Description
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Yves, évêque de Chartres
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Pascal 2, pape
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Pascali, summo pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, cum devoto filii affectu debiti famulatus obsequium.
Belvacenses clerici melioris famae et sanioris consilii(1), praecedente consilio vestro, consilio optimatum dioecesis suae et laude populi domnum Galonem(2), virum vita honestum litteralibusque studiis et ecclesiasticis disciplinis ornatum(3), in episcopum sibi elegerunt. Pauci tamen ex clericis Stephani(4) illius repudiati complices, quos sibi pelliculis peregrinorum murium(5) atque aliis hujusmodi vanitatum aucupiis inescaverat, huic electioni non assenserunt, nec tamen ei aliquid quod sacris canonibus obviet objicere potuerunt. Cum vero rem per se impedire non valerent, regem adierunt(6), quaedam verba auribus ejus instillaverunt quae facile in cor ejus eliquaverunt, videlicet quod praedictus electus discipulus meus fuerit apud me nutritus(7), apud me eruditus, addentes quod a sanctitate vestra fuerit electus et quod magnus ei futurus esset adversarius si in regno ejus aliquando fieret episcopus. Rex itaque, virulentis his verbis succensus et ab omni bona voluntate turbatus, non vult electioni assensum praebere(8), nec electo bona episcopalia dimittere(9). Unde electores ejus ad paternitatem vestram jam confugissent, nisi quia metropolitanus eorum eos detinet condicto die inter contradictores et electores, sicut dicitur, pacem volens componere, vel forsitan propter voluntatem regis rem callide impedire. Superest ergo, dilectissime pater, ut pro potestate et auctoritate vestra, sicut coepistis, Ecclesiae, prout clerici rationabiliter postulaverint, succurratis et consilium vestrum inconfusibile faciatis, ne insidiatores et detractores vestri subsannando de vobis dicere incipiant : « Hic homo coepit aedificare et non potuit consummare(10) ».
De caetero notum facio sanctitati vestrae quod Francorum rex Romam in proximo se venturum dicit, quod tamen non credimus. Sed seu veniat, seu mittat, cavete et vobis et nobis(a) ut semper clavibus et catenis Petri fortiter teneatur. Et si forte absolutus fuerit et ad vomitum(11), sicut jam contigit, reversus fuerit, e vestigio eisdem clavibus recludatur, eisdem catenis religetur ; et hoc litteris vestris omnibus Ecclesiis manifestetur. Ita enim corrosorum dentes(12) confringetis et justitiae satisfacietis. Quod si forte Deus cor ejus ad poenitentiam illustraverit, mementote nostri qui portavimus pondus diei et aestus(13), ut, sicut fuimus particeps tribulationis, ita simus et consolationis(14). Valete.
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et nobis et vobis AAu.
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Melior et sanior parsest l'expression normalement utilisée pour prouver que les élections d'évêques se sont déroulées dans les règles, J. Gaudemet,Le gouvernement de l'Église à l'époque classique, p. 64-65.
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Voir lettre 102.
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Sur les qualités de l'évêque et les élections dans les règles, voir références lettre 76.
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Voir lettres 87, 89, 95.
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Peregrini muris olentes pelliculas, Jérôme,ep.130ad Demetriadem, 19, éd. J. Labourt, t. 7, p. 191, symbole de ce qu'il faut fuir.
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Le roi ne doit pas intervenir dans l'élection, Nicolas I
erau roi Lothaire. Yves,Décret, 5, 357 (Gratien, D. 63, 4).
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Geoffroy de Vendôme écrit à son
nutritor, lettres 34, 104, mais il semble que ce dernier ne lui donne que le gîte et la pension et ne soit pas en même temps son maître, qui serait Guillaume, éd. citée, lettre 7, note 1.
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Voir lettre suivante. Étant donné le rôle d'Yves dans les efforts pour mettre fin à la liaison du roi avec Bertrade, on comprend que ces arguments aient eu du poids auprès du roi !
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Yves admet que les rois, après élection canonique de l'évêque, mettent les prélats en possession des évêchés, lettre 60. Il s'opposait sur ce point aux tenants intransigeants de la réforme comme Geoffroy de Vendôme, dont les thèses sont exposées essentiellement dans le traité sur l'investiture laïque, éd. citée, n° 189.
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Luc. 14, 30. Ce
toposapparaît dans toutes les correspondances de l'époque, voir lettre 72.
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Expression biblique, Prov. 26, 11, voir lettre 84. Les revirements de Philippe ont déjà été si nombreux qu'il est légitime qu'Yves se méfie de son repentir. Urbain II avait été victime de sa bonne foi, ayant cru au sincère repentir de Philippe, voir Yves, lettres 46, 87.
Registrede Lambert d'Arras,Absolutio, en particulier A 66.
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D'après Ps.-Rufin,
Commentarius inPsalmos, Ps. 34, 16,dentibus, id est corrosionibus suis,PL21, col. 771.
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Matth. 20, 12.
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D'après II Cor. 1, 4,
tribulatioetconsolatio.
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a. Avranches, BM 243, 78rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 46
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T. Troyes, BM 1924, 59rv et 99v-100
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Au. Auxerre, BM 69, 61v-62
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À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, avec l'affection dévouée d'un fils l'empressement de la servitude qui lui est due.
Les clercs de Beauvais de la meilleure renommée et du plus sain conseil, suivant votre conseil, le conseil des dignitaires de leur diocèse et la louange du peuple, ont élu pour être leur évêque le seigneur Galon, homme honnête dans sa vie et distingué dans les études des lettres et les sciences ecclésiastiques. Cependant un petit nombre des clercs complices de cet Étienne rejeté, qu'il avait appâtés en sa faveur avec des peaux de martre et autres appâts de vanités de ce genre, n'ont pas donné leur accord à cette élection, mais n'ont pas pu cependant pas lui reprocher quelque point qui irait à l'encontre des saints canons. Et comme ils ne pouvaient pas empêcher l'affaire par eux-mêmes ils s'adressèrent au roi, lui versèrent aux oreilles des mots qu'ils firent facilement glisser dans son cœur, à savoir que ledit élu avait été mon élève, nourri auprès de moi, instruit auprès de moi, ajoutant qu'il avait été choisi par votre sainteté et qu'il serait pour lui un grand adversaire s'il devenait un jour évêque dans son royaume. C'est pourquoi le roi, enflammé par ces paroles venimeuses et renonçant dans son trouble à toute disposition bienveillante, ne veut pas donner son assentiment à l'élection, ni remettre à l'élu les biens épiscopaux. Aussi ses électeurs se seraient-ils déjà réfugiés auprès de votre paternité, si leur métropolitain ne les retenait pas à une date convenue, voulant, à ce qu'il dit, ménager la paix entre opposants et électeurs, ou peut-être empêcher adroitement l'affaire selon la volonté du roi. Il vous reste donc, très cher père, à venir en aide à l'Église en fonction de votre pouvoir et de votre autorité, comme vous l'avez entrepris, ainsi que les clercs l'ont demandé avec raison, et à rendre clairement votre décision, pour que ceux qui vous tendent des pièges et vous dénigrent ne se mettent pas à dire de vous, en vous tournant en dérision : « Cet homme a commencé à bâtir et n'a pas pu achever. »
En outre je fais savoir à votre sainteté que le roi des Francs dit qu'il viendra bientôt à Rome, ce que pourtant nous ne croyons pas. Mais soit qu'il vienne, soit qu'il envoie un messager, veillez et pour vous et pour nous à ce qu'il soit toujours tenu fortement par les clés et les chaînes de Pierre. Et si par hasard il était absous et retournait à son vomissement, comme cela est déjà arrivé, qu'il soit emprisonné sur le champ par ces mêmes clés, attaché par ces mêmes chaînes ; et que cela soit révélé à toutes les Églises par une lettre de vous. Ainsi en effet vous briserez les dents des rongeurs et donnerez satisfaction à la justice. Et s'il arrivait que Dieu éclaire son cœur vers la pénitence, souvenez-vous de nous qui avons supporté le poids du jour et de la chaleur pour que, de même que nous avons participé à la tribulation, nous participions aussi à la consolation. Adieu.