Description
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Yves, évêque de Chartres
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Pascal 2, pape
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circa 1100
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[1100]
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Lettre
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Paschali summo pontifici, Ivo, humilis Carnotensis Ecclesiae minister, debitam cum omni devotione obedientiam.
Mater mea Belvacensis Ecclesia(1), quae in Christo me genuit(2), quae lacte suo me aluit, crebra mutatione perniciosorum aut inutilium episcoporum valde vexata et vehementer attrita, lacrymabili vociferatione post me clamat(3), tanquam per me impediatur electi sui consecratio, vel eam apud sanctitatem vestram mea impetrare possit intercessio. Et quia materni dolores, quamvis aliquando non usquequaque rationabiles, pia viscera vehementius penetrant, ejus conquestionibus non possum non moveri, ejusdem gemitibus non compungi.
Postulat autem eadem Ecclesia in persona electi sui unam tantum imperfectionem remitti, videlicet quod in sacris ordinibus non est inventus(4), cum in caeteris ejus integritatem praedicet, utilitatem commendet. Si autem aliquid in eo criminosum vel quod sacris canonibus obviet repertum fuerit, pro hujusmodi non est nostrum apud sedem justitiae(5) intercedere, nec vestrum inordinatis precibus aurem praebere.
Scimus tamen ad audientiam vestram et legatorum vestrorum quorumdam relatione fuisse perlatum aliquando praedictum electum, insimulante Lisiardo praedictae Ecclesiae archidiacono, per Lugdunensem archiepiscopum, tunc sedis apostolicae legatum, cujusdam criminis objectione fuisse pulsatum, non tamen sponte confessum, vel aliquo ecclesiastico vel saeculari judicio fuisse convictum(6). Asserit itaque praedicta Ecclesia eumdem ad omnia objecta fore paratum canonice respondere, si quis canonice possit accusare. Praedictus etiam Lisiardus, qui tunc inimicus accusabat, nunc conversus specialius eum diligit(a), prae caeteris expetit, quanta potest excusatione defendit. In causis autem in quibus accusatores fiunt defensores(7), quid judex facere debeat non est meum vestram sollicitudinem monere, vestram prudentiam docere. Quicumque vero hujus facti sint laudatores aut vituperatores, ipse electus tanquam de conscientia sua, quae illi non dubius testis est aut pro se, aut contra se, bene securus tribunalibus vestris se praesentat, aut misericordiam accepturus aut judicium subiturus.
Petimus itaque cum petentibus, pulsamus cum pulsantibus(8), quatenus sic judicium ex misericordia temperetis ut, quantum salvo honore vestro potestis, miserabilibus Ecclesiae ruinis misericorditer occurratis(9). Sic enim volumus amicis prodesse ut auctoritati et honestati sedis apostolicae in nullo velimus obesse(10). Valete.
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eligit A, elegit T, illum eligit M.
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Voir lettres 87 et 89 et Lambert d'Arras,
Registre, E 62.
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D'après I Cor. 4, 15.
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Vocabulaire biblique d'après Jos. 6, 5 ou Hebr. 5, 7.
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Voir lettre 89. L'image qui est donnée d'Étienne est bien différente de celle des lettres précédentes. Mais Yves s'en explique dans la lette 95 à Pascal II.
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Même expression lettre 46.
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Yves montre dans cette phrase que rien dans l'accusation n'a été fait selon les règles :
quod nemo damnatus sit nisi sponte confessus vel canonice convictus, Nicolas,ep. Salomoni Constantiensi episcopo. Yves,Décret6, 122 (Gratien, 15, 5, 2). Voir aussi lettre 90 la citation duDe poenitentiad'Augustin.Confessusetconvictusapparaissent souvent ensemble dans d'autres canons. Avaient pris le parti d'Étienne le chapitre cathédral, avec à sa tête le doyen Hugues, les archidiacres Roger et Lisiard, O. Guyotjeannin,Episcopus et comes, p. 75. Lambert d'Arras,Registre, E. 62.
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Il ne semble pas y avoir de canon disant expressement ceci ; mais les deux mots apparaissent ensemble au canon 4 des
Décrets de Fabien,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 165 : quatre personnes bien distinctes sont nécessaires pour un procès valide, juge, accusateur, défenseur et témoin, ce qui implique que la même personne ne peut tenir deux rôles à la fois. Yves,Décret, 6, 321 ;Panormie4, 81 (Gratien, 4, 4, 1).
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Paraphrase de Matth. 7, 7-8.
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Le concile de Soissons, réuni par Manassès de Reims, a entériné l'élection d'Étienne en 1100, B. Monod,
Pascal II, p. 29-30.
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Conclusion à peu près identique lettre 133.
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a. Avranches, BM 243, 57rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 38
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T. Troyes, BM 1924, 7v-8
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À Pascal, souverain pontife, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, l'obéissance qui lui est due avec un entier dévouement.
Ma mère l'Église de Beauvais, qui m'a enfanté dans le Christ, qui m'a nourri de son lait, totalement ballottée et complètement épuisée par une succession rapide d'évêques funestes ou inutiles, crie après moi dans les clameurs et les larmes, comme si la consécration de son élu pouvait être empêchée grâce à moi ou comme si mon intercession auprès de votre sainteté pouvait l'obtenir. Et parce que les souffrances maternelles, bien qu'elles ne soient pas parfois raisonnables en tout point, pénètrent plus profondément les pieuses entrailles, je ne peux pas ne pas être ému de ses plaintes, ne pas être transpercé de ses gémissements.
Or cette même Église réclame qu'en la personne de son élu on pardonne seulement une unique imperfection, à savoir qu'il n'a pas été établi dans les ordres sacrés, alors que pour tout le reste elle proclame son intégrité et recommande sa valeur. Mais si on trouve en lui quelque chose de criminel ou qui s'oppose aux saints canons, dans ce cas il ne nous appartient pas d'intercéder auprès du trône de justice et il ne vous appartient pas de prêter l'oreille à des prières contraires à la règle.
Nous savons toutefois qu'il a été porté à votre attention également par la relation de certains de vos légats qu'un jour ledit élu, dénoncé par Lisiard, archidiacre de ladite Église, avait été frappé par l'archevêque de Lyon, alors légat du siège apostolique, de l'accusation de crime, sans qu'il ait cependant avoué spontanément ni qu'il ait été convaincu par un jugement ecclésiastique ou séculier. C'est pourquoi ladite Église affirme que cet homme sera prêt à répondre canoniquement de tout ce qui lui est imputé, si quelqu'un peut l'accuser canoniquement. Même ledit Lisiard, qui l'accusait alors en ennemi, maintenant retourné l'aime tout particulièrement, le recherche de préférence à tous les autres, le défend en le justifiant autant qu'il le peut. Or dans les affaires où les accusateurs deviennent défenseurs, ce n'est pas à moi de conseiller votre sollicitudde, d'enseigner votre prudence sur ce qu'un juge doit faire. Quels que soient ceux qui se sont faits ses admirateurs ou ses censeurs, l'élu en personne, agissant selon sa conscience qui est un témoin non douteux soit à charge soit à décharge, se présente en toute assurance devant vos tribunaux ou pour recevoir miséricorde ou pour subir le jugement.
C'est pourquoi nous demandons avec ceux qui demandent, nous frappons avec ceux qui frappent pour que vous adoucissiez votre jugement selon la miséricorde, de manière à relever miséricordieusement les misérables ruines de cette Église, autant que vous le pouvez sauf votre honneur. Car nous voulons être utile aux amis de manière à ne vouloir nuire en rien à l'autorité et à l'honorabilité du siège apostolique. Adieu.