« yves-de-chartres-264 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Louis 6, roi de France

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    après 1114/01 - avant 1114/06/12


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    [1114, av. 12 juin]

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    Lettre

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    Ludovico(1), Dei gratia serenissimo et dulcissimo regi Francorum, domino suo, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, in eo regnare cujus regnum est sine fine(2).

    Quoniam regiam sublimitatem libram convenit tenere pietatis et justitiae, sic oportet condiri justitiam ex pietate ut nec indiscreta pietas in subditis nutriat insolentiam nec nimius(a) justitiae rigor opprimat innocentiam. Sic(b) enim constat antiquorum regum floruisse et viguisse potentiam ut aliquando peccata humilium subditorum(c) dissimularent, aliquando tanquam filiorum ferula corrigerent ; contumaces vero et(d) erectos districta animadversione punirent, quatenus poena redderet subjectos quos impunitas et patientia faciebat erectos.

    Quibus praelibatis, supplico excellentiae vestrae, flexis genibus cordis, ut in hoc appareat me obtinere gratiam in oculis regiae majestatis, quatenus pro Dei amore et nostro ita et(e) clerum et populum Belvacensem(3), pro temeritate interfecti hominis, tractare studeatis ut et innocentia non gravetur et temeritas incauta per subreptionem diabolicam concitata non superbientium ultione feriatur, sed poenitentium virga corrigatur. Non enim decet, sicut dictum est(f), regiam moderationem(g) aequo modo tractare(h) subjectos et erectos(i), ne sub specie correptionis subrepat furor crudelitatis et immoderatus terror dispergat in omnem ventum(4) populum hactenus dilectum, a quo potest regia majestas, prae caeteris urbibus Galliarum, honestum habere servitium. Quod si in hoc non acquiescit consilio meo et precibus meis vestra sublimitas, hoc saltem a majestate vestra impetrare satagit humilitas mea ut consilium vestrum communicetis ecclesiasticis et honestis personis, quae absque malevolentia et amore ultionis velint et valeant sanum dare vobis consilium, non ad dispergendum et(j) conterendum populum, quod crudelitati ascribatur et post tempus factum vestrum poenitentia comitetur. Si qua vero adversus decanum vel clerum vobis est controversia, moneo et consulo ut unamquamque personam juxta ordinem suum examinari faciatis et(k) sub judicibus ecclesiasticis causam cujusque terminetis(5). Ita enim regia majestas in nullo minuetur et cuique personae suum jus conservabitur. De divino autem servitio a quo mater Belvacensis Ecclesia suspensa est(6), consilium sanum mihi minime videtur, quia iste rigor alibi minime servandus est, nisi ubi culpa sacrilegii vel violatae pacis aliter vindicari non potest. Valete.


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    ut T.


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    Lettre éditée et datée par J. Dufour, Actes de Louis VI, t. 2, p. 454-455. Les notes qui suivent en sont tirées. D'après A. Luchaire, suivi par J. Dufour, il n'est pas question dans cette lettre d'évêque de Beauvais ; on pourrait donc la dater de la vacance du siège, entre la mort de Geoffroy, 2 décembre 1113, et l'élection de Pierre de Dammartin, le 12 juin 1114. Cette vacance expliquerait pourquoi Yves se préoccupe de l'affaire. Mais il a toujours suivi de très près les affaires de Beauvais, voir entre autres lettre 257.

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    D'après cujus regni non erit finis du Credo.

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    Sur ces troubles, voir lettres 137 et 263. La cause des troubles pourrait être, suggère L.-H. Labande, Histoire de Beauvais et de ses institutions communales jusqu'au commencement du XVe siècle, Paris, 1892, réimpr. 1978, p. 59, le meurtre du chevalier Renaud, commis à l'instigation d'un chanoine (allusion à cet acte dans Guibert de Nogent, Autobiographie, éd. citée, p. 152). Voir aussi A. Luchaire, Louis VI le Gros, annales de sa vie et de son règne..., Paris, 1890, n° 174, p. 88. Le roi aurait alors instruit un procès contre les chanoines, avec les conséquences développées dans cette lettre et la précédente. Cette interprétation n'est pas suivie par J.F. Benton, Self and society in medieval France. The memoirs of abbot Guibert of Nogent, New-York, 1970, p. 95, n. 1, parce que les lettres ne fournissent aucune précision. Mais il me semble que l'allusion au meurtre est amplement suffisante pour justifier l'interprétation de L.-H. Labande.

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    Dispergas eos in omnem ventum, Jer. 49, 22.

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    Ce qui est la procédure normale.

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    Voir lettres 263 et 266.


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    a. Avranches, BM 243, 134rv


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 96rv


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    T. Troyes, BM 1924, 39rv



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    À Louis, par la grâce de Dieu sérénissime et très aimé roi des Francs, son seigneur, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, régner en celui dont le règne est sans fin.

    Puisqu'il convient à la sublimité royale de tenir la balance de piété et de justice, il faut que la justice soit fondée sur la piété de manière à éviter qu'une piété sans discernement ne nourrisse l'insolence chez les sujets et que trop de rigueur dans la justice n'opprime l'innocence. Car il est établi que le pouvoir des rois antiques a fleuri et s'est fortifié du fait que parfois ils dissimulaient les fautes de leurs humbles sujets, que parfois ils les corrigeaient comme avec la férule destinée à des fils ; mais qu'ils châtiaient aussi d'une punition stricte les rebelles et les orgueilleux, pour que le châtiment ramène à la soumission ceux que l'impunité et la patience avaient soulevés d'orgueil.

    Ceci rappelé, je supplie votre excellence, les genoux du cœur fléchis, qu'il soit manifeste que j'obtiens grâce devant les yeux de la majesté royale en ceci : pour l'amour de Dieu et le nôtre, appliquez-vous à traiter le clergé et le peuple de Beauvais, pour l'action téméraire de cette mort d'homme, de manière à ce que d'une part l'innocence ne soit pas accablée et que d'autre part la témérité imprudente provoquée par la ruse diabolique ne soit pas frappée de la vengeance des superbes, mais corrigée de la verge des pénitents. Car il ne convient pas, comme il a été dit, que la modération royale traite de la même manière les hommes soumis et les orgueilleux, de peur que, sous couvert de correction, ne s'insinue la fureur de la cruauté et qu'une terreur immodérée ne disperse à tous vents un peuple jusque-là aimé, de qui la majesté royale peut recevoir un honnête service plus que de toutes les autres villes des Gaules. Si votre sublimité ne se rend pas à mon conseil et à mes prières sur ce point, qu'au moins mon humilité tâche d'obtenir de votre majesté que vous communiquiez votre dessein à des personnes religieuses et honorables qui, sans malveillance ni amour de la vengeance, veuillent et veillent à vous donner un conseil salutaire, non pour disperser et écraser le peuple, ce qui serait tenu pour de la cruauté et au bout d'un temps accompagnerait votre action de repentir. Mais si vous avez quelque différend contre le doyen et le clergé, je vous avertis et vous conseille de faire examiner chaque personne selon son ordre et de régler la cause de chacun devant des juges ecclésiastiques. Ainsi en effet la majesté royale ne sera en rien amoindrie et chaque personne conservera son droit. Quant à la suspension du service divin dont ma mère l'Église de Beauvais a été l'objet, ce ne me semble pas du tout une sage décision, parce que cette rigueur ne doit en aucun cas être observée, sauf quand le crime de sacrilège ou de violation de paix ne peut être puni autrement. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21202 (yves-de-chartres-264), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21202 (mise à jour : 21/09/2017).