« yves-de-chartres-234 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Guillaume, abbé de Marmoutier

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Guillelmo(a), abbati Majoris Monasterii(1), et fratribus sibi commissis, dilectionem in Domino.

    Quod « concordia parvae res crescant, discordia autem maximae res dilabuntur(2) » experimento didicisse credo fraternitatem vestram. Unde cum arca Noe, Ecclesiae figuram praeferens, per singulas dimensiones multis fuisset cubitis dilatata, in uno tamen est cubito consummata(3), quatenus hac praefiguratione tunc intelligeretur(b) Ecclesiae forma perfecta, cum ab inferioribus membris praelatis suis plena fuerit obedientia exhibita ; quam quia multo tempore non exhibuistis prout debuistis(4), non est mirandum dilectioni vestrae si a vobis exigitur quod non debetur(c), videlicet ut metropolitano vestro obedientiam debitam et ore promittatis et data dextera confirmetis(5). Sic a Petro Domino interrogante exacta est trina confessio(6), quia eo timente praecesserat trina negatio(7). Sic Petrus a Paulo et Barnaba dextram accepit societatis ut apostolatum sibi commissum non usurparent, sed Paulus in gentibus, Petrus in circumcisione Evangelium praedicaret(8). In hunc modum si vobis libet(d), satis licet(9) ut quod debetis et corde tenetis ore promittatis et manu confirmetis, quia non major mihi videtur obligatio manus quam oris, dicente Apostolo(10) : « Corde creditur ad justitiam, ore autem confessio fit ad salutem ». Sed aliquando cogunt nos invenire nova genera medicamentorum nova incrementa morborum(11). Et si enim, quod absit, exigatur hoc quod dictum est ex aliqua vana occasione, cum tamen non obsit fidei et bonis moribus, acquiescendum est vobis causa reformandae pacis ex debita humilitate. Sic Paulus contra propositum suum Lystris permisit circumcidi Timotheum propter scandalum Judaeorum(12), quamvis sciret et praedicaret sacramentum circumcisionis Christianae religioni non esse necessarium. Exemplo ergo suo nos docuit quod ibi dispensatio admittenda est, ubi rigor periculosus est. Possem plura scribere in hunc modum sed quia prudentibus loquor haec pauca sufficiant. Valete.


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    Willelmo AM 

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    intelligatur AMT 

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    quod debetur éd

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    licet T.


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    Voir lettre 197.

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    Salluste, De bello Jugurthino, 10, 6, concordia parvae res crescunt, discordia maximae dilabuntur. Tous les manuscrits d'Yves consultés ont bien crescant et non crescunt.

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    Gen. 6, 15-16. Il manque la fin de la phrase : In cubito consummabis summitatem ejus.

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    Voir lettre suivante.

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    Marmoutier est une abbaye exempte, dépendant directement de Rome. Une lettre d'Urbain II en 1090 (l. 41, PL 157, col. 324) confirme que l'archevêque de Tours peut consacrer le nouvel abbé, qui peut aussi être consacré par le pape ou un autre évêque, mais absque ulla professionis exactione. Les évêques ont beaucoup de mal à admettre cette situation. On sait les problèmes que Geoffroy de Vendôme eut avec Yves à qui il reprochait d'avoir extorqué sa profession au moment de son élection comme abbé de La Trinité, abbaye exempte elle ausi, lettres 81, 95, 98, 190, 194.

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    Joh. 21, 15-17.

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    Matth. 26, 34 ; Marc. 14, 72 ; Luc. 22, 61.

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    Gal. 2, 1-10. Pierre et Paul sont très souvent cités comme complémentaires par les écrivains grégoriens.

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    Jeu de mot classique libet/licet, par ex. Cicéron, Pro Quincio, 30.

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    Rom. 10, 10.

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    D'après Augustin, De correctione donatistarum, c. 45 ; Yves, Prologue, § 13, éd. citée, p. 78 et Décret 6, 386. Voir lettres 203, 225.

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    Act. 16, 1-4.


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    a. Avranches, BM 243, 121


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 84v


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    T. Troyes, BM 1924, 115v-116


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    Au. Auxerre, BM 69, 94v



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Guillaume, abbé de Marmoutier, et aux frères qui lui sont confiés, affection dans le Seigneur.

    Je crois que votre fraternité a appris que « de petites choses grandissent par la concorde, mais que de plus grandes s'écroulent par la discorde ». Aussi, bien que l'arche de Noé, représentant l'image de l'Église, se fût étendue sur de nombreuses coudées dans chacune de ses dimensions, elle fut cependant achevée par une seule coudée, pour que par cette préfiguration on comprenne la forme parfaite de l'Église, quand une pleine obéissance aura été témoignée par les membres inférieurs à leurs prélats ; comme vous ne l'avez pas depuis longtemps témoignée comme vous le deviez, votre dilection ne doit pas s'étonner si on exige de vous ce qui n'est pas dû, à savoir que l'obéissance due à votre métropolitain vous lui en fassiez une promesse verbale et que vous la lui confirmiez de la main droite. Ainsi une triple confession fut exigée de Pierre, à la demande du Seigneur, parce que, dans sa frayeur, une triple négation l'avait précédée. Ainsi Pierre prit de Paul et de Barnabé la main droite de l'alliance, pour qu'ils n'usurpent pas l'apostolat qui lui avait été confié, mais que Paul prêche l'Évangile chez les Gentils et Pierre dans la circoncision. S'il vous est loisible d'agir de cette manière, il est tout à fait licite que vous promettiez verbalement et confirmiez de la main ce que vous devez et tenez dans votre cœur, parce que l'obligation de la main ne me paraît pas plus grande que celle de la bouche, comme dit l'Apôtre : « On croit avec le cœur pour obtenir la justice, et pour obtenir le salut la confession se fait avec la bouche. » Mais parfois de nouvelles aggravations de maladies nous poussent à trouver de nouveaux genres de remèdes. Et si en effet, à Dieu ne plaise, on exige sous quelque vain prétexte ce dont il est question, comme toutefois cela ne nuit ni à la foi ni aux bonnes mœurs, vous devez selon l'humilité qui est due y consentir pour rétablir la paix. Ainsi Paul, à Lystres, permit contre son intention que Timothée soit circoncis à cause du scandale des Juifs, bien qu'il sût et prêchât que le sacrement de la circoncision n'était pas nécessaire à la religion chrétienne. Donc par son exemple il nous a enseigné que la dispense devait être admise là où la rigueur est dangereuse. Je pourrais en écrire davantage sur ce sujet mais, parce que je parle à des gens prudents, que ces quelques mots suffisent. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21172 (yves-de-chartres-234), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21172 (mise à jour : 21/09/2017).