Concile de Limassol
Les relations sexuelles avec des femmes juives et musulmanes sont interdites
De confessionibus …Volumus et statuimus, sicut hactenus observatum est, quod majora peccata ad archiepiscopum et episcopos in suis diocesibus reserventur, ut sunt: homicidia, sacrilegia, peccata contra naturam, incestus – ut est cum consanguineis vel monialibus commisceri, stupra virginum, injectiones manuum in parentes, suffocationes parvulorum, perjuria, incendia, restitutio ablatorum et illegitime acquisitorum; falsarii episcopalis sigilli seu ejus curiae, defloratores virginum, stupratores viduarum, raptores mulierum, votorum fractores, venefici, qui in mortem conjugis est machinatus, luxuriam in ecclesia committens, coiens cum Iudaea vel Saracena, coiens cum ea quam baptizavit vel cujus confessionem audivit, celebrans in altari non consecrato vel sine sacris indumentis, celebrans non jejenus, absolutiones excommunicationum…
C.Schabel, The Synodicum Nicosiense and other documents of the Latin Church of Cyprus, 1196-1373 (Nicosia, 2001), 190..
Au sujet des confessions … Nous voulons et décidons, comme il a été jusque là observé, que sont réservés à l’archevêque et à ses évêques dans leurs diocèses les plus grands péchés, à savoir : homicides, sacrilèges, péchés contre nature, inceste – qui est commis avec son consanguin ou avec une religieuse – , la corruption des vierges, en venir aux mains avec ses parents, l’étouffement des petits enfants, le parjure, l’incendie, la restitution des biens volés ou acquis illégalement ; ceux qui falsifient le sceau de l’évêque ou de sa cour, ceux qui déflorent les vierges, les corrupteurs de veuves, ceux qui enlèvent les femmes, ceux qui rompent leurs promesses, les empoisonneurs, celui qui prépare la mort de son épouse, celui qui commet la luxure dans l’église, celui qui a une relation sexuelle avec une juive ou une sarrasine, celui qui a une relation sexuelle avec celle qu’il a baptisée ou qu’il a entendue en confession, celui qui célèbre une messe sur un autel qui n’est pas consacré ou sans les vêtements sacrés, celui qui célèbre sans être à jeun, et les acquittements de l’excommunication…
C. Chauvin
Le Concile de Limassol s'est tenu en septembre 1298, et reprenait d'autres canons et décrets antérieurs du XIIIème siècle. La section commençant à Volumus et statuimus, jusqu'à restitutio ablatorum et illegitime acquisitorum, est une citation mot pour mot d'un texte antérieur (B.25 in the edition of the Synodicum Nicosiense). La section suivante du décret concerne l'interdiction de relations sexuelles entre les hommes chrétiens et les femmes juives ou musulmanes, et peut-être également les relations sexuelles avec une femme "qu'il a baptisée".
Les relations sexuelles avec les musulmans étaient interdites lors du Concile de Naplouse, au royaume de Jérusalem en 1120. Le Concile interdit les relations entre les hommes chrétiens et les femmes musulmanes, et vice versa, à la différence de ce concile, qui mentionne uniquement les femmes musulmanes (et juives). Des relations sexuelles de cette sorte constituaient un "crime majeur" et tombait sous la juridiction de la cour de l'archevêque.1 Il est possible que les canons de Naplouse et Limassol fassent référence à des mariages interconfessionnels, et pas seulement à des relations sexuelles. De tels mariages étaient interdits par décret canonique, et les assises bourgeoises de Jérusalem les interdisent également, mais pour des raisons d'héritage (un musulman ne pouvait hériter d'un chrétien). L'interdiction explicite dans les assises bourgeoises peut indiquer que des mariages interconfessionnels continuaient à se produire au XIIIème siècle, et qu'ils pouvaient être tolérés s'ils ne menaient pas à des disputes sur les propriétés ou sur l'héritage.23 Cela pouvait également être vrai pour le royaume de Chypre. Les lois canoniques et les assises de Jérusalem interdisent tout deux le mariage entre un homme et une femme qu'il a baptisée. Le canon de Limassol ne le dit pas explicitement, mais il pouvait faire référence au baptême des esclaves musulmans. Le baptême constituait une des manières pour un esclave d'être affranchi, puisque selon la loi des croisades, un chrétien ne pouvait être mis en esclavage.4 Comme les musulmans et les chrétiens ne pouvaient se marier, le baptême pouvait également enlever cette obstacle au mariage, mais un chrétien n'aurait pas été autorisé à épouser une musulmane qu'il aurait baptisée, i. e. sa propre ancienne esclave.
1 . C.Schabel, "Religion", in Cyprus: Society and Culture, 1191-1374 (Leiden, 2005), 162.
2 . M.Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 260.
3 . J.Brundage, "Marriage law in the Latin Kingdom of Jerusalem", in Outremer: Studies in the History of the Crusading Kingdom of Jerusalem", ed. B. Z. Kedar, H.E. Mayer, R.C. Smail (Jerusalem, 1982), 262-263.
4 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 208-211.
Juifs/Judaïsme ; musulmans ; relations sexuelles
Claire Chauvin : traduction
Notice n°243930, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait243930/.