Description
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Yves, évêque de Chartres
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Henri 1er, roi d’Angleterre
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après 1100 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Henrico, Dei gratia excellenti Anglorum regi, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, sic florere in regno terreno ut perfruatur aeterno.
Quoniam fama vulgante gloria vestra longe lateque diffusa est, oportet ut quod de liberalitate vestra fama praedicat rerum veritas in se contineat. Sic enim verum possidebitis regnum, si et vos ipsum bene regatis et subditos vestros virga justitiae ab iniquitate revocetis.
Haec est enim vera gloria regum, sequi formam summi Regis, cui per Psalmistam dicitur(1) : « Virga directionis, virga regni tui ; dilexisti justitiam et odisti iniquitatem ». Haec idcirco praelibavi excellentiae vestrae, quoniam audivi vos quamdam filiam vestram cuidam nostro parrochiano, Hugoni videlicet, filio Gervasii(2), desponsasse. Quos quidam(a) parentes eorum gradu consanguinitatis testantur esse genitos ut inter se nuptias contrahere non possint, nisi incestuosas et ideo illicitas(3). Quod minime decet regiam majestatem, culpam videlicet in se admittere quam in aliis debet legum severitate punire. Unde pro reverentia et dilectione vera magnitudinem vestram praemonitam et praemunitam(4) esse cupimus ut, dum honeste fieri potest, tales nuptias fieri non permittatis, ne tale conjugium, si contra leges praesumatur, per leges dissolvi mereatur(5). Quod enim dicimus, non ex conjecturis facimus, quia prae manibus habemus scriptam genealogiam quam scribi fecerunt nobiles viri de eadem tribu progeniti ; et parati sunt ante judices ecclesiasticos eamdem genealogiam in tuto loco computare et secundum legum instituta probare.
Misi itaque vobis eamdem genealogiam a trunco suo inchoatam et usque ad praetaxatas personas computando descriptam, quatenus ea perspecta rei veritatem discutiatis et prudenti consilio ab illicita copulatione praedictas personas desistere faciatis. Non enim poterimus a legum tramite(6) deviare si viderimus parrochianum nostrum, maxime in pacto conjugali, aliquid(b) nefarium perpetrare, dicente apostolica sententia(7) : « Incestis conjunctionibus nihil veniae reservamus, nisi cum incestum separatione sanaverint ». Cum enim revereamur temporalium regum potentiam, magis nos revereri oportet aeterni Regis omnipotentiam, ut sic reddamus « quae sunt Caesaris Caesari et quae Dei sunt Deo(8) ».
Genealogia autem, ut dicitur, sic se habet :
Gonnors et Seufria sorores fuerunt. Ex Gonnors exivit Richardus. Ex Richardo, Robertus. Ex Roberto, Gulielmus(c) rex. Ex Gulielmo(d), Henricus rex. Ex hoc rege ista quae datur filio Gervasii(9).
Item ex Seufria exivit Joscelina. Ex Joscelina, Rogerius de Monte Gummeri. Ex Rogerio, Mabilia, soror Roberti Bellimensis. Ex Mabilia, Mabilia, uxor Gervasii. Et ex ista Mabilia, Hugo, filius Gervasii cui ista datur(10).
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quidem éd.
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aliquod éd.
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Guillelmus A, Wuillelmus M
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Wuillelmo A, Guillelmo M.
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Ps. 44, 7-8.
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Gervais, seigneur de Châteauneuf-en-Thimerais (ch.-lieu de cant., arr. Dreux, Eure-et-Loir, diocèse de Chartres) et archidiacre de Dreux. Voir lettres 246 et 266. Son fils Hugues II se maria finalement à Aubrée de Meulan, sœur de Robert II de Leicester, J. Boussard,
Le gouvernement d'Henri II Plantagenêt, p. 46, n. 3.
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Le mariage est interdit jusqu'au septième degré canonique inclus, ce qui est le cas ici, voir la généalogie
infra.
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Même jeu de mots lettres 87 et 89.
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Lettre de Jean VIII à l'empereur Louis. Yves,
Décret4, 230 et 6, 115, voir lettres 161, 167, 185, 242, 243.
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Sur cette expression, voir lettre 169.
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C'est une sentence canonique et non apostolique, Concile d'Agde, c. 61. Yves,
Décret9, 40, voir lettre 225.
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Matth. 22, 21.
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Cette généalogie est exacte : Gunnor épousa Richard I
er, duc de Normandie de 942 à 996. Leur fils Richard II, duc de 996 à 1026, épousa Judith, comtesse de Bretagne. Leur fils Robert, dit le Magnifique, fut duc de Normandie de 1027 à 1035, après son frère Richard III (1026-1027). Le fils naturel de Robert, Guillaume le Conquérant, duc de Normandie en 1035 et roi d'Angleterre de 1066 à 1087, épousa Mathilde, fille de Baudoin de Flandre. Henri Ier, destinataire de cette lettre, est un de leurs fils,. Il eut de nombreux enfants naturels ; la fille naturelle d'Henri dont il est question ici est peut-être Marie, morte dans un naufrage, d'après J.-B. Souchet,PL162, col. 495, peut-être Constance, future femme de Roscelin de Beaumont, d'après L. Merlet,Lettres de saint Ives, p. 471, n. 1.
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Cette généalogie est plus difficile à faire : la fille de Seufria, Josceline, épousa, d'après L. Merlet, p. 472, n. 2, Roger I
erde Montgommery, mais d'après Souchet,ibid., col. 406, Hugues de Montgommery. Leur fils fut Roger II. Sa fille Mabille se maria à Hugues Ier, seigneur de Châteauneuf. Leur fille, Mabille, porta la seigneurie de Châteauneuf-en-Thimerais à Gervais, père de Hugues II. Mais J. Boussard,Le gouvernement d'Henri II Pantagenêt, p. 93-94, n. 6, comme G. Davy,Le duc et la loi, p. 316, n. 592, font de Mabille de Bellême la femme de Roger de Montgommery, et non sa fille. Dans les deux cas les degrés sont considérés comme incestueux.
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a. Avranches, BM 243, 133rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 95v
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À Henri, par la grâce de Dieu excellent roi des Anglais, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, s'épanouir dans son royaume terrestre de manière à jouir du royaume éternel.
Puisque votre gloire, comme le divulgue la renommée, s'est répandue en tous sens, il faut que la vérité des faits entretienne en elle ce que la renommée proclame de votre libéralité. Car c'est ainsi que vous posséderez un vrai royaume, si vous vous dirigez bien vous-même et si vous détournez vos sujets de l'iniquité par la verge de la justice. Car telle est la vraie gloire des rois, suivre la manière d'être du grand Roi, à qui il est dit par le Psalmiste : « Verge de droiture, la verge de ton royaume ; tu as aimé la justice et tu as haï l'iniquité ».
La raison pour laquelle j'ai rappelé ces mots à votre excellence, c'est que j'ai appris qu'une de vos filles avait été fiancée à un de nos paroissiens, à savoir Hugues, fils de Gervais. Certains de leurs parents témoignent qu'ils ont été enfantés avec un degré de consanguinité tel qu'ils ne peuvent contracter entre eux de noces, si ce n'est incestueuses et donc illégitimes. Il ne convient nullement à la majesté royale d'admettre chez elle une faute qu'elle doit punir chez les autres par la sévérité des lois. Aussi, eu égard à notre révérence et à notre dilection véritable, nous désirons que votre grandeur soit prévenue et prémunie pour que, tant que cela peut se faire honorablement, vous ne permettiez pas que de telles noces se fassent, de peur que, si un tel mariage était osé contre les lois, il ne mérite d'être dissous par les lois. Car ce que nous disons, nous ne le faisons pas d'après des conjectures, c'est parce que nous avons en mains une généalogie écrite qu'ont fait mettre par écrit de nobles hommes issus de cette même lignée ; et ils sont prêts à recalculer en un lieu sûr devant des juges ecclésiastiques cette même généalogie et à la prouver selon les prescriptions des lois.
C'est pourquoi je vous ai envoyé cette même généalogie commencée depuis son tronc et transcrite en calculant jusqu'aux personnes concernées, pour qu'après l'avoir considérée vous examiniez la vérité de la chose et que par un conseil prudent vous fassiez renoncer lesdites personnes à une union illicite. Car nous ne pourrions pas dévier du chemin des lois si nous voyions notre paroissien perpétrer quelque chose de néfaste, surtout dans un pacte conjugal, car la sentente apostolique dit : « Nous ne réservons aucun pardon aux unions incestueuses, à moins qu'elles ne guérissent l'inceste par la séparation ». Donc bien que nous révérions la puissance des rois temporels, il nous faut révérer davantage la toute-puissance du Roi éternel, de manière à « rendre ainsi à César ce qui est à César et à Dieu ce qui est à Dieu ».
Or la généalogie se présente ainsi, à ce qu'on dit :
Gonnor et Seufria étaient sœurs. De Gonnor naquit Richard. De Richard, Robert. De Robert, le roi Guillaume. De Guillaume, le roi Henri. De ce roi celle qui est donnée au fils de Gervais.
De même, de Seufria naquit Josceline. De Josceline, Roger de Montgommery. De Roger, Mabille, sœur de Robert de Bellême. De Mabille, Mabille, femme de Gervais. Et de cette Mabille, Hugues, fils de Gervais, à qui celle-là est donnée.