Description
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Yves, évêque de Chartres
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Robert, comte de Meulan
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circa 1104
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[vers 1104]
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Lettre
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Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Roberto, Mellentino comiti(1), salutem et orationum suffragia.
Liberalitati(a) et prudentiae vestrae gratias referimus quod domnum Richardum(2), Pratellensis monasterii abbatem(3), virum religiosum et prudentem, prout dignus est, honeste tractatis et in negotiis suis, prout opus est, devote et fideliter ei assistitis ; et insuper rogamus ut quod bene coepistis meliori fine concludatis(4). Quod enim in revocandis monasterii sibi commissi possessionibus elaborat, professionis suae debito coactus facit, quia ab unoquoque abbate, quando benedictionem accepturus est ab episcopo, hoc exigitur quatenus profiteatur(5) res monasterii sui hactenus male dispersas se recollecturum et ad usus fratrum pauperumque fideliter dispensaturum. Et in decretis Symmachi papae caeterorumque sanctorum Patrum de distractis Ecclesiae rebus continetur ut « sit danti et accipienti, vel possidenti anathema ; nec aliquo obstaculo se ante tribunal Christi muniat qui a religiosis animabus ad substantiam pauperum derelicta dispergit(6). » In Agathensi quoque concilio(7) continetur ut « in venditionibus quas abbates faciunt haec forma servetur, ut quidquid sine licentia episcopi venditum fuerit ad potestatem episcopi revocetur. » Idem etiam de strenuitate vestra dici potest quia divina providentia vos eidem loco defensorem praeparavit, quoniam quidquid a praedicto monasterio sine vestro assensu distractum est totum oportet ipsi monasterio restitui et usibus fratrum quibus data sunt integerrime restitui(8)(b). Haec hactenus.
De caetero nobilitatem vestram in hoc culpamus quod beneficium Carnotensis Ecclesiae, quod aliis magnis magnum videtur, ita parvipenditis ut neque quod dispersum est ab antecessore vestro revocare studeatis, neque debitum nobis servitium in aliquo impleatis. Qui enim beneficium illud occupaverunt ita inter utrumque natant ut neque nobis serviant propter vos, neque vobis propter nos. Monemus itaque vos ut super hoc consilium capiatis et nobis remandetis, quia in hoc nullum est vestrae amplitudini commodum, nobis autem magnum incommodum. Valete.
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libertati éd.
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restaurari éd., et usibus…restitui om. TAu.
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Robert I
erPreud'homme, comte de Meulan, cant., arr. Mantes-la-Jolie, Yvelines. Petit-fils d'Onfroi de Vieilles, fils de Roger le Barbu, seigneur de Beaumont-le-Roger, et d'Adeline de Meulan, il a hérité le comté de Meulan de son oncle maternel Hugues III en 1082 ; partisan de Guillaume II le Roux (1087-1100), conseiller de Henri IerBeauclerc, il reçut pour sa fidélité le comté de Leicester en 1107. En 1109, Louis VI ravagea sa terre, Suger,Vie de Louis VI, p. 104-105. Il mourut le 5 juin 1118. J. Boussard,Le gouvernement d'Henri II Plantagenet, p. 46-47. J.R.Planché,On the genealogy and armorial insigns of the anglo-norman earls of Leicester.Collactenea archeologica, t. 2, 1871, p. 30-41. Émile Houth, « Les comtes de Meulan IXe-XIIIesiècles »,Bulletin philologique et historique du comité de travaux historiques et scientifiques, 1960, p. 27-682 et 1963, p. 499-543. « Les comtes de Meulan IXe-XIIIesiècles »,Mémoires de la société historique et archéologique de Pontoise, du Val-d'Oise et du Vexin, t. 70, 1981, p. 5-17. Voir aussi Yves, lettre 45.
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Richard I
erde Bayeux ou de Fourneaux. Formé à l'abbaye de Saint-Vigor-le-Grand, près de Bayeux, il se retira au Bec puis à Saint-Wandrille avant de succéder à Godefroid comme abbé des Préaux de 1101 où il demeura jusqu'à sa mort le 31 janvier 1125 (plutôt que la date traditionnelle de 1131). Il écrivit de nombreuses œuvres d'exégèse, pour la plupart inédites.Commentaire sur le Lévitiqueadressé à Anselme de Cantorbéry, éd.PL166, col. 1357-1360, avec la notice de Mabillon,Annales, l. 70, n° 1. Il reste deux lettres de lui, éd. Martène et Durand,Thesaurus novus, t. 1, col. 763-764. V. Gazeau, t. 2,Prosopographie des abbés, p. 233-235. Dominique Rouet,Le cartulaire de l'abbaye bénédictine de Saint-Pierre-de-Préaux (1034-1227), Paris, 2005, sur Richard p. 480-482.Dictionnaire de Spiritualité, t. 13, col. 570-572.
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Abbaye Saint-Pierre des Préaux, cne, cant. Pont-Audemer, arr. et diocèse de Lisieux, Eure.
Cartulaire de Saint-Pierre de Préaux,voir notesupra. La famille de Beaumont-Meulan eut une dévotion particulière pour cette abbaye, restaurée en 1035 par Onfroi de Vieilles. Roger y mourut le 29 novembre 1095 ; Robert y mourut également ; plusieurs membres de la famille y furent moniales ou moines. J. Boussard,op. cit., p. 47, n. 4 et 256, n. 3. V. Gazeau,op. cit.t. 2, p. 229-240.
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Voir lettre 81.
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Sur la contestation de cette profession, Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettre 81. De nombreux cas de refus sont relevés en Normandie par V. Gazeau, t. 1,
Princes normands et abbés, p. 81-82. Voir aussi lettre 73.
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esynode de Symmaque,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 681. Yves,Décret3, 182 (Gratien, 12, 2, 21). L'expressionanathema sit danti et accipientise trouve aussi dans Yves,Décret5, 128, 2econcile de Braga, c. 3 (Gratien, 1, 1, 22).
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Concile d'Agde, c. 56. Yves,
Décret3, 163 (Gratien, 17, 4, 40).
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La restitution des biens usurpés par des laïcs est une des préoccupations constantes des réformateurs grégoriens.
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a. Avranches, BM 243, 81rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 55v
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T. Troyes, BM 1924, 118rv
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Au. Auxerre, BM 69, 55v-56
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Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Robert, comte de Meulan, salut et secours de ses prières.
Nous rendons grâces à votre libéralité et à votre prudence de traiter honorablement, comme il en est digne, le seigneur Richard, abbé du monastère de Préaux, homme religieux et prudent, et de l'assister dans ses affaires avec dévouement et fidélité, comme il en a besoin ; et nous vous demandons en plus de terminer ce que vous avez bien commencé par une fin meilleure. En effet, s'il travaille à réclamer les possessions du monastère qui lui est confié, il le fait contraint par le devoir de sa profession, parce qu'il est exigé de tout abbé, quand il va recevoir la bénédiction de l'évêque, de s'engager à récupérer les biens de son monastère jusqu'alors malheureusement dispersés et à en disposer fidèlement à l'usage des frères et des pauvres. Et dans les décrets du pape Symmaque et d'autres saints Pères, à propos des biens enlevés aux Églises, il est mentionné que « l'anathème soit contre celui qui donne et qui reçoit ou même qui possède et que devant le tribunal du Christ ne soit protégé par aucun obstacle celui qui disperse les biens laissés par des âmes pieuses pour la subsistance des pauvres. » Dans le concile d'Agde également il est mentionné que « dans les ventes faites par les abbés on conserve cette clause, à savoir que tout ce qui sera vendu sans la permission de l'évêque revienne au pouvoir de l'évêque. » On peut dire également à propos de votre vaillance que la divine providence vous a préparé à être défenseur de ce même lieu, puisque tout ce qui a été enlevé audit monastère sans votre accord doit être restitué totalement audit monastère et rendu dans son intégralité à l'usage des frères auxquels cela a été donné. Assez sur ce point.
Par ailleurs nous blâmons votre noblesse de ce que vous accordez peu de prix à un bénéfice de l'Église de Chartres, qui semble grand à d'autres grands, si bien que vous ne vous appliquez pas à ramener ce qui a été dispersé par votre ancêtre et que vous ne vous acquittez en rien du service qui nous est dû. Car ceux qui se sont emparés de ce bénéfice nagent entre les deux, de sorte qu'ils ne nous servent pas à cause de vous et ne vous servent pas à cause de nous. Nous vous conseillons donc de prendre une décision à ce sujet et de nous la faire connaître, parce qu'il n'y a là aucun avantage pour votre grandeur, mais qu'il y a un grand désavantage pour nous. Adieu.