« yves-de-chartres-87 »


Description

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    Yves, évêque de Chartres

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    Jean de Gubbio, cardinal de Sainte-Anastasie
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    Benoît, cardinal de Sainte-Eudoxie

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    après 1100 - avant 1102


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    [1100-1102]

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    Lettre

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    Joanni et Benedicto(1), cardinalibus presbyteris et Romanae Ecclesiae vicariis, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, ita sibi commissa fungi legatione ut angelo magni consilii(2) valeant complacere.

    Quia Belvacensis Ecclesiae(3) lapsum dudum vobis ex parte per litteras insinuavi, nunc in quantum profundum malorum descenderit sollicitudini vestrae reticere non valeo, ne mea taciturnitas mihi reputetur in vitium et veterno ipsius Ecclesiae morbo nullum procuret adhibere remedium. Praedicta enim Ecclesia tamdiu jam bonos desuevit habere pastores(4) ut malos habere videatur ei quasi legitimum, bonos autem eligere quasi nefarium. Quod in hoc satis patet quod adversus litteras domni papae(5) et vestras de electione vel assumptione episcopi illicita prohibentes, ad contemptum sedis apostolicae, irrisoria et contemptibilia verba in vos protulerunt et, postposita omni canonica obedientia(6)(a), clericum quemdam illitteratum, aleatorem et caeteris hujusmodi(b) lenociniis vacantem, procul etiam a sacris ordinibus inventum(7), quondam quoque propter publicum adulterium a legato Romanae Ecclesiae Lugdunensi archiepiscopo de Ecclesia ejectum, pro voluntate regis et illius contubernalis suae(8), in episcopum assumpserunt. Praedictus autem intrusus Stephanus vocatur de Guarlanda(9). Cui si ad episcopalem consecrationem(c) aliquando apostolica auctoritate patuerit aditus, manifestum est temporibus nostris exitiale silentium impositum esse canonicis legibus. Quomodo enim ad fontem scientiae pertingemus, si ab ipsis qui clavem tenent intrare non permittimur(10) ?

    His et hujusmodi praemonitam et praemunitam volo esse sollicitudinem vestram, ut et vobis caveatis, et domnum papam super his cautum faciatis, ut qui ex adverso stat(11) occasionem maledicendi non habeat de vobis tanquam sua quaerentibus et non quae Jesu Christi(12). Praedictus enim intrusus festinat ut cito Romam vadat, aut mittat, et palatinos quibus poterit muneribus vel promissionibus in suam partem flectat et domnum papam quacumque poterit machinatione decipiat(13). Rei itaque veritatem vobis notificamus ut et auctoritati apostolicae provideatis, et famae vestrae bene consulatis, et Ecclesiam in malis tabescentem(14) solatio foveatis, forti manu relevetis et corrosorum dentes sinceritatis lapide conteratis(15). Si enim et in hoc cassata fuerit expectatio nostra, jam quid contra obloquentes pro Romana Ecclesia loquamur non habebimus et murum pro domo Dei ponere(16) fiducia Romanae Ecclesiae ultra non audebimus(d). De mundana ergo domo Dei et de vindicando contemptu vestro, consilium cito capite et quid super hoc et super aliis dispositionibus vestris facere velitis per portitorem praesentium rescribite. Cum vobis Deo donante loqui poterimus, haec et alia diligentius et diffusius exponemus. Valete.


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    electione T 

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    hujus mundi A 

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    ministrationem éd.

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    valebimus al.


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    Jean et Benoît, voir lettres 84, 87, 109. Le clergé de Beauvais a écrit à Lambert d'Arras pour le supplier d'intervenir également auprès des légats,Registre, E. 62, éd. citée, p. 412-415.

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    Introït de la messe de Noël, d'après Is. 9, 6 et 11, 2. Voir lettres 15, 32, 98, 137.

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    Sur la crise de 1100-1104, voir O. Guyotjeannin, Episcopus et comes, p. 75-78.

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    Guy, 1063-1087, au pontificat agité, accusé de simonie, voir Guibert de Nogent, Autobiographie, p. 100. O. Guyojeannin, op. cit., p. 70-72. Ursion, 1085-1089. Foulque, 1089-1095, évêque simoniaque, accusé plusieurs fois, aurait emprisonné un frère de l'évêque Hubert de Senlis contre rançon, D. Lohrmann, Papstprivileg..., p. 23. Roger, parti en 1095 à la croisade. Anselle ou Anseau, 1096-1099, soutenu par le roi, à l'élection contestée, O. Guyotjeannin, op. cit., p. 75 ; Lambert d'Arras, lettres E. 26, 32, éd. citée, p. 364, 372.

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    Pascal II. La lettre 89 qui lui est adressée l'informe des problèmes de cette élection et apporte quelques précisions supplémentaires.

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    Ces règles canoniques ne s'appliquent pas seulement aux évêques mais à tous les clercs, qui ne doivent pas être illettrés, Gélase aux évêques de Lucanie, ep. 1, c. 18. Yves, Décret 6, 37 ; Panormie 3, 47 (Gratien D. 36, 1) ; ni joueurs, Grégoire IV aux évêques de Gaule, Europe, Germanie, c. 9. Yves, Décret 5, 370 ; quant à lenocinium, il apparaît plusieurs fois dans le Décret, pris au sens propre, sans s'appliquer à un clerc.

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    Qui n'accède pas à tous les ordres successivement, et dans les délais prescrits, est considéré comme néophyte, d'après les décrets de Léon, Yves, Décret 5, 59 ; le concile de Sardique, c. 13, Yves, Décret 5, 71 ; Grégoire le Grand, Yves, Décret 5, 131 (nombreuses références Gratien, D. 48 et 77). À plus forte raison un adultère public est considéré comme un crime très grave, Yves, Décret livre 8.

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    Le légat Hugues de Lyon condamna l'union de Philippe Ier et Bertrade au concile d'Autun en 1094 et excommunia le roi. Étienne de Garlande est, à l'encontre des prescriptions grégoriennes, soutenu par un laïc et donc considéré comme simoniaque. Même les rois ne doivent pas intervenir, voir lettre 102. O.  Guyotjeannin, op. cit., p. 65-78.

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    Étienne de Garlande, fils du sénéchal Gilbert Païen (M. Prou, Recueil des actes de Philippe Ier, p. CXL, CLI), de la puissante famille de Garlande, , fut élu en 1100 par le clergé du diocèse, élection entérinée la même année au concile de Soissons sous la pression du roi et de Bertrade, N. Civel, La fleur de France, passim, en particulier p. 194-5 pour cette affaire. Malgré une lettre qui soutenait cette élection (l. 92) et qu'il reconnut ensuite lui avoir été extorquée, Yves de Chartres s'y opposa vigoureusement (lettres 89, 95, 97, 104, 105 etc.), et gagna à ses vues Pascal II qui refusa de reconnaître Étienne. La situation resta bloquée pendant quatre ans. Finalement, Galon, le compétiteur d'Étienne, obtint le siège de Paris, voir Lambert d'Arras, op. cit., A. 70 et E. 127 ; et, à Beauvais, Geoffroy de Pisseleu (1105-1113), régulièrement élu, remplaça Étienne de Garlande. GC IX, 715. B. Monod, Pascal II, p. 27-34 ; 74-79. A. FlicheLe règne de Philippe Ier, p. 441-445. O. GuyotjeanninEpiscopus et comes, p. 75-78. En 1105 Étienne devint archidiacre de Notre-Dame de Paris, doyen de Saint-Aignan d'Orléans, chapelain de la chapelle royale. En 1106 le roi le nomma chancelier. De nombreux bénéfices ecclésiastiques vinrent grossir son patrimoine. Sur la suite de sa carrière, voir lettre 260.

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    D'après Luc. 11, 52, Vae vobis legis peritis, quia tulistis clavem scientiae.

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    II Chron. 13, 13.

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    Phil. 2, 21 et I Cor. 13, 5.

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    Geoffroy de Vendôme reproche souvent sa faiblesse à Pascal II et Yves semble juger le pape de la même manière. D'autre part le roi Philippe Ier et Bertrade avaient plusieurs fois trompé même Urbain II en faisant croire qu'ils renonçaient à leur union, voir Lambert d'Arras, Registre, Absolutio.

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    Ps. 106, 26.

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    Métaphore des dents brisées empruntée à Job 4, 10 ou Ps. 3, 8.

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    Ez. 13, 5. La citation apparaît dans la correspondance de Geoffroy de Vendôme, lettres 20, 112, 166, dans celle de Lambert d'Arras, A. 65.


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    a. Avranches, BM 243, 54v-55


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    M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 36rv


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    T. Troyes, BM 1924, 7rv



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    À Jean et Benoît, cardinaux prêtres et vicaires de l'Église romaine, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, s'acquitter de la légation qui leur a été confiée de manière à pouvoir plaire à l'ange du grand conseil.

    Comme je vous ai depuis longtemps informé en partie par mes lettres de l'écroulement de l'Église de Beauvais, je ne peux maintenant pas taire à votre sollicitude à quelle profondeur de malheur elle est descendue, de peur que mon silence ne me soit imputé à péché et qu'il ne puisse procurer aucun remède à la maladie chronique de cette Église. Car ladite Église s'est déaccoutumée depuis si longtemps d'avoir de bons pasteurs qu'il lui semble qu'en avoir de mauvais est presque légitime et en élire de bons presque néfaste. Ceci apparaît bien dans le fait que, à l'encontre de la lettre du seigneur pape et de la vôtre qui interdisaient des actions illicites pour l'élection et le choix de l'évêque, au mépris du siège apostolique, ils ont proféré contre vous des paroles railleuses et dédaigneuses et, faisant fi de toute obéissance canonique, c'est un clerc illettré, joueur et adonné à toutes les prostitutions de ce genre, reconnu même éloigné des ordres sacrés, rejeté également autrefois de l'Église par le légat de l'Église romaine l'archevêque de Lyon à cause d'un adultère public, que par la volonté du roi et de sa fameuse concubine ils ont pris comme évêque. Or ledit intrus s'appelle Étienne de Garlande. Si un jour l'accès à la consécration épiscopale lui est ouvert par l'autorité apostolique, il est manifeste qu'à notre époque un silence fatal a été imposé aux lois canoniques. Comment en effet atteindrons-nous la fontaine de science, s'il ne nous est pas permis d'y entrer par ceux qui en détiennent la clé ?

    Je veux que votre sollicitude soit prévenue et prémunie face à ces faits et d'autres du même genre, pour que vous preniez garde vous-mêmes et que vous mettiez en garde le seigneur pape sur ces sujets, de sorte que celui qui se dresse en adversaire n'ait pas d'occasion de dire du mal de vous, comme si vous recherchiez votre intérêt et non ce qui est de Jésus-Christ. Car ledit intrus se dépêche d'aller vite à Rome ou d'y envoyer et de tourner en sa faveur par des présents ou des promesses tous les hommes du palais qu'il pourra et de tromper le seigneur pape par n'importe quelle machination possible. C'est pourquoi nous vous informons de la vérité de cette affaire, pour que vous preniez soin de l'autorité apostolique, que vous songiez bien à votre renommée et que vous réchauffiez de votre consolation l'Église qui se consume dans les malheurs, que vous la releviez d'une main forte et que vous brisiez de la pierre de la sincérité les dents des rongeurs. Car si notre attente est trompée en ce domaine, nous n'aurons plus désormais rien à dire en faveur de l'Église romaine contre ceux qui en médisent et nous n'oserons plus désormais dresser un mur pour la maison du Seigneur en signe de confiance en l'Église romaine. Donc, pour la maison terrestre de Dieu et pour venger le mépris où l'on vous tient, prenez rapidement une décision et récrivez-nous par le porteur de la présente ce que vous voulez faire sur ce point et sur vos autres dispositions. Quand nous pourrons parler avec vous, grâce à Dieu, nous vous exposerons plus soigneusement et plus en détail ces choses et d'autres. Adieu.

Informations

Document

admin ydc (IRHT), dans  Yves de Chartres

Lettres d'Yves de Chartres, éd. G. Giordanengo (agrégée de l'Université), éd. électronique TELMA (IRHT), Orléans, 2017 [en ligne], acte n. 21024 (yves-de-chartres-87), http://telma.irht.cnrs.fr/chartes/en/yves-de-chartres/notice/21024 (mise à jour : 21/09/2017).