Valentinianus II
Code Théodosien
Incrimination des mariages entre juifs et chrétiens
Imppp. Valent[inianus], Theod[osius] et Arcad[ius] AAA. Cynegio p[raefecto] p[raetori]o. Ne quis Christianam mulierem in matrimonium Iudæus accipiat, neque Iudææ Christianus coniugium sortiatur. Nam si quis aliquid huiusmodi admiserit, adulterii vicem commissi huius crimen obtinebit, libertate in accusandum publicis quoque vocibus relaxata. Dat. prid. id. mart. Thessal[onica] Theod(osio) A. II et Cynegio v. c. conss.
T.Mommsen & P.Meyer, eds., Theodosiani libri 16 cum Constitutionibus Sirmondianis et Leges novellae ad Theodosianum pertinentes (Berlin, 1904, 4th reed. 1971), 142.
Les trois empereurs Augustes Valentinien, Théodose et Arcadius à Cynegius, préfet du prétoire. Qu’un juif ne prenne pas de femme chrétienne en mariage et qu’un chrétien ne choisisse pas de femme juive pour épouse. Car si quelqu’un commettait un acte de ce genre, son crime serait tenu pour un adultère susceptible d’une accusation publique. Donné la veille des ides de mars à Thessalonique, sous les consulats de Théodose Auguste pour la seconde fois et du clarissime Cynegius.
C. Nemo-Pekelman
Cette loi a été édictée le 14 mars 388 de Thessalonique par l’empereur Théodose Ier et adressée sous forme d’épitre (epistula) au préfet du prétoire d’Orient Maternus Cynegius. Elle est reproduite deux fois exactement à l'identique dans le Code Théodosien, sous un titre consacré au mariage (3.7.2) et un autre consacré à l'adultère (9.7.5). Les circonstances exactes ayant entouré l’édiction de la loi n’ont jamais été débrouillées et ne le seront probablement jamais, car cette décision législative surgit fort brutalement à la fin du IVe siècle, elle demeure unique en son genre et elle n’a jamais été commentée par ses contemporains. Les historiens en sont donc réduits à faire des hypothèses. Gian Luigi Falchi estime que le législateur visait à empêcher les mariages réalisés selon la coutume juive. En effet, la loi du 30 décembre 393 proclamera plus tard l’illicéité de la polygamie et de l’endogamie juives (CJ 1.9.7). Hagith Sara Sivan fait remarquer que les unions mixtes étaient interdites par le droit talmudique, mais que les chefs religieux ne pouvaient en pratique les empêcher tant que le mariage civil romain ne les interdisait pas. Elle envisage donc l’hypothèse d’une initiative venue des milieux juifs. Selon elle, le terrain aurait été préparé par une loi du 28 mars 370/3 (CTh 3. 14. 1) qui avait déjà interdit les mariages entre Romains et barbares. On peut aussi remarquer que le destinataire de la loi – et probablement son instigateur – n’était autre que Maternus Cynegius, un chrétien de la plus stricte observance à l’origine de campagnes de persécution contre les païens, les hérétiques et les juifs d’Orient 1. Selon cette dernière hypothèse, la mesure serait d’inspiration chrétienne, en accord avec le droit canonique des conciles et les écrits des Pères de l'Eglise. Le texte fut par la suite reproduit à l'identique en deux endroits du Code Théodosien, au titre De nuptiis du livre 3, et au titre Ad legem iuliam de adulteriis du livre 9 (CTh 9.7.5). La loi prohibe pour la première fois en droit romain le mariage entre juif et chrétien. Ce mariage eût pu simplement être frappé, au civil, de nullité, mais il devient, au pénal, un crime. La nouvelle incrimination est assimilée au crime d’adultère, ce qui revient à dire que la relation sexuelle entre juif et chrétien, même accompagnée de l’affectio maritalis, est un adultère. Siro Solazzi insiste sur le fait que cette assimilation a pour objet de viser toute relation intime entre juifs et chrétiens, de manière à inclure aussi ceux qui s'imagineraient pouvoir échapper aux poursuites en choisissant le concubinage. La dénonciation de ces mariages appelait, comme celle de l’adultère, la collaboration de tous puisque susceptible d’une accusation publique. Le pouvoir incite donc ses sujets à la délation comme il le fait souvent pour les crimes religieux, ainsi que souligné par Y. Rivière 2. La sanction n’est pas explicitement mentionnée mais il s’agit probablement de la peine prévue pour l’adultère, à savoir la mort et la confiscation des biens (CTh 9.7.2).
1 . Voir T. Honoré (Oxford, 1998) 50-51
2 . Y. Rivière (Rome, 2002), 308-311
Cette mesure, surgie - on l'a dit - dans des circonstances mal élucidées, n'a pas été réitérée (du moins n'a-t-on aucune trace de lois impériales ultérieures). Néanmoins, elle a, en Occident, intégré le Bréviaire d'Alaric (506) en deux endroits (BA 3.7.2 et 9.4.4), et a de ce fait suscité deux interprétations différentes. On la trouve également en Orient dans le Code Justinien (529-533), où elle est sensiblement modifiée.
accusation ; adultère ; Juifs/Judaïsme ; mariage ; relations sexuelles
Adam Bishop : traduction
Notice n°136982, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»
Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136982/.