« yves-de-chartres-6 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Gérard

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia, quamvis indignus Carnotensium episcopus, Girardo(1)(a) dilecto sibi in Christo, salutem.

    Apices(2) tuae charitatis in me nuntios per praesentium latorem nuper accepi, quibus quae mihi pax apud vicinos, quae gratia apud principes diligenter inquisisti. Instrumentum etiam nivei candoris ad ordinandos capillos in idipsum charitatis signum transmisisti(3). Quod cum mihi placeat in suo genere quantum hujusmodi placere debent propter exteriorem pulchritudinem, vehementius tamen placet propter pulchri sacramenti interiorem celsitudinem. Nam cum in capillis inordinati mores, vel inordinati populi quadam comparatione possint intelligi, credo prudentiam tuam munusculo hoc quasi quodam monitorio vigilantiam meam excitare, ut studeam inordinatos populorum mores diversis exhortationum modis componere atque habito discretionis moderamine ad debitum ordinem revocare. Quid vero ipso instrumenti decore, quod longa lima et longa politura ad hunc candorem perductum est, significare videris, nisi ut « castigem corpus meum et in servitutem redigam, ne forte, cum aliis praedicaverim, ipse reprobus » fiam(4) ?

    Rogo itaque te, per ipsa charitatis viscera quae visitare me dignata est quo modo voluit aut valuit fraternitas tua, ut, quomodo(b) praedictis benevolentiae signis cogis nos habere memoriam tui frequentem, sic in orationibus tuis habeas frequentem memoriam nostri. Vestrae enim orationes quanto quietiores(5), tanto saniores. Nostrae vero etsi non sauciae, tamen propter instantes necessitudines et saecularium negotiorum tumultus, saepe sunt perturbatae. Perturbationis vero meae causas, etsi non nosti per experientiam, nosti tamen per scientiam. Nam qui in modico flumine ad regendam modicam navem prius nulla ratione praevalebam, quomodo nunc quasi de portu tranquillitatis eductus et in altitudinem maris deductus ad regendam tam ponderosam tamque naufragosam navem sufficiam ? Quod si meruissem praesentiam tuam, sicut Lugduni te rogaveram, per prudentiam consilii tui et per gratiam quam habes in oculis civium nostrorum, multa perfecisset divina clementia quae attingere nondum audet imbecillitas mea. Itaque pulsando insto, instando pulso ut, quaesita opportunitate, nos tuae visitationis consolatione laetifices, quod et saluti multorum proderit, et proposito tuae sanctitatis non oberit. Prospera autem nostra et adversa de quibus quaesisti, sic modificat medicinalis Dei sapientia ut nec frangi permittat adversitate, neque extolli prosperitate, quatenus dicere possimus cum Apostolo(6) : «  Fidelis Deus, qui non permittit nos tentari supra id quod possumus sustinere ». Pauci tamen calcaneum meum observant(7), sed, Deo miserante, plures sunt qui matutini exitus et vesperae laetificari(8) desiderant. Paedagogus(9) ille ab officio pastoris et nomine procul pulsus, jam non habet unde lac et lanas ovium perditarum diripiat, praeterquam quod in Normannia praeposituram quamdam Ecclesiae nostrae, auxilio insulsi comitis terrae illius, sibi usurpat et devastat(10). Vale.


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    Gerardo éd. L, Geraldo al

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    quemadmodum éd. Ju


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    L'identification est quasi impossible. J. Leclercq propose, à la suite de L. Merlet, le prévôt des chanoines de Ham, au diocèse de Noyon ; ou bien l'archidiacre de Troyes, futur abbé des Augustins de Saint-Loup. Il s'agit d'un proche d'Yves, bien au fait de la situation du diocèse de Chartres.

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    Remarquer l'emploi de ce terme au lieu des simples epistola ou litterae.

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    Ce peigne liturgique est sans doute en ivoire. Sur la symbolique de cet objet, H. Leclercq, Dictionnaire d'archéologie chrétienne et de liturgie, 13, 2932. Un objet de ce genre est conservé au musée de la cathédrale de Sens. Les cadeaux liturgiques entre ecclésiastiques sont fréquents : Lambert d'Arras envoie des gants et un manuterge, Registre, éd. citée, E. 97, le patriarche Ébremar lui envoie des reliques, E. 76 etc.

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    I Cor. 9, 27.

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    La quies est un des éléments nécessaires à la vie monastique, ce qui confirme que Gérard est un clerc régulier.

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    I Cor. 10, 13.

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    D'après Ps. 55, 7 où l'expression est aussi prise en mauvaise part.

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    D'après Ps. 64, 9.Cette phrase sert d'adresse à la lettre 171.

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    L'évêque destitué Geoffroy, voir lettre 1. Même emploi péjoratif du terme lettres 87, 98.

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    Voir la liste des possessions normandes dans le Cartulaire de Notre-Dame de Chartres, t. 1, p. 12, n. 2 et ch. 12 (1014-1017, 21 septembre), p. 85-86. Le duc de Normandie est Robert Courteheuse, 1087-1106/1134 ; voir aussi lettres 28, 143. Gilduin Davy, Le duc et la loi, Paris, 2004, passim.


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    a. Avranches, BM 243, 10v-11v


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 5v-6


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    T. Troyes, BM 1924, 60v-61


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    L. Lettres de saint Ives évêque de Chartres traduites et annotées par L. Merlet, Chartres, 1885,


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    Ju. PL CLXII, col. 11-504, d'après Fr. Juret, Ivonis, Carnotensis episcopi, epistolae, 1585,



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    Yves, par la grâce de Dieu évêque des Chartrains malgré son indignité, à Gérard qui lui est cher dans le Christ, salut.

    Je viens de recevoir par le porteur des présentes la missive messagère de ta charité à mon égard, dans laquelle tu demandais précisément quelle paix j'avais avec mes voisins, quelle grâce auprès des princes. Tu m'as aussi envoyé, en signe même de cette charité, un objet d'une blancheur de neige pour mettre en ordre les cheveux. Bien qu'il me plaise en son genre autant que doivent plaire de tels objets pour leur beauté extérieure, il me plaît cependant bien davantage pour l'élévation intérieure de son beau symbole. Car, puisque l'on peut par une sorte de comparaison voir dans les cheveux le désordre des mœurs ou le désordre du peuple, je crois que ta prudence, comme par une sorte d'avertissement, éveille par ce petit cadeau ma vigilance pour que je m'applique à redresser les mœurs désordonnées des peuples par diverses formes d'exhortations et, tout en gardant la modération du discernement, que je les ramène à l'ordre qui est dû. Par la beauté même de cet objet, qui par un long limage et un long polissage en est arrivé à cette blancheur, que te voit-on signifier sinon que « je châtie mon corps et le réduise en esclavage de peur qu'après avoir prêché aux autres je ne devienne moi-même réprouvé » ?

    C'est pourquoi, par les sentiments mêmes de la charité dont ta fraternité a jugé bon de me visiter de la manière qu'elle a voulu ou qu'elle a pu, de même que tu nous forces par lesdits signes de ta bienveillance à avoir fréquent souvenir de toi, je te demande d'avoir ainsi fréquent souvenir de nous dans tes prières. Car vos prières, plus elles sont paisibles, plus elles sont saines. Mais les nôtres, même si elles ne sont pas blessées, sont cependant souvent troublées à cause des nécessités pressantes et des agitations des affaires du siècle. Et les raisons de mon trouble, même si tu ne les connais pas par l'expérience, tu les connais toutefois par le savoir. Car moi qui auparavant n'étais nullement capable de diriger un modeste navire sur un modeste fleuve, comment maintenant, comme tiré du port de la tranquillité et entraîné vers la haute mer, aurai-je la force de diriger un navire si pesant et si enclin au naufrage ? Et si j'avais mérité ta présence, comme je te l'avais demandé à Lyon, par la prudence de ton conseil et la faveur que tu as aux yeux de nos concitoyens, la clémence divine aurait accompli beaucoup de choses que ma faiblesse n'ose pas encore aborder. C'est pourquoi en frappant j'insiste et en insistant je frappe pour qu'en cherchant l'occasion tu nous réjouisses de la consolation de ta visite, ce qui sera utile au salut de beaucoup et ne nuira pas à ton propos de sainteté. Quant à nos succès et nos échecs dont tu t'es informé, la sagesse salutaire de Dieu en dispose de manière à nous permettre de ne pas être brisé par l'adversité et de ne pas nous enorgueillir des succès, pour pouvoir dire avec l'Apôtre : « Dieu fidèle, qui ne permet pas que nous soyons tentés au-delà de ce que nous pouvons supporter. » Quelques-uns cependant épient mes traces, mais, par la miséricorde de Dieu, il y en a beaucoup qui désirent réjouir les portes du matin et du soir. Ce pédagogue chassé bien loin de l'office et du nom de pasteur n'a plus de quoi ravir le lait et la laine des brebis perdues, hormis le fait qu'en Normandie il usurpe pour lui et dévaste une prévôté de notre église avec l'aide du comte insensé de cette terre. Adieu

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Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 20943 (yves-de-chartres-6), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/20943 (mise à jour : 29/06/2018).