit, non habebit licentiam dimittere eam, si prius scientes conditionem suam et consentientes matrimonium contraxerunt(9), quia « conjugium consensus facit, non coitus(10) ». Ubi ergo bona fide conjugia contracta sunt, ibi valet « quod Deus conjunxit, homo non separet(11) » et « non licet viro dimittere uxorem, nisi causa fornicationis ». Ubi vero humana deceptio foedus nuptiarum vitiaverit, tales nuptias non facit Deus, sed homo ; earum autem separationem facit Deus, non homo. De his possemus multipliciter rationibus agere et authenticas sententias inde proferre, sed credo ista sufficere prudentiae vestrae.
De caetero scripsistis quosdam clericos cum litteris nostris ad vos venisse, qui auctoritate earumdem litterarum peterent se ab acolytho usque ad diaconatum promoveri, sed ego hoc omnino ignoravi, quia cum hoc saltu(12) nullum clericum ordinavi, nec ordinandum alicui transmisi. Valete.
-
querimus M
-
dissolvimus et om. M .
-
Voir lettre 223.
-
La documentation canonique sur les mariages entre hommes libres et serfs est importante. Yves,
Décret8, 53, 156, 164, 167, 212 ;Panormie6, 37, 44, 41, 99, 111 (Gratien, C. 29, q. 2). Voir aussi lettre 221.
-
D'après Matth. 5, 32 et 19, 3.
-
Léon,
ep ad Rusticum, c. 4,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 616-7. Yves,Décret8, 139 ;Panormie6, 35 (Gratien, 32, 2, 12).
-
Joh. 15, 12 et
passim.
-
D'après Tobie 4, 16, Matth. 7, 12, Luc. 6, 31. Mais la citation exacte de cette phrase devenue proverbiale est tirée d'Augustin,
Enarrationes in Psalmos, 57, 1.
-
Epitome Juliani, constitution 36, c. 133, 3. Yves,Décret8, 56 ;Panormie6, 110.
-
Yves,
Décret4, 230 et 6, 115. Voir lettres 161, 167, 185, 243.
-
Benoît le Lévite, 2, 95. Yves,
Décret8, 53 avec l'inscriptionCapitularium, l. 6, c. 95 :Si quis liber ancillam in matrimonium acceperit, non habet licentiam dimittere eam, si prius amborum consensu conjuncti sint(Gratien, 29, 2, 2, avec inscriptionZacharias papa).
-
Nicolas,
ep. ad Hincmarum,ad consulta Bulgarorum(866, Mansi XV, 403), c. 3, citant Jean Chrysostome. Yves,Décret8, 17 ;Panormie6, 107 (Gratien, 27, 2, 2). Voir lettres 99, 134, 148 et 243.
-
Matth. 19, 6 ; Marc. 10, 9.
-
Ils veulent sauter le grade de sous-diacre. Les décrets de Sirice réglementent l'ordre et la durée des grades, c. 10,
Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 522. Yves,Décret6, 92 :Qui dum initiatus fuerit expleto biennio, per quinquennium aliud acolythus et subdiaconus fiat, et sic ad diaconatum, si per haec tempora dignus judicatus fuerit, provehatur.
-
a. Avranches, BM 243, 126v-127
-
M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 90v
-
À Audin, par la grâce de Dieu évêque d'Évreux, Yves, par la même grâce humble ministre de l'Église de Chartres, salut et service.
Votre dilection m'a écrit que vous aviez entendu dire par certains que je dissolvais les mariages entre hommes libres et serves et réciproquement et que cela vous semblait contraire à la sentence évangélique où il est dit : « Il n'est pas permis à un mari de répudier sa femme, sauf cas de fornication. » À cela nous répondons à votre dilection que nous ne faisons rien délibérément à l'encontre de cette sentence, et que nous ne voulons rien faire. Car si nous prononçons un divorce entre un homme libre et une serve, nous ne dissolvons pas un mariage mais nous dissolvons et dissocions une cohabitation de gens mal unis. Aussi le pape Léon écrit-il à Rusticus, évêque de Narbonne : « Toute femme unie à un homme n'est pas son épouse ; assurément les pactes de mariage sont légitimes entre gens libres et de même rang. » Donc quand nous séparons ceux qui n'ont pas été unis selon cette loi, nous ne disons pas qu'est mariage ce qui n'inclut pas le sacrement du Christ et de l'Église. Il apparaît que ne l'inclut nullement cette union de l'homme et de la femme dans laquelle n'est pas observé le précepte d'amour. Car il n'est pas vrai qu'il y ait un amour véritable entre ces personnes dont l'une réduit l'autre en servitude dans sa cohabitation. Donc, comme le principal précepte évangélique est que « nous nous aimions les uns les autres » et que « tu ne fasses pas à autrui ce que tu ne veux pas qu'il te fasse », il est évident que n'ont pas été unis par Dieu ceux que nous voyons associés corporellement plutôt contre le précepte évangélique et que n'est pas mariage véritable ce qui d'évidence a été osé contre la loi de Dieu.
Ceci nous le trouvons aussi assuré dans les lois du siècle, qu'ont composées les rois catholiques et qui ont été, selon l'autorité de l'Église romaine, transmises aux peuples catholiques pour être conservées. Aussi Justinien dans le texte des Novelles : « Si quelqu'un a par erreur pris pour épouse une femme serve en pensant qu'elle était libre ou, réciproquement, si une femme libre a été unie par erreur à un esclave, après que la vérité aura été reconnue, on doit dire que les noces n'ont nullement eu lieu. Car entre un homme libre et une femme serve, entre un esclave et une femme libre des noces ne peuvent être contractées. » Donc dans un tel contrat que la loi condamne, ce n'est pas l'homme mais la justice qui sépare. Car ce qui est osé contre les lois mérite d'être dissous par les lois.
Mais si un homme libre a pris en mariage une serve, il n'aura pas la liberté de la répudier s'ils ont contracté le mariage en connaissant d'abord leur condition et en y consentant, parce que « c'est le consentement des époux qui fait le mariage non la copulation ». Donc quand les mariages ont été contractés de bonne foi, là vaut « ce que Dieu a uni, que l'homme ne le sépare pas » et « il n'est pas permis au mari de répudier sa femme, sauf cas de fornication ». Mais quand quelque tromperie humaine a vicié le pacte des noces, ce n'est pas Dieu qui fait de telles noces, mais l'homme ; et c'est Dieu qui fait leur séparation, non l'homme. Nous pourrions traiter de ce sujet en multipliant les raisons et ainsi proférer d'authentiques sentences, mais je crois que ceci suffit à votre prudence.
En outre vous avez écrit que certains clercs sont venus vers vous avec des lettres de nous, qui demandaient, avec l'autorité de ces mêmes lettres, à être promus d'acolyte au diaconat, mais moi je n'ai eu aucunement connaissance de ce fait, parce que je n'ai ordonné aucun clerc avec un tel saut et je n'ai donné pouvoir à personne d'en ordonner. Adieu.