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Livre des Assises de la Cour des Bourgeois[Chapitre 269]

Auteur

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre en français

Livre des Assises de la Cour des Bourgeois

Titre descriptif

Il n'est pas permis aux non-catholiques de se battre en duel contre les chrétiens

Type de texte

Assise

Texte

Ici orres la raison dou Surien et dou Grifon et dou Sarasin qui ne pevent lever nul Crestien par bataille. Bien saches que nul Surien ne nul Grifon ne nul Sarasin ne peut estre contre Crestien champion, ce est ne peut lever nul Crestien par bataille en tot le reaume de Jerusalem. Mais se le Surien ou se le Grifon ou le Sarazin estoit apelles de murtre ou de trayson ou derezie, bien coumande la raison que de ce se peut il bien deffendre contre tous Frans qui de ce apeller le voisissent: car ce est dreit et raison par la lei de Jerusalem. Quia suriensuriani et greci in omnibus suis causis, preter quam in criminalibus, excusantur a duello.

Langue

français

Source du texte original

E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.

Datation

  • Entre 1229 et 1244
  • 13ème siècle (quart : 2 )
  • Précisions : Les assises de la Cour des bourgeois ont été écrites au milieu du XIIIe siècle, pendant, probablement, la domination chrétienne de Jérusalem, entre 1229 et 1244 et après 1240, quoiqu'une partie du texte ait été écrite après les années 1260.

Aire géographique

  • Chypre ; Palestine
  • Les assises ont été écrites à la fin du royaume de Jérusalem au milieu du XIIIe siècle, mais se sont également appliquées au royaume de Chypre.

Traduction française

Ici vous entendrez la loi au sujet d'un Syrien, d'un Grec et d'un Sarrasin, qui ne peuvent provoquer un chrétien en duel judiciaire. Sachez bien qu'aucun Syrien, ni Grec ni Sarrasin ne peut se battre comme champion contre un chrétien, c'est-à-dire qu'il ne peut provoquer un chrétien en combat judiciaire, et ce nulle part dans le Royaume de Jérusalem. Mais si le syrien, le grec ou le sarrasin est accusé de meurtre, de trahison ou d'hérésie, la loi autorise certainement que, dans ces affaires, il puisse se défendre contre tous les Francs qui veulent l'accuser, parce que ceci est légal et juste selon la loi de Jérusalem. Car les Syriens et les Grecs sont exempts de combat judiciaire en tous cas, sauf des cas criminels.

Source traduction française

A. Bishop

Résumé et contexte

Un non-catholique ne pouvait pas se battre en duel contre un catholique, que ce soit en tant que participant impliqué personnellement dans le duel ou comme un « champion », c'est-à-dire quelqu'un ayant été choisi pour se battre au nom d'une autre personne qui n'a pas pu participer (par exemple parce qu'elle était trop vielle, blessée, une femme, etc.). Se battre en duel était une procédure judiciaire légitime dans les assises de la Haute Cour et le tribunal bourgeois; les assises bourgeoises sont assez détaillées sur ce sujet (voir les chapitres 145, 261, 266, 268, en plus du présent chapitre).

Signification historique

Cette loi illustre la hiérarchie des religions dans le royaume de Jérusalem, au sommet de laquelle se situaient les «chrétiens», c'est-à-dire les catholiques latins. Ceux qui ont suivi une autre religion avaient significativement moins de droits légaux. 1 Cela est largement attesté dans les assises qui établissent la hiérarchie des témoignages acceptables devant le tribunal. Le témoignage d'un catholique était normalement acceptable, à moins qu'il n'ait été disqualifié pour d'autres raisons. Le témoignage d'un chrétien oriental était admis dans la plupart des circonstances. Le témoignage d'un Juif ou d'un Musulman n'était généralement pas permis, sauf dans des situations particulières où il n'y avait pas de témoins chrétiens. Cette règle exclut la « vaste majorité de la population » de participer à la Haute Cour. 2 Dans les tribunaux bourgeois, cependant, les non-catholiques jouissaient de davantage de droits juridiques. En effet, ces tribunaux permettent aux adeptes de toutes les religions de témoigner, et ils demandent spécifiquement aux catholiques de fournir des témoins qui suivent la même religion que la personne qu'ils ont accusée devant le tribunal. Ainsi, les dépositions de témoins catholiques ne seraient normalement pas suffisantes pour condamner un non-catholique.3

Ce chapitre est une extension des assises traitant du témoignage. Le recours à l'épreuve furent considérés comme une forme de témoignage, quand il n'y avait pas des témoins oculaires, ou quand un verdict ne pouvait pas être déterminée.4 Essais par le fer et l'eau chaude sont mentionnés dans les assises de Jérusalem, mais l'épreuve la plus commune était le combat. De nombreux exemples de combat furent enregistrés au cours du XIIe et du XIIIe siècles à Jérusalem et à Chypre.56 Mais au cours du XIIIe siècle, les épreuves tombèrent peu à peu hors d'usage, et le Concile de Latran IV interdisait expressément au clergé d'y participer (canon 18). Cela les aurait rendues difficiles à réaliser, dans la mesure où la participation du clergé était un aspect important (comme le montre le chapitre précédent, 268, dans lequel les combattants doivent jurer sur les Évangiles, avant de commencer le combat).

Il est possible que les chapitres traitant du combat soient archaïques et qu'ils n'étaient plus d’usage dans le treizième siècle, ou que le compilateur de la cour d'assises, si ce n'est pas la loi et la pratique des croisés elles-mêmes, était plus conservateur et traditionaliste qu'ailleurs en Europe, où le combat en duel était déjà tombée hors d'usage.7

En tout cas, les non-catholiques ont certainement eu recours à d'autres moyens de se défendre devant le tribunal. Ailleurs, les assises expliquent en détail la prestation de serment et les conditions imposées aux témoins non-catholiques.

La citation latine à la fin du texte résume la loi, mais semble aussi la contredire en suggérant que les non-catholiques peuvent se battre en duel dans les affaires pénales. Cela n'est mentionné nulle part dans les assises françaises.

1 . H.Meyer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem," History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983), 175 and 185.

2 . Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, éd. et trad. P. Edbury (Nicosie, 2009), ch. 28, n. 122.

3 . M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007), 255-258.

4 . R.Bartlett, Trial by Fire and Water: The Medieval Judicial Ordeal (Oxford, 1986), 26.

5 . Usama ibn Munqidh, The Book of Contemplation: Islam and the Crusades, trans. P.Cobb (Penguin, 2008), 151-152. Oussama mentionne également une épreuve de l'eau, 139-140.

6 . Philip of Novara, Guerra di Federico II in Oriente, ed. Silvio Melani (Naples, 1994), 78-82.

7 . J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980), 368-369.

Textes apparentés inclus dans le corpus

Manuscrits

  • Les assises de la Cour des bourgeois nous sont parvenues par trois manuscrits mediévaux : Bayerische Staatsbibliothek cod. Gall. 51 (Chypre, c. 1315), BNF ms. fr. 19026 (incomplet, Chypre, milieu du XIVe siècle), et Biblioteca Nazionale Marciana ms. fr. app. 6 (Chypre, 1436). BNF ms. fr. 12207 est une copie du XVIIIe siècle du manuscript Marciana.
  • Il existe également une traduction italienne du manuscrit Marciana, Marciana cod. it. cl. II, no. 47 (Venise, 1534), et une copie de cette traduction, BNF ms. ital. 29 (XVIe siècle).
  • Les manuscrits français ont également été traduits en grec, et nous sont parvenus par deux manuscrits : BNF ms. grec 1390 (Chypre, 1469) et BNF ms. grec suppl. 465 (Chypre, 1512).

Editions

  • A.Beugnot, "Assises de la Cour des Bourgeois", in Recueil des historiens des croisades, Lois, vol. 2. Paris: Académie royale des inscriptions et belles-lettres, 1843, repr. Farnborough: Gregg, 1967.
  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • E.Kausler, Les Livres des Assises et des Usages dou Reaume de Jerusalem sive Leges et Instituta Regni Hierosolymitani. Stuttgart: Adolf Krabbe, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Traductions

  • N.Coureas, The Assizes of the Lusignan Kingdom of Cyprus. Nicosia: Cyprus Research Centre, 2002.
  • V.Foucher, Les Assises du Royaume de Jérusalem (textes français et italien), vol. 1, pt. 1: Assises des Bourgeois. Rennes: Blin, 1839.
  • C.Sathas, "Assizai tou Basileiou ton Ierosolymon kai tes Kyprou", in Mesaiunikes Bibliothekes, vol. VI. Paris, 1877.

Etudes

  • H.Meyer, "Latins, Muslims, and Greeks in the Latin Kingdom of Jerusalem," History 63 (1978), repr. in Probleme des lateinischen Königreichs Jerusalem (Aldershot, 1983).
  • M. Nader, "Urban Muslims, Latin laws, and legal institutions in the Kingdom of Jerusalem", Medieval Encounters 13 (2007).
  • J.Prawer, Crusader Institutions (Oxford, 1980).
  • Philip of Novara, Le Livre de Forme de Plait, ed. and trans. P.Edbury (Nicosia, 2009).
  • R.Bartlett, Trial by Fire and Water: The Medieval Judicial Ordeal (Oxford, 1986).

Mots-clés

musulmans ; témoignage

Auteur de la notice

Adam   Bishop

Collaborateurs de la notice

Ahmed   Oulddali  :  traduction

Capucine   Nemo-Pekelman  :  traduction

Comment citer cette notice

Notice n°136980, projet RELMIN, «Le statut légal des minorités religieuses dans l'espace euro-méditerranéen (Ve- XVesiècle)»

Edition électronique Telma, IRHT, Institut de Recherche et d'Histoire des Textes - Orléans http://www.cn-telma.fr/relmin/extrait136980/.

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