« yves-de-chartres-99 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Galon, prévôt de Saint-Quentin (futur évêque de Paris)

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    après 1090 - avant 1099


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, dilecto in Christo fratri et compresbytero Gualoni(1)(a), salutem in Domino.

    Sciscitata est a me dilectio tua utrum pueri sex(b) annorum vel infra possint inter se sponsalium(c) vel matrimonii contrahere sacramenta ; et, celebratis sponsalibus, si alter obierit, utrum possit superstes cum sorore vel cum fratre defuncti inire matrimonium cum quo prius inierat desponsationis vinculum(2). Et de matrimonio quidem, si legem naturalem consulimus et verba Domini diligenter attendimus ubi dicit(3) : « Propter hoc relinquet homo patrem et matrem et adhaerebit uxori suae et erunt duo in carne una », respondere incunctanter possumus quia tunc primum initur legitimum matrimonium cum conjuges per commixtionem carnis reddere sibi invicem possunt conjugii debitum. Si autem ante annos pubertatis, ratione dilatandae vel conservandae pacis inter aliquos, talia sacramenta celebrantur, si inter eas personas fiat inter quas lex id fieri non prohibet et ex amborum consensu, non reprehendimus quia, sicut dicit papa Nicolaus(4) : « Matrimonium facit consensus, non coitus. » Unde etiam in libro Pandectarum continetur, libro XXIII titulo I(5)(d) : « In sponsalibus consensus eorum exigendus est quorum in nuptiis desideratur. Et ideo sicut nuptiis ita sponsalibus filiam familias consentire oportet. » Et in consequentibus(6) : « Filiofamilias dissentiente, sponsalia ejus nomine fieri non possunt. »

    Qua autem aetate ista fieri debeant, nec ecclesiasticis, nec humanis legibus pleniter est diffinitum. Unde in supradicto continetur libro(7) : « In sponsalibus contrahendis aetas contrahentium diffinita non est ut in matrimoniis ; quapropter a primordio aetatis sponsalia effici possunt, si modo id fieri ab utraque persona intelligatur, id est si non sint minores quam septem annis. » Postquam vero sponsalia utriusque personae consensu contracta sunt, conjugii nomen acceperunt. Unde dicit Ambrosius Ad virginitatis exhortationem, libro primo(8) : « Desponsata viro, conjugis nomen accipit. Cum initiatur conjugium, tunc conjugii nomen assumitur. Non enim defloratio virginitatis facit conjugium, sed pactio conjugalis. » Item Isidorus Ethymologiarum libro IX(9)(e) : « Conjuges verius appellantur a prima desponsationis fide, quamvis adhuc ignoretur conjugalis concubitus. » Inde etiam Augustinus in libro De nuptiis et concupiscentia(10) : « Neque fallaciter ab angelo dictum est ad Joseph(11) : “Noli timere accipere Mariam conjugem tuam”. Conjux vocatur a prima desponsationis fide, quam concubitu nec cognoverat nec cogniturus erat. »

    His igitur auctoritatibus manifestum est quia, postquam per desponsationis foedus inter duas personas ex majori parte fuerit conjugium ex utrorumque voluntate compactum, non poterit(f) ulterius frater fratris uxorem ducere nec soror sororis marito nubere. Unde legitur in concilio Triburiensi(g), capitulo X(12) : « Decretum est ut, quamvis mulier nupta esse non potuerit legitimo viro, desponsatam tamen fratri frater habere non possit. » Haec tibi interim, charissime(h), ad interrogata sufficiant. Ex his enim quasi rationum scintillis poteris majora colligere et quibus necesse fuerit de propositis satisfacere. Vale.


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    Galoni T 

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    sex M éd., septem A, VII T 

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    sponsaliorum JT, sponsalicorum M 

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    primo MJT 

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    VIII J 

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    potest éd

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    Tribuliensi J, Bituricensi MT 

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    frater charissime JT.


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    Voir lettres 17, 102.

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    Voir lettre 246.

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    Gen. 2, 24.

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    Nicolas, ep. ad Hincmarum, ad consulta Bulgarorum (866, Mansi XV, 403), c. 3, citant Jean Chrysostome (pseudo-Chrysostome), Opus imperfectum in Matthaeum, homélie 32 ou 33. Yves, Décret 8, 17 ; Panormie 6, 107 (Gratien, 27, 2, 2). Voir aussi lettres 134, 148, 161, 242, 243. B. Basdevant-Gaudemet, « Le mariage d'après la correspondance d'Yves de Chartres », Revue historique de droit français et étranger, t. 61, 1983, p. 206.

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    Digeste, 23, 1, 7 et 11. Yves, Décret 8, 20-21 ; Panormie 6, 11-12.

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    Digeste, 23, 1, 13. Yves, Décret 8, 21 fin ; Panormie 6, 12 fin. Voir aussi lettre 134.

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    Digeste, 23, 1, 14. Yves, Décret 8, 22 ; Panormie 6, 13.

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    Ambroise, De institutione virginum, c. 6, PL 16, col. 316. Yves, Décret 8, 2 ; Panormie 6, 14 (Gratien, 27, 2, 5). Voir aussi, sur le même sujet et avec les mêmes citations, lettres 148, 161 et 246.

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    Isidore, Étymologies, l. 9, c. 7. Yves, Décret 8, 3 ; Panormie 6, 15 (Gratien, 27, 2, 6).

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    Augustin, De nuptiis et concupiscentia, l. 1, c. 11,Bibliothèque augustinienne, 23, p. 78. Yves, Décret 8, 14 ; Panormie 6, 16 (Gratien, 27, 2, 9). Voir lettres 122, 125.

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    Matth. 1, 20.

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    Concile de Tribur (888 ou 895), c. 10 et 41. Burchard de Worms, Décret 17, 49. Yves, Décret 9, 100 (Gratien, 27, 2, 11 et 31).


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    a. Avranches, BM 243, 60rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 40rv


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    T. Troyes, BM 1924, 65rv



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à son cher frère et collègue dans la prêtrise, Galon, salut dans le Seigneur.

    Ta dilection s'est enquise auprès de moi pour savoir si des enfants de six ans ou de moins pouvaient contracter entre eux des sacrements de fiançailles ou de mariage ; et, une fois célébrées les fiançailles, au cas où l'un mourrait, si le survivant pouvait se marier avec la sœur ou avec le frère du défunt avec lequel il avait d'abord conclu le lien des fiançailles. Et assurément pour ce qui est du mariage, si nous consultons la loi naturelle et accordons la plus grande attention aux paroles du Seigneur quand il dit : « Pour cela l'homme quittera son père et sa mère et s'attachera à son épouse et ils seront deux en une seule chair », nous pouvons répondre sans hésitation que se conclut un mariage légitime dès que les conjoints peuvent par une union charnelle se rendre mutuellement les devoirs conjugaux. Or, si de tels sacrements sont célébrés avant les années de puberté, pour la raison qu'il faut étendre ou maintenir la paix entre certains, si cela se fait entre des personnes entre lesquelles la loi n'interdit pas que cela se fasse et du consentement des deux, nous ne le condamnons pas, parce que, comme le dit le pape Nicolas : « C'est le consententement qui fait le mariage, non la copulation. » Et il est également dit dans le livre des Pandectes, au livre 23, titre 1 : « Dans les fiançailles est exigé le consentement de ceux de qui il est exigé dans le mariage. Et c'est pourquoi il faut que la fille de famille consente aux fiançailles tout comme au mariage. » Et plus loin : « Devant le désaccord du fils de famille, des fiançailles ne peuvent se faire en son nom. »

    Mais à quel âge celles-ci doivent se faire, ce n'est pas défini précisément ni dans les lois ecclésiastiques ni dans les lois humaines. Aussi dans le livre précédent est-il écrit : « Pour contracter des fiançailles, l'âge des contractants n'a pas été défini comme dans les mariages, c'est pourquoi les fiançailles peuvent se faire dès le plus jeune âge, à condition seulement que chacun des contractants comprenne ce qui se fait, c'est-à-dire s'ils n'ont pas moins de sept ans. » Et après que les fiançailles ont été contractées avec l'accord des deux personnes, ils ont reçu le nom d'époux. Aussi Ambroise dit-il au livre premier de L'exhortation à la virginité : « Fiancée à un homme, elle reçoit le nom d'épouse. Quand commence le mariage, alors se prend le nom d'époux. Car ce n'est pas la défloration de la virginité qui fait le mariage, mais le pacte conjugal. » Également Isidore, au livre IX des Étymologies : « On les appelle vraiment époux dès la première promesse de fiançailles, bien que soit encore ignorée la cohabitation conjugale. » Aussi Augustin, dans le livre Du mariage et du désir : « Ce n'est pas fallacieusement qu'il a été dit par l'Ange à Joseph : “Ne crains pas de prendre Marie pour ton épouse.” Elle est appelée épouse dès la première promesse de fiançailles, elle qui n'avait pas connu la cohabitation et n'était pas destinée à la connaître. »

    Donc, selon ces autorités, après que par un pacte de fiançailles entre deux personnes, le mariage aura été en grande partie contracté par la volonté des deux, il est manifeste qu'un frère ne peut ensuite épouser la femme du frère et une sœur se marier avec le mari de la sœur. Aussi lit-on dans le concile de Tribur, au chapitre 10 : « Il a été décrété que, même si une femme n'a pas pu être mariée à son mari légitime, un frère ne peut pas posséder celle qui a été fiancée à son frère. » Très cher, que pour le moment ces mots te suffisent pour répondre à tes questions. En effet, à partir de ces sortes d'étincelles d'arguments, tu pourras en rassembler davantage et satisfaire sur ce sujet ceux à qui ce sera nécessaire. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21036 (yves-de-chartres-99), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21036 (mise à jour : 21/09/2017).