Description
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Yves, évêque de Chartres
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Adèle de Normandie, comtesse de Chartres
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circa 1107
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[1107]
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Lettre
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Ivo, humilis Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Adelae, excellenti comitissae, bene sapere et bene facere(1).
Interdictus est, ut audivimus(2), praecepto vestro filiis nostris canonicis beatae Mariae exitus viarum(3), panis et aqua, et omnia huic vitae necessaria quae sunt sub potestate vestra. Quod quid aliud est facere quam homines innocentes et arma non tenentes(4) sine audientia et sine judicio morti destinare ? Ita enim necat fames et sitis sicut gladius. Quod enim truces Turci(5), Christiani nominis persecutores, possent truculentius edictum in Dei servos promulgare quam necessaria eis vitae subtrahere ? Unde monendo consulo et consulendo moneo nobilitatem vestram quatenus inconsideratum sententiae vestrae rigorem usque ad audientiam in melius commutetis(6) et non convictos, non judicatos, tam severa sententia morti addicatis(7). Nos enim pro amore vestro sententiam nostram, quamvis justam et judicio diffinitam, temperavimus nec baptismi sacramentum, nec confessionem, nec poenitentiam(8), quae saluti animarum in necessitate sufficiunt, etiam ipsis persecutoribus denegavimus.
Ita ergo vos habetote ut laus fortis mulieris, quam Sapientia commendat(9), de vobis praedicetur, non crudelitas perversae mulieris, quam in Herodiade Chrysostomus detestatur(10), per omnes nostras provincias publicetur. Quod si sanis et piis admonitionibus meis acquiescere non vultis, commoneo vos, per pacem quam praesenti anno in manu domni papae(11), ante autem tertium annum in manu mea promisistis, quatenus diem competentem exsequendae justitiae per praesentium portitorem nobis denominetis et interim filios Ecclesiae, secundum institutum pacis, suis rebus libere potiri permittatis(12). Quod si haec omnia contempseritis, procul dubio sciatis quia Ecclesia, corde contrito et humiliato(13), ascitis sibi omnibus Ecclesiis subjectis quotidie ante corpus et sanguinem Domini et sanctorum patrocinia clamorem faciet(14) adversus omnes hujus mali patratores et consentaneos(15) et ad hoc ipsum ex debito omnes vicinos episcopos cum Ecclesiis sibi subjectis invitabit(16). Dolens haec dico, consulens tamen in hoc honestati et famae vestrae, nihil aliud quaerens nisi ut secundum morem et legem justitiam faciatis(17) et, si qua adversus Ecclesiam calumnia est, justitiam habeatis. Valete.
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D'après Ambroise,
De officiis, 1, 30,non satis est bene velle sed etiam bene facere, et Rom. 12, 3,non plus sapereetc.
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C'est la suite du conflit avec la comtesse qui avait été relaté lettres 121 et 136.
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Matth. 22, 9.
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Référence aux termes de la trêve de Dieu, voir lettres 44, 86.
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Triple jeu de mot avec
truculentius.
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Nicolas,
ep. 7,ad Michaelem imperatorem. Yves,Décret5, 19 (Gratien, 35, 9, 6).
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Yves insiste toujours sur la prudence dans les condamnations.
Convictusest plus souvent associé àconfessusdans leDécret, ex. 6, 122 ; 7, 429.
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Ce sont les seuls sacrements qui continuent d'être administrés, avec des réserves, en cas d'interdit porté sur une terre.
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Prov. 31, 10. Sur la
mulier fortis, voir aussi lettre 174.
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Matth. 14, 1-12 ; Marc 6, 14-29 ; Luc 9, 7-9. Jean Chrysostome,
Super Matthaeum, Homélie 48,PG57-58, col. 487-496.
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Lors de son voyage en France, voir lettre 175.
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Concile de Clermont, c. 1 et 33 de la version donnée par Lambert d'Arras, éd. citée, C. 52, p. 186 et 190.
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Ps. 50, 19.
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Job 34, 28.
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Même idée lettre 136, avec des termes différents.
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L'excommunication commune avec les évêques voisins est déjà évoquée par Yves lettre 76 .
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Isidore de Séville,
Étymologies, l. 5, c. 3. Voir lettre 170.
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a. Avranches, BM 243, 95rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 66v-67
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T. Troyes, BM 1924, 107rv
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Au. Auxerre, BM 69, 71rv
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Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, à Adèle, excellente comtesse, bien juger et bien agir.
Il a été interdit, avons-nous appris, sur votre ordre à nos fils les chanoines de la bienheureuse Marie les sorties sur les chemins, le pain et l'eau et toutes les choses nécessaires à cette vie qui sont sous votre pouvoir. Qu'est-ce faire d'autre que de vouer à la mort, sans audience ni jugement, des hommes innocents et qui ne portent pas les armes ? Car la faim et la soif tuent comme l'épée. Les Turcs atroces, persécuteurs du nom chrétien, auraient-ils pu promulguer contre les serviteurs de Dieu un édit plus atroce que de leur arracher les choses nécessaires à la vie ? Donc en avertissant je conseille et en conseillant j'avertis votre noblesse de modérer jusqu'à l'audience la rigueur inconsidérée de votre sentence et de ne pas livrer à la mort par une si sévère sentence des gens qui n'ont pas été convaincus d'une faute, qui n'ont pas eté jugés. Nous en effet, par amour pour vous, nous avons adouci notre sentence, bien qu'elle fût juste et fondée sur un jugement, et nous n'avons refusé, même à nos propres persécuteurs, ni le sacrement du baptême, ni la confession, ni la pénitence, qui en cas de nécessité suffisent au salut des âmes.
Faites donc en sorte que la louange de la femme forte, que la Sagesse glorifie, s'applique à votre personne et que la cruauté de la femme perverse, qu'en Hérodiade Chrysostome exècre, ne soit pas divulguée à travers toutes nos provinces. Et si vous ne voulez pas vous rendre à mes saines et pieuses admonitions, je vous exhorte, par la paix que cette année-ci vous avez promise dans la main du seigneur pape et il y a deux ans dans ma propre main, de nous notifier par le porteur de la présente un jour convenable pour que la justice s'accomplisse et en attendant de permettre aux fils de l'Église, selon les institutions de paix, de jouir librement de leurs biens. Et si vous méprisez tout cela, sachez sans le moindre doute que l'Église, d'un cœur contrit et humilié, s'associant à toutes les Églises qui lui sont soumises, chaque jour devant le corps et le sang du Christ et les reliques des saints poussera des cris contre ceux qui accomplissent ce mal et ceux qui le laissent faire et invitera à agir ainsi, comme elle le doit, tous les évêques voisins avec les Églises qui leur sont soumises. Je souffre de dire ceci, veillant toutefois à votre honorabilité et à votre renommée et ne cherchant rien d'autre que de vous voir faire justice selon la coutume et la loi et recevoir justice, s'il y a quelque sujet d'accusation contre notre Église. Adieu.