Livre des Assises
Comment l'on peut faire la preuve de quelque chose devant la Haute Cour.
Coment et por quei et par qui l'on doit prover en la haute court. [...]Et qui viaut prover par garans fié ou chose de fié ou autre chose, il covient qu’il soient .ii. loiaus garans ou plus de la loy de Rome, se ce n'est de prover aage ou lignage. Que l’on peut prover ses .ii. dites choses par chascun home ou feme, mais que il soit crestien batié et qu’il soient .ii. ou plus et que il s'acordent bien ensemble a une parole[...]
John of Ibelin, Livre des Assises, ed. P. W. Edbury (Leiden, 2003).
Comment l'on doit prouver quelque chose à la Haute Cour, pour quelles raisons et au moyen de quels témoins. [...]Pour qui veut prouver, à l'aide de témoins, les droits de propriété d'un fief ou autre chose, il convient qu'il y ait au minimum deux témoins légitimes qui suivent la foi catholique, si leur témoignage ne concerne pas [la question de] l'âge ou du lignage. L'on peut prouver ces deux choses grâce à n'importe quel homme ou femme, tant qu'ils sont baptisés comme chrétiens et qu'il y en a deux ou plus, et qu'ils s'accordent bien ensemble[...]
A. Bishop
Ce chapitre souligne quelles sortes de preuves l'on peut apporter devant la Haute Cour. Normalement, la cour acceptait la preuve écrite sous la forme d'un privilège ou d'un compte-rendu de jugement. Toutefois, dans certains cas, le serment de deux témoins suffisait pourvu que les témoins fussent catholiques. Si le témoignage impliquait de prouver l'âge ou le lignage, les témoins pouvaient être "baptisés" dans n'importe quelle religion chrétienne.
Il est possible que cette assise fasse allusion à l'innovation qui consista à mettre par écrit les procès-verbaux de la Haute Cour. En 1251, cette dernière et la Cour des Bourgeois ont en effet décidé d'établir des registres, écrits en français, pour que les cours n'aient plus à dépendre uniquement de la mémoire, potentiellement défectueuse, des juristes, et qu'elles puissent enregistrer la succession des procès, les ajournements et tout ce que l'on pouvait facilement oublier. Jusqu'alors, le témoignage verbal et la mémoire des juristes étaient considérés comme plus importants que la preuve écrite. Les registres étaient destinés à compléter le témoignage écrit déjà accepté sous forme de privilèges ou de chartes ; mais dans ces derniers cas, l'écriture elle-même n'était pas considérée comme une preuve acceptable contrairement aux signatures et les souvenirs des témoins.12 Malheureusement, les registres ne nous sont pas parvenus. Ailleurs dans leurs traités, Jean et Philippe de Novare indiquent également dans quelles circonstances exceptionnelles les non-catholiques pouvaient témoigner devant les cours de justice. En général il leur était permis de témoigner au sujet de l'âge et du lignage mais rarement dans cas plus importants. Normalement les non-chrétiens ne pouvaient témoigner que devant leurs coreligionnaires mais pas du tout devant la Haute Cour qui était le domaine exclusif des catholiques.
1 . J. Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 290-292.
2 . J. S. C. Riley-Smith, The Feudal Nobility and the Kingdom of Jerusalem, 1174-1277 (London, 1973), 132-134.
baptême ; musulmans ; témoignage
Laurence Foschia : traduction
Capucine Nemo-Pekelman : traduction
Notice n°70997, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait70997/.