Description
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Yves, évêque de Chartres
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Pascal 2, pape
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après 1102 - avant 1104
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[1102-1104]
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Lettre
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Paschali, summo pontifici, Ivo, humilis sanctitatis suae filius, quidquid potest esse felicius.
Quoniam pro gratia nobis collata decorem domus(a) Dei diligimus(1), multa inordinate in eadem fieri vehementer dolemus. Et cum in quibusdam subditis quaedam illicita corrigere, vel cum quosdam ad meliora promovere studemus, ipsi, in stercoribus suis computrescere cupientes(2), litteras a sede apostolica, nescio quibus subreptionibus impetratas, nobis deferunt ad palliandam malitiam suam vel defendendam inobedientiam. Unde fit in Ecclesia mirabilis mandatorum Dei contemptus et ineffabilis morum corruptela, cum ibi invenit quorumdam perversitas incorrepta confugium ubi innocentia sola deberet habere praesidium. Et, quod mirabilius et miserabilius est, isti vitae suae curiosi corruptores ab ipsis columnis gratanter audiuntur, cum vitam religiosorum aliquibus maculis respergere moliuntur(3), quibus non est credendum de aliena injustitia quamdiu non discesserent a sua. Cum itaque tam pro nostra insufficientia quam pro subditorum duritia praedictae causae de fructu laboris nostri pene desperare nos cogant, onus quod pene infructuose portamus, deponere saepe deliberamus et, pennas columbae nobis dari flagitantes(4), avolare a molestiis inutilibus et in mentis solitudine quiescere praeoptamus.
Hac itaque necessitate commoniti, praesentiam sanctitatis vestrae adire cupientes et de his quae praedicta sunt cum multis aliis vobiscum tractare cupientes, venimus pene usque ad Alpes ; in quarum angustiis, quia insidias nobis paratas audieramus, usi magnorum virorum consilio, incepto(b) itinere supersedimus. Domnum itaque Gualonem, confratrem et coepiscopum nostrum(5), qui in suspectis locis ad occultandum se aptior est, paternitati vestrae transmisimus, in cujus ore verba nostra posuimus(6) quatenus eum tam pro sua quam pro nostra necessitate paterne audiatis et quae corrigenda sunt corrigatis et quae utiliter statuenda firmiter statuatis(7). Quamvis enim quod ratio suadet, vel quod usus approbat, vel episcopalis moderatio disponit(8), per se satis vigere videatur, tamen carius fit et quasi quadam luce irradiatur cum id quod prohibendum vel praecipiendum est decreto apostolico roboratur. Valete.
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ecclesiae éd.
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inito éd.
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D'après Ps. 25, 8,
dilexi decoremdomus tuae. Cette lettre évoque à nouveau devant le pape les problèmes soulevés dans la lettre 108.
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Joël, 1, 17. Voir aussi lettre 12.
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Yves use dans cette phrase du même vocabulaire que dans la lettre 108.
Parietes respersos maculis, Lev. 14, 44.
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Ps. 54, 7. Même phrase lettre 17, où Yves se plaint aussi du poids excessif de sa charge épiscopale.
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Voir lettre 102. Il a été élu en 1100 et sacré en 1102 évêque de Beauvais.
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Jer. 1, 9 et
passim.
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Voir lettre 87, sur le manque de fermeté de Pascal II.
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Ratio, usus, moderatio, termes canoniques, sans référence précise.
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a. Avranches, BM 243, 71rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 48
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T. Troyes, BM 1924, 17v-1
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Au. Auxerre, BM 69, 89v-90v
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À Pascal, souverain pontife, Yves, humble fils de sa sainteté, ce qu'il peut y avoir de plus heureux.
Puisque, selon la grâce qui nous a été accordée, nous aimons l'honneur de l'Église de Dieu, nous nous affligeons violemment de ce que beaucoup de choses en elle se fassent de manière irrégulière. Et tandis que nous nous appliquons à corriger certains actes illicites chez certains de nos subordonnés ou à en entraîner certains vers une amélioration, eux-mêmes, désirant pourrir sur leur fumier, nous produisent une lettre émanant du siège apostolique, obtenue par je ne sais quelles ruses, pour couvrir leur malignité ou défendre leur désobéissance. Aussi naît-il dans l'Église un mépris étonnant des commandements de Dieu et une corruption indicible des mœurs, quand la perversité incorrigible de certains trouve refuge là où l'innocence seule devrait avoir son siège. Et, ce qui est plus étonnant et plus lamentable, c'est que ces hommes empressés à corrompre leur propre vie sont entendus volontiers par ces colonnes mêmes, alors qu'ils travaillent à asperger de taches la vie des gens pieux, eux qu'il ne faut pas croire au sujet de l'injustice d'autrui tant qu'il ne se sont pas détournés de la leur. Aussi puisque, tant à cause de notre insuffisance que de l'endurcissement de nos subordonnés, les affaires susdites nous forcent presque à désespérer du fruit de notre labeur, nous songeons souvent à abandonner la charge que nous portons presque sans fruit et, réclamant que nous soient données les ailes de la colombe, nous souhaitons nous envoler loin des soucis inutiles et nous reposer dans la solitude de l'esprit.
C'est pourquoi, conseillé par cette nécessité, désireux de venir en présence de votre sainteté et désireux de traiter avec vous de ce qui vient d'être dit ainsi que de beaucoup d'autres choses, nous sommes venu péniblement jusqu'aux Alpes ; comme nous avions entendu parler d'embuscades préparées contre nous dans leurs défilés, usant du conseil d'hommes importants, nous avons renoncé au voyage entrepris. C'est pourquoi nous avons envoyé à votre paternité le seigneur Galon, notre confrère et collègue évêque, qui est plus capable de se cacher dans les lieux peu sûrs, dans la bouche de qui nous avons placé nos paroles pour que vous l'écoutiez paternellement à la fois sur ses embarras et sur les nôtres et pour que vous corrigiez ce qui doit être corrigé et décidiez fermement ce qui doit être décidé utilement. Bien qu'en effet ce que la raison persuade ou ce que l'usage approuve ou ce que la modération épiscopale dispose semble avoir assez de force en soi, cependant cela devient plus estimé et cela irradie comme d'une espèce de lumière quand ce qui doit être interdit ou prescrit est corroboré par un décret apostolique. Adieu.