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Le Livre de Forme de Plait[Chapitre 28]

Auteur

Philippe de Novare

Titre en français

Le Livre de Forme de Plait

Titre descriptif

Ceux qui ne peuvent pas témoigner contre les Francs à la Haute Cour

Type de texte

Assise

Texte

Ici orrés quels pevent porter garentie en court et quells l’on puet oster dou jugement par cort. Les gens qui ne pevent pas porter garentie en nostre court encontre Frans si sont toutes les gens qui ne sont de la ley de Rome, et tous forjugiés, et tous parjures, et tous ceaus qui sont fei mentie, et tous chanpions vencus, et tous ceaus qui ont Dieu reneié et devindrent d’autre lei, et tous ceaus qui ont servi sarasins et autres gens mescreans contre crestiens a armes plus d’un an et .i. jour. Et aucunes gens dient que ensi est il des Latins qui servent les Gres contre les Frans, mais ce ne sai je mie de veir. Et tous ceaus qui ne sont nés de loiau mariage aussi, et tous sers de quelque lei qu’il soient, et tous ceaus qui ont esté de religion et sont venu au siecle, se il n’ont laissé lor religion par le jugement de saint yglize. Mais encontre Gres et Suriens et tous autres crestiens qui ne sont de la ley de Rome pevent porter garentie les gens de leur lei, s’il ne sont entechié des vices dessus motis, et tous ceaus qui en sont entechié perdent vois en cort, se l’om les en viaut oster.

Langue

français

Source du texte original

Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. Peter W. Edbury ( Nicosia, 2009).

Datation

  • Entre 1249 et 1253
  • 13ème siècle (quart : 3 )
  • Précisions : Selon Edbury, les références au deuxième siège de Damiette au cours de la Septième Croisade en 1249, et au roi Henri Ier de Chypre, qui est mort en 1253, indiquent que le traité a été écrit entre ces années.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Le traité de Philippe a été écrit à Chypre, mais Philippe le destinait également au royaume finissant de Jérusalem.

Traduction française

Ici, vous entendrez qui peut témoigner devant la Cour et qui peut être interdit de témoigner, par jugement de la Cour. Ceux qui ne peuvent pas témoigner contre les Francs devant notre Cour sont ceux qui ne sont pas de la "loi de Rome"1, les condamnés, les parjures, tous ceux qui ont rompu leurs serments, les champions qui ont perdu un combat judiciaire, ceux qui ont renié Dieu et se sont convertis, et tous ceux qui ont servi les musulmans ou d'autres incroyants contre les chrétiens pour plus d'un an et un jour. Certaines personnes disent que ceci inclut les Latins qui servent les Grecs contre les Francs, mais je ne sais pas si c'est vrai. Egalement, tous ceux qui ne sont pas nés d'un mariage régulier, les serfs de n'importe quelle religion, et tous ceux qui ont quitté la vie religieuse pour vie la séculière, s'ils ne l'ont pas quittée par congé de la sainte Eglise. Mais contre les Grecs et Syriens et tous autres chrétiens qui ne suivent pas la "loi de Rome" peuvent témoigner les gens de la même religion, s'ils ne sont pas exclus à cause des crimes mentionnés ci-dessus. Tous ceux qui sont condamnés à cause de ces crimes ne peuvent pas parler à la Cour, si l'on veut les exclure.

1 . C'est-à-dire les catholiques

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Cette assise énumère une liste des gens qui ne peuvent pas témoigner contre les Francs (c'est-à-dire les catholiques) à la Haute Cour. En même temps que les criminels condamnés, elle inclut les non-catholiques et les apostats, et les paysans de n'importe quelle religion. Dans une société aussi multiculturelle que celle du royaume de Jérusalem, il était important de préciser qui pouvait témoigner contre qui , et Geoffroy le Tor, Jean d'Ibelin, et les assises de la Cour des Bourgeois contiennent des assises similaires. Contrairement à Geoffroy, Jean, Philippe et les assises des bourgeois indiquent également dans quelles circonstances exceptionnelles les non-catholiques peuvent témoigner devant les cours de justice. Il est évident que la première partie de la liste de Philippe est presque copiée mot pour mot de l'oeuvre de Geoffroy le Tor, car la formulation et la hiérarchie des personnes qui sont proscrites de témoignage se retrouvent presque à l'identique. Toutefois, Philippe développe plus la question, quand le texte de Geoffroy est plus concis.

Signification historique

De manière générale, les non-chrétiens ne pouvaient témoigner que devant leurs coreligionnaires, et uniquement devant les basses juridictions. Cette règle eut pour conséquence d'exclure de sa participation à la Haute Cour "la très grande majorité de la population".1 Hans E. Mayer croit remarquer que les non-catholiques, et surtout les musulmans, n'ont été ajoutés à cette liste légale que dans un second temps, comme si l'auteur n'y avait pas pensé spontanément. C'est que les musulmans en particulier ne bénéficiaient guère de droits civils ou religieux.2 Marwan Nader estime que les musulmans des villes jouissaient de quelques droits civils, auprès, du moins, de la cour des bourgeois.3 Il est bien connu que beaucoup de chrétiens se sont convertis à l'Islam, souvent au cours d'une bataille ou d'un siège, ou après avoir été capturés par les armées musulmanes. On peut supposer que l'apostasie et la conversion vers l'Islam se produisaient assez souvent chez les croisés.4 Les principaux traités s'accordent sur le fait que le témoignage des apostats doit être interdit.

1 . Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009), ch. 28, n. 122.

2 . H. E. Meyer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem", History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983), 175-185.

3 . M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 255-258.

4 . B. Z. Kedar, "Multidirectional conversion in the Frankish Levant", in J. Muldoon, Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages (Gainesville, 1997); repr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot, 2006), 194.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Le traité de Philippe nous est parvenu à travers trois manuscrits : Venise Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 20(=265), fols. ccv-cclx ; Bibliothèque nationale de France ms. fr. 19026, fols. 235-264 ; et Bayerische Staatsbibliothek Codex Gallus 771, fols. 49-183.

Editions

  • A.-A. Beugnot, ed., "Livre de Philippe de Novarre", Recueil des historiens des croisades, vol. 1 : Lois (Paris, 1841), repr. (Farnborough-Gregg, 1967).
  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Traductions

  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Etudes

  • B. Z. Kedar. "Multidirectional conversion in the Frankish Levant", in J. Muldoon, Varieties of Religious Conversion in the Middle Ages (Gainesville, 1997), repr. in Franks, Muslims, and Oriental Christians in the Latin Levant (Aldershot, 2006).
  • H. E. Meyer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem", History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007).
  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P. W. Edbury (Nicosia, 2009).

Mots-clés

apostasie ; musulmans ; témoignage

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Laurence   Foschia  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°87448, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait87448/.

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