Description
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Yves, évêque de Chartres
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Jean de Gubbio, cardinal de Sainte-Anastasie, légat pontifical
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[entre le 20 mai et juillet 1100]
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Lettre
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Joanni, presbytero cardinali(1), Romanae Ecclesiae legato, Ivo, humilis Carnotensium Ecclesiae minister, legatione fungi in Christo.
Litteras tuae benevolentiae indices nuper accepi, quibus aliqua constantiae tuae opera parvitati meae notificasti. In quibus hoc egregie laudabile intellexi, quod te a communione regis abstinuisti, quoniam in hoc et famae tuae et legationi tibi commissae sane consuluisti, licet quidam Belgicae provinciae episcopi in Pentecosten(2), contra interdictum bonae memoriae papae Urbani, coronam ipsi regi imposuerint(3), tanquam mortuo praecone justiciae justitiam mortuam esse crediderint(4). Quod autem Pictavis(5) aut intra provinciam Aquitanicam concilium celebrare disponis omnino laudo, quia, si intra provinciam Belgicam vel Celticam(6) concilium celebraretur, multa premi silentio oporteret quae ventilata scandalum generarent et totum pene fructum concilii aliqua exaestuatione praefocarent, pressa vero silentio, tanquam Verbo Dei alligato(7), legationis tuae auctoritati plurimum derogarent.
De termino vero habendi concilii quem IIII kal. augusti(8) designasti, facile occasionem quaerent episcopi partium nostrarum, dicturi non esse congruum spatium ad peragendam viam et praeparandum viaticum. Non enim poterunt multi episcoporum ad locum pervenire concilii, nisi per multos circuitus et per acquisitos undecumque conductus. Si ergo videtur prudentiae tuae, convenientior videretur mihi terminus in capite autumni(9), quando et annus erit fertilior et unusquisque invitatus, indulto sibi congruo spatio, ad eumdum paratior. Si autem praeter spem evenerint haec omnia, cum Deus invicem nos loqui concesserit et de termino et de loco habendi concilii et de multis aliis cum prudentia tua tractabo, quia multa praetereo quae non sine ratione interim chartae commendare dissimulo. Mitto itaque tibi cum brevigerulo tuo cursorem istum, per quem mihi remandes et de tempore et de loco colloquii nostri et de constitutione habendi concilii. Vale.
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Jean de Gubbio, cardinal du titre de Sainte-Anastasie, a été nommé légat avec Benoît, cardinal du titre de Sainte-Eudoxie, par Pascal II dès son avènement. En 1102, Richard d'Albano les remplace. R. Hiestand, « Les légats pontificaux en France »,
L'Église de France et la papauté, Actes du colloque franco-allemand publiés par Rolf Grosse, Bonn, 1993, p. 54.
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20 mai 1100.
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Yves s'était engagé vivement contre le mariage de Philippe I
eravec Bertrade en 1092, voir lettres 13-16, 28. Le nom des évêques présents à la célébration de son mariage varie selon les sources, A. Fliche,Le règne de Philippe Ier, p. 48-50. Hugues de Flavigny note la présence de Philippe de Troyes et de Gautier de Meaux (MGH, Scriptores,VIII,p. 493) mais la lettre 16 d'Yves semble prouver le contraire. Renaud de Reims y assista et le mariage fut célébré par Ursion de Senlis. Yves avait pourtant dissuadé Renaud d'intervenir et Urbain II reproche cette infamie à Renaud et à ses suffragants, en citant particulièrement Ursion de Senlis, voir Yves, lettre 13 et notes. Sur cette affaire, Lambert d'Arras,Registre,Absolutio, A. 65-72. Voir aussi Yves, l. 211. Il s'agit maintenant du couronnement du roi, pour lequel cette lettre est une source précieuse, les dires d'Hugues de Flavigny (MGH, ibid.. p. 491) semblant peu fiables, A. Fliche,op. cit., p. 66-67.
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Praeco justitiae, expression attribuée à Grégoire le Grand par Gratien,DC, 1, 23 (PL77, col. 1352).
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Le concile se tint dans cette ville, en l'église Saint-Pierre. Il réunissait quatre-vingts évêques ou abbés selon Hugues de Flavigny (
MGH, ibid., p. 491), cent quarante selon Geoffroy le Gros (Acta sanctorum, avril, II, p. 233 E), B. Monod,op. cit., p. 19, A. Fliche,op. cit., p. 67-71, O. Pontal,Les conciles, p. 244-246. Des décisions judiciaires et législatives importantes y furent prises, dans le prolongement des idées réformatrices du concile de Clermont.
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Sur les évêchés de Belgique seconde, voir lettre précédente. Il n'existe pas de province de Celtique, il doit s'agir de la Gaule celtique opposée à la Gaule Aquitaine, A. Fliche,
op. cit., p. 166.
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D'après II Tim. 2, 9.
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29 juillet.
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C'est cette date qui fut retenue, le concile débuta le 18 ou 19 octobre 1100. Malgré l'intervention de Guillaume IX, duc d'Aquitaine, l'anathème contre Philippe I
erfut prononcé. O. Pontal,Les conciles, p. 244-246.
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a. Avranches, BM 243, 54rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 36
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À Jean, cardinal prêtre, légat de l'Église romaine, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, s'acquitter de sa légation dans le Christ.
Je viens de recevoir la lettre, preuve de ta bienveillance, dans laquelle tu as fait connaître à ma petitesse quelques œuvres de ta constance. J'y ai remarqué cette chose tout à fait louable, à savoir que tu t'es abstenu de relation avec le roi, puisqu'en cela tu as veillé sainement à ta renommée et à la légation qui t'avait été confiée, bien que certains évêques de la province de Belgique, à la Pentecôte, malgré l'interdiction du pape Urbain de bonne mémoire, aient posé la couronne à ce roi, comme s'ils avaient cru que, mort le héraut de la justice, morte est la justice. J'approuve sans réserves que tu te disposes à célébrer un concile à Poitiers ou dans la province d'Aquitaine, parce que, si le concile était célébré dans la province de Belgique ou de Celtique, il faudrait que soient écrasés sous le silence beaucoup de faits qui, dévoilés, génèreraient le scandale et étoufferaient par une sorte de violente agitation tout le fruit du concile, mais qui, écrasés par le silence, comme si le Verbe de Dieu était enchaîné, porteraient une grave atteinte à l'autorité de ta légation.
Quant à la date de la tenue du concile que tu as choisie, le quatre des kalendes d'août, les évêques de nos régions en prendront facilement prétexte pour dire qu'on ne dispose pas du temps convenable pour accomplir le trajet et préparer le voyage. Car beaucoup d'évêques ne pourront pas parvenir au lieu du concile à moins de faire beaucoup de détours et sans avoir de saufs-conduits procurés de toutes parts. Si donc ta prudence le juge bon, il me semblerait qu'il convienne mieux de le placer au début de l'automne, quand d'une part la récolte de l'année sera plus abondante et que d'autre part chaque invité sera mieux préparé pour cette même date, grâce au délai convenable qui lui aura été ménagé. Mais si tout se déroule autrement qu'on l'espère, quand Dieu nous aura accordé de nous parler mutuellement, je traiterai avec ta prudence et de la date et du lieu de la tenue du concile et de beaucoup d'autres sujets, parce que j'omets beaucoup de points que non sans raison j'évite de confier à un écrit pour le moment. C'est pourquoi je t'envoie avec ton porteur ce messager par qui tu pourras me répondre et sur les temps et lieu de notre rencontre et sur ta décision concernant la tenue du concile. Adieu.