Description
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Yves, évêque de Chartres
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Conon, évêque de Préneste (Palestrina)
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circa 1114
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[1114]
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Lettre
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Cononi, Dei gratia Praenestino episcopo et sanctae sedis apostolicae legato(1), Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, obedientiam et salutem.
Sicut visito praesentiam vestram per legatum et litteras, sic visitarem in propria persona, nisi adhuc me(a) detineret ex(b) longa infirmitate contracta debilitas. In primis itaque suggero simpliciter incedenti(c) vestrae sollicitudini ut non credatis omni spiritui(2). Suasit enim vobis Hugo, filius Gervasii(3), propter violatam pacem se esse injuste excommunicatum et terrae patris sui injuste divinum officium esse interdictum, quia dicit ea die qua vocatus erat ad justitiam se a domino rege suo fuisse detentum. Quae excusatio adversus pacem violatam apud nos nullius momenti est, quia rex et princeps(4)(d) hanc licentiam dederunt militibus suis, ut absolutam fidelitatem jurarent paci et justitiis pacis, infra septem dies quibus moniti essent se venturos ad justitiam, nisi eos detineret aut proprii corporis invaletudo aut propriae personae violenta detentio, nec rege excepto nec domino. Unde, si praetaxatum Hugonem sine satisfactione absolverem, haberent me parrochiani mei sicut ethnicum et publicanum(5) et ille cujus bona diripuit usque ad novissimum quadrantem(6) totum quod amisit a me repeteret et de me et de meis quam gravius posset talionem exigeret.
De caetero supplico sanctae sollicitudini vestrae ut, ad terminandam causam quam tertio kalendas septembris inter me et abbatem Majoris Monasterii statuistis(7), latus vestrum muniatis prudentibus et religiosis personis, quae nec falli quaerant nec fallere, nec pretio vinci nec precibus. In hoc enim monachi confidunt quod multis multa et magna promittunt. Ut autem hujus rei noveritis veritatem, breviter vobis aperiam, latius vobis dicturus vel scripturus si Deus dederit opportunitatem. Haec enim ecclesia, in municipio quod Curvavilla(8) dicitur sita, a fundatore suo in honore sancti Nicholai canonico ordini fuit deputata(9) et haec praedicti fundatoris devotio episcopali auctoritate et anathematis severitate roborata. Defuncto autem fundatore, successor ejus, nomine Jerogius(10), ascivit quosdam monachos caementarios, quorum monasterio promisit se daturum praedictam ecclesiam, si muro munirent praetaxatum municipium. Quod audientes monachi Majoris Monasterii, qui in vicina quadam cella morabantur(11), nolentes habere(e) alterius monasterii monachos sibi vicinos, inconsulta Carnotensi Ecclesia cujus juris est praetaxata ecclesia, non tantum canonicali jure, sed etiam parochiali, acceptis a Jerogio duabus praebendis, ecclesiam illam contradicentibus canonicis(f) loci illius invaserunt ; nec tamen communionem canonicorum, nisi quorumdam assentatorum habere potuerunt. Unde quidam ex illis religiosus et litteratus nomine Robertus, cum quibusdam aliis domnum Hugonem, Diensem episcopum(12), adiit qui tunc erat sedis apostolicae legatus, et in auribus ejus privatim et publice clamorem de hac invasione ventilavit ; qui acceptis litteris a legato domum rediens, praedictis monachis praedictae ecclesiae invasionem per has litteras interdixit. Illi vero infra terminum praescriptum ecclesiam dimiserunt et de caetero per triginta et duos annos(13) aut eo amplius absque synodali reclamatione quietam reliquerunt.
Nunc vero cum ordinem canonicum non dissipare, sed in melius in ipsa ecclesia consensu clericorum studerem promovere, monachi daemoniaca invidia moti voluerunt(g) in alienam messem falcem mittere(14) et me episcopali jure privare(h). Quod vero dicunt hanc ecclesiam(i) ab antecessore meo(15)(j) eis fuisse concessam ; quidquid dicant Carnotensis Ecclesia, cujus membrum ipsa est, ignoravit, et quod ibi invaserunt, illo minime reclamante vel adjuvante, amiserunt. Haec(k) breviter scripsi ut ad defendendam veritatem arctius vos accingatis et clericalis ordinis in quo estis(16), quantum potestis, ruinas relevetis. Valete.
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om. A
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de A
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incendenti ms perdu de Chartres d'après la traduction de Merlet, vestrae sollicitudini om. T
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principes M
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om. T
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voluerunt éd., om. A
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privare conati sunt A
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epistolam T
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antecessoribus meis T
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Hoc T.
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. clericis éd.
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Conon, co-fondateur puis abbé du monastère d'Arrouaise (1097-1107) cardinal de Préneste de 1107 à sa mort le 9 août 1122. Il fut légat en France en 1114. Il présida le concile de Beauvais le 6 décembre 1114, voir lettre 253. Ses lettres sont éditées dans
PL163, col. 1431-1440.DHGE, 13, 461-471. Th. Schieffer,Die päpstlichen Legaten, p. 199-200. G. Schoene,Kardinal-legat Kuno, bischof von Präneste, Weimar, 1857. A. Fliche,La réforme grégorienne,Histoire de l'Église, t. 8, p. 405.
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I Joh. 4, 1.
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Voir lettre 261. D'après L. Merlet il avait ravagé, au mépris de la paix de Dieu, les territoires d'Islou, de Dampierre-sur-Avre et de Saint-Lubin-des-Joncherets (arr. Dreux, Eure-et-Loir), mais ces noms n'apparaisent pas dans le cartulaire de Notre-Dame de Chartres. Sur la paix de Dieu et sa violation, voir lettres 86, 90.
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Philippe I
eret Louis VI, ce qui ferait dater la permission en question d'avant 1108.
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Matth. 18, 17.
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D'après Matth. 5, 26,
donec reddas novissimum quadrantem.
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L'abbé est Guillaume, voir lettre 197. Sur la suite de l'affaire, voir lettres 267 et 268.
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Courville, voir lettre 168.
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Yves I
erde Courville vivait vers 1060. Dans la charte 15 duCartulaire de Saint-Jean-en-Vallée, p. 10, datée de 1115, l'évêque Yves confirme la restitution de l'église de Saint-Nicolas aux frères de Saint-Jean. Sur Saint-Nicolas, voir aussiCartulaire de Saint-Père, ch. 163, 1131, p. 374-377.
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Giroie, fils aîné d'Yves I
eret frère de Roscelin, moine à Saint-Père de Chartres. Prétextant le laxisme qui régnait chez les chanoines, il fit don de l'église Saint-Nicolas vers 1082 à l'abbaye de Marmoutier.Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois, chartes 138 et 139, p. 127-130, 1077-1084. Sur les dons de la famille de Courville à Saint-Père,Cartulaire de Saint-Père, ch. 43, mars 1094, ch. 46, 1101-1129, t. 2, p. 499, 502. Sur Giroie et cette lettre, A. Chédeville,Chartres et ses campagnes, p. 275, n. 170. Il propose de comprendremunicipiumcomme le château plutôt que l'agglomération.
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Certainement le prieuré de Chuisnes, à côté de Courville, fondé et donné à Marmoutier par Yves I
erde Courville, d'après la charte 109, 1048-1061,Cartulaire de Marmoutier pour le Dunois, p. 100-101.
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Hugues devint évêque de Die en octobre 1073 et fut nommé légat par Grégoire VII en 1074. Cette affaire est antérieure à 1082, date où il devint archevêque de Lyon. Elle fut jugée au concile d'Issoudun du 18 mars 1081, comme on l'apprend lettre 268. O. Pontal,
Les conciles, p. 185, n'en parle pas. Voir aussi lettre 274.
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Prescription trentenaire, voir 77.
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Métaphore biblique, voir lettre 120.
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Geoffroy I
er, déposé par Urbain II en 1089 pour simonie. Voir lettres 1, 2, 8.
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Même rivalité clercs/moines lettre 36. Saint-Nicolas d'Arrouaise suivait la règle de saint Augustin. Monumenta Arroasiensia, B.-M. Tock et L. Milis éd., Turnhout, 2000 (
Corpus ChristianorumContinuatio Mediaevalis, 175).
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a. Avranches, BM 243, 134v-135v
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 96v-97
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T. Troyes, BM 1924, 128v-129v
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À Conon, par la grâce de Dieu évêque de Préneste et légat du saint siège apostolique, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, obéissance et salut.
De même que je me rends en votre présence par l'intermédiaire d'un envoyé et d'une lettre, de même je m'y serais rendu personnellement si la faiblesse contractée à la suite d'une longue maladie ne me retenait encore. C'est pourquoi, avant tout, je suggère simplement à votre sollicitude qui vient d'arriver de ne pas croire tout esprit. Car Hugues, fils de Gervais, vous a persuadé qu'il avait été injustement excommunié pour avoir violé la paix et que l'office divin avait été injustement interdit sur la terre de son père, parce qu'il dit que le jour où il avait été convoqué en justice il avait été retenu par le roi son seigneur. Cette excuse concernant la violation de la paix n'est d'aucune valeur pour nous, parce que le roi et le prince ont accordé à leurs chevaliers, pour qu'ils jurent une fidélité absolue à la paix et aux justices de paix, cette permission de venir en justice dans les sept jours après qu'ils auraient été cités, à moins qu'ils ne soient retenus soit par une invalidité de leur propre corps soit par un emprisonnement violent de leur propre personne, sans excepter ni le roi ni le seigneur. C'est pourquoi, si j'absolvais ledit Hugues sans qu'il ait fait satisfaction, mes paroissiens me tiendraient pour un gentil et un publicain et celui dont il a saccagé les biens me réclamerait jusqu'au tout dernier sou tout ce qu'il a perdu et exigerait de moi et des miens le talion le plus sévèrement qu'il pourrait.
Par ailleurs, pour régler entre moi et l'abbé de Marmoutier la cause que vous avez fixée au troisième jour des calendes de septembre, je supplie votre sollicitude de fortifier votre côté avec des personnes prudentes et religieuses qui ne désirent ni être trompées ni tromper et n'être fléchies ni par l'argent ni par les prières. Car les moines ont grande confiance dans le fait qu'il promettent à beaucoup beaucoup de choses d'importance. Or pour que vous connaissiez la vérité sur cette affaire, je vais vous la découvrir rapidement, prêt à vous en dire ou à vous en écrire davantage si Dieu m'en donne l'opportunité. Cette église en effet, située dans le municipe nommé Courville, a été destinée à l'ordre canonial par son fondateur en l'honneur de saint Nicolas et ce vœu dudit fondateur a été confirmé par l'autorité épiscopale et par la sévérité de l'anathème. Or, le donateur étant mort, son successeur, nommé Géroie, s'attacha des moines maçons, au monastère de qui il promit de donner ladite église s'ils fortifiaient ledit municipe d'une muraille. En l'apprenant, les moines de Marmoutier, qui demeuraient dans une cella voisine, ne voulant pas avoir dans leur voisinage des moines d'un autre monastère, sans consulter l'Église de Chartres du droit de qui dépendait ladite église, non seulement de droit canonial, mais aussi de droit paroissial, puisqu'elle avait reçu de Géroie deux prébendes, s'emparèrent de cette église malgré l'opposition des clercs de ce lieu ; cependant ils ne purent obtenir le soutien des chanoines, à l'exception de quelques partisans. C'est pourquoi l'un d'entre eux, religieux et lettré du nom de Robert, se rendit avec quelques autres auprès du seigneur Hugues, évêque de Die, qui était alors légat du siège apostolique, et ils répandirent à ses oreilles en privé et en public leurs plaintes à propos de cette usurpation ; et lui, de retour à la maison après avoir reçu des lettres du légat, interdit par ces lettres auxdits moines l'usurpation de ladite église. Et ceux-ci abandonnèrent l'église au terme prescrit et ensuite pendant trente-deux ans ou plus ils la laissèrent en paix sans réclamation devant un synode.
Mais maintenant, comme je m'appliquais, en accord avec les clercs, non pas à détruire l'ordre canonial mais à le restaurer dans cette église, les moines, mus par une jalousie diabolique, voulurent lancer la faux dans la moisson d'autrui et me priver du droit épiscopal. Ils disent que cette église leur a été donnée par mon prédécesseur ; et quoi qu'ils disent, l'Église de Chartres, dont cette même église est membre, l'a ignoré et ils ont perdu ce qu'ils avaient usurpé sans que l'évêque fasse la moindre protestation ou apporte le moindre soutien. Je vous ai écrit brièvement ceci pour que vous soyez plus armé pour la défense de la vérité et que vous releviez, autant que vous le pouvez, les ruines de l'ordre des clercs auquel vous appartenez. Adieu.