« yves-de-chartres-262 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Pons, abbé de Cluny

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    après 1090 - avant 1116


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    n.c.

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    Lettre

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    Ivo, Dei gratia Carnatonensis Ecclesiae minister, Pontio, venerabili Cluniacensis monasterii abbati(1), salutem et dilectionem in Domino.

    Quaesivit a me, tanquam divinorum secretorum diligenti scrutatore, diligens dilectio vestra cur inter verba sacramentorum in consecratione Dominici calicis positum sit « mysterium fidei », cum Dominus inter mystica coenae verba dans discipulis corpus et sanguinem suum haec verba non posuerit, nec aliquis Evangelistarum evangelicis verbis a se dictatis haec interseruerit(2).

    Nunc ergo cur in canone haec verba posita sint videamus ; deinde utrum ab evangelistis praetermissa sint, vel alicubi aequipollenter admissa, manifeste considerare poterimus. Scandalizati sunt enim et adhuc scandalizantur multi infirmi(3) quomodo sub specie elementorum sumatur corpus et sanguis Christi, cum sensus humani nihil aliud renuntient nisi colorem et saporem panis et vini, propter quorum dubietatem positum esse credo in canone « mysterium fidei », tanquam dicatur : « Sacramenta quae vides in altari aestimanda sunt non specie, sed fide. Aliud enim(a) renuntiant oculi exterioris hominis, aliud tibi affirmant oculi mentis. » Sic cum Dominus dixisset discipulis suis aliquanto tempore antequam celebrasset novissimam Coenam cum apostolis(4) : « Nisi manducaveritis carnem Filii hominis et biberitis ejus sanguinem, non habebitis vitam in vobis », multi ex discipulis abierunt retro dicentes(5) : « Durus est hic sermo », putantes quod praeciperentur carnes ejus sumere aut elixas in lebetibus, aut assas in verubus(6) et sanguinem cruentum sorbere in calicibus. Dominus itaque, ne hic error offenderet omnes, alios qui remanserant his verbis instruxit qualiter intelligendum esset quod dixit(7) : « Verba quae locutus sum vobis spiritus et vita sunt », tanquam si diceret : « Verba quae locutus sum vobis spiritualiter intelligere intelligenda sunt(b). Cibus de quo loquor vobis non est esca ventris, sed cibus mentis. » Si haec verba Domini diligenter attendamus, « mysterium fidei », quod in consecratione calicis Domini positum est, eamdem sententiam continere videbimus, nec aliunde canoni inserta, nisi ex verbis dominicis assumpta, cognoscemus. De prima quaestione vestra respondi quod sentio, sine melioris sententiae praejudicio.

    De caetero, Melchisedech(8) commemoratum inter sacra mysteria non alium intelligo quam ipsum regem Salem, cujus sacerdotium commendat Apostolus(9) quia, antequam institutum fuisset leviticum sacerdotium, in oblatione panis et vini praemonstravit nobis novi sacerdotii formam, sicut in Abel sacrificio praefiguratam videmus innocentiam et in oblatione Abrahae commendatam videmus obedientiam(10) ; quorum omnium commemoratio ad hoc valere probatur ut, sicut praetaxati Patres Deo placuerunt per fidem futurorum, ita nos placere studeamus per fidem exhibitorum et ita una probetur esse fides Legis et Evangelii, umbrae et veritatis, licet aliis et aliis praesignata sint figuris, cum essent futura, manifestis comprobata documentis, cum essent praeterita. Possent haec latioribus verbis explicari, sed haec pauca sufficere videntur sapienti.

    Collectiones canonum quos a me postulatis et opuscula mea(11) quae his addi voluistis in monumentum dilectionis per domnum Ernaldum(12), modo monachum vestrum, olim clericum nostrum, transmisi vobis. Valete.


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    enim] tibi MA 

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    inelligere debetis éd.


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    Voir lettre 231, où Yves répondait déjà aux questions de Pons sur des sujets similaires.

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    La réponse d'Yves est largement inspirée du De corpore et sanguine Domini adversus Berengarium Turonensem liber de Lanfranc, PL 150, col. 407-442, en particulier c. 10-11. Les extraits cités par Yves sont dans Décret 2, 9.

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    Allusion aux répercussions de l'hérésie de Bérenger, voir lettre 287.

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    Joh. 6, 53.

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    Joh. 6, 60.

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    Depuis Nisi manducaveritis, emprunt à Lanfranc, c. 11. Voir lettre 287.

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    Joh. 6, 64.

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    L'argumentation de cette fin de lettre est très proche de celle de l'Opusculum de convenientia veteris et novi sacrificii d'Yves, édité par Fr. Juret sous le titre de sermo 5, PL 162, col. 535-562 ; en particulier col. 538-9, 550, 556- 557Voir aussi lettre 231.

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    Hebr. ch. 7.

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    Yves, Opusculum de convenientia, col. 557 : Et hanc veri sacrificii commemorationem postulat sacerdos ita Deo Patri fieri acceptam sicut accepta fuerunt munera Abel, Abrahae, Melchisedech, in quorum oblationibus initiata sunt novi sacerdotii sacramenta, nondum instituto Levitici ordinis sacerdotio. Quid per Abel figuratur nisi Christus, qui innocens a nocentibus occisus est? Quid per Abraham, nisi obedientia, qua Patri obediens fuit usque ad mortem? Quid item per Melchisedech, nisi idem Christus, panem et vinum in corpus suum commutans, et hunc novi sacerdotii ritum discipulis suis commendans ?

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    Je n'ai pas su trouver si un manuscrit canonique d'Yves provenant de Cluny aurait été conservé. Ch. Rolker fait remarquer que le pluriel ne prouve pas qu'Yves ait fait parvenir plusieurs collections et que le mea qui accompagne opuscula n'est pas forcément aussi le déterminant decollectiones, Canon law and the letters, p. 26 et n. 103-106. Sur les opuscula, ibid., p. 180, n. 66. R.E. Reynolds, « Ivonian opuscula on the ecclesiastical officers : study and edition », Studia Gratiana, 20, 1976, p. 311-322. Il faut mettre sous ce terme d'opuscula les six premiers textes édités par Fr. Juret sous le nom de Sermones, PL 162, col. 505-610 (sermons 1 à 6, col. 505-566).

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    Ernaud, ou Arnaud n'a cessé de changer de lieu, voir lettre 182. Dans cette lettre il est moine à Cluny ; un peu plus tard, en 1119-1120, d'après Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettre 166C, toujours appelé doyen, il était devenu moine à Saint-Père de Chartres.


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    a. Avranches, BM 243, 133v-134


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 96



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    Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Pons, vénérable abbé du monastère de Cluny, salut et dilection dans le Seigneur.

    Votre affection diligente m'a demandé, comme à un diligent observateur des secrets divins, pourquoi parmi les paroles sacramentelles, dans la consécration du calice du Seigneur, on a mis « mystère de la foi », alors que le Seigneur, donnant son corps et son sang à ses disciples, n'a pas mis ces mots parmi les mots mystiques de la Cène et qu'aucun Évangéliste ne les a insérés dans les mots évangéliques qu'il a prononcés.

    Voyons donc maintenant pourquoi ces mots ont été mis dans le canon ; ensuite nous pourrons considérer clairement s'ils ont été omis par les Évangélistes ou s'ils ont été remis quelque part de manière équivalente. En effet de nombreux esprits faibles ont été scandalisés et sont encore scandalisés de ce qu'on reçoive le corps et le sang du Christ sous l'aspect d'éléments, alors que les sens humains ne font rien saisir d'autre que la couleur et la saveur du pain et du vin, et je crois que c'est à cause de leur doute qu'a été mis dans le canon « mystère de la foi », comme si on disait : « Les sacrements que tu vois sur l'autel doivent être considérés non sous leur aspect, mais avec la foi. Car une chose est ce que les yeux de l'homme extérieur font saisir, autre chose ce que t'attestent les yeux de l'esprit ». Ainsi, alors que le Seigneur avait dit à ses disciples, quelque temps avant qu'il ne célèbre la toute dernière Cène avec les apôtres : « Si vous ne mangez pas la chair du Fils de l'homme et ne buvez pas son sang, vous n'aurez pas la vie en vous », beaucoup des disciples se retirèrent en disant : « Ce langage est dur », pensant qu'il leur était prescrit de prendre ses chairs ou bouillies dans les marmites ou rôties à la broche et de boire son sang dégouttant dans des coupes. C'est pourquoi le Seigneur, pour que cette erreur ne les choque pas tous, expliqua par ces mots à ceux qui étaient restés comment il fallait comprendre ce qu'il avait dit : « Les paroles que je vous ai dites sont esprit et vie », comme s'il avait dit : « Les paroles que je vous ai dites doivent être comprises spirituellement. La nourriture dont je vous parle n'est pas nourriture du ventre, mais nourriture de l'esprit. » Si nous prêtons une vive attention à ces mots du Seigneur, nous verrons que « mystère de la foi », qui a été mis dans la consécration du calice du Seigneur, contient la même signification, et nous reconnaîtrons qu'il n'a pas été inséré dans le canon avec une autre provenance qu'un emprunt aux paroles du Seigneur. J'ai répondu ce que je pense à votre première question, sans préjuger d'une meilleure explication.

    Par ailleurs, pour Melchisedech, rappelé au milieu des saints mystères, je ne comprends pas quelqu'un d'autre que le roi de Salem lui-même, dont l'Apôtre glorifie le sacerdoce parce que, avant que le sacerdoce lévitique n'ait été institué, il nous a signifié dans l'offrande du pain et du vin la forme du nouveau sacerdoce, comme dans le sacrifice d'Abel nous voyons préfigurée l'innocence et dans l'offrande d'Abraham nous voyons recommandée l'obéissance ; la commémoration de tous ceux-ci est reconnue avoir de la valeur pour cette raison : afin que, de même que lesdits Pères ont plu à Dieu par leur foi en des choses à venir, ainsi nous nous appliquions à plaire par la foi en des choses manifestes et qu'il soit ainsi prouvé qu'est unique la foi de la Loi et de l'Évangile, celle de l'ombre et de la vérité, bien que ces choses aient été préfigurées par des figures différentes, alors qu'elle étaient à venir, et qu'elles aient été confirmées par des preuves manifestes, alors qu'elles étaient passées. Ces choses pourraient être traitées par de plus amples développements, mais ces quelques mots semblent suffire à un sage.

    Les collections de canons que vous me demandez et mes opuscules que vous avez voulu qu'on y ajoute, je vous les ai transmis en témoignage de mon affection par le seigneur Ernaud, actuellement votre moine, autrefois notre clerc. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21200 (yves-de-chartres-262), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21200 (mise à jour : 21/09/2017).