Général
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Yves, évêque de Chartres
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Raoul le Verd, archevêque de Reims
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après 1107 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Radulfo, Dei gratia Remorum reverendo archiepiscopo, Ivo, eadem gratia Carnotensis Ecclesiae minister, salutem et servitium.
Praecepit sublimitas vestra Radulfo, abbati Sancti Quintini Belvacensis(1), in virtute obedientiae, ut visis litteris vestris infra quindecim dies exsequeretur judicium ab episcopo Ambianensi(2) de molendino beati Quintini factum. Abbas ad hoc respondet se nullum judicium de hoc negotio audiisse vel subterfugisse ; quod tamen si factum fuisset non esset legi consentaneum, cum lex debeat esse justa, possibilis, loco temporique conveniens(3), quae omnia defuisse huic negotio manifeste probat ratio.
Non enim justum est ut incommoditatem quam sibi infert negligentia abbatis aut pervicacia alter reformet, cum abbas(4) studio subterfugiat munire ripas fluvii juxta prata, de quibus controversia est, praeterfluentis. Quae si munitae fuissent sicut eas vidimus et saepe pertransivimus, de aqua quae redundat in pratis nulla esset controversia. Item justum non est ut quod ab omnibus molendinis Belvacensis levae(a) committitur totum in molendinum beati Quintini reflectatur. Quae si ad statum suum pristinum redigerentur, tota haec controversia sopiretur. Abbas enim et quidam monachi Sancti Luciani adversus Ecclesiam beati Quintini veteres exercent inimicitias qui, quamdiu habuit tutorem et defensorem, ab istis inquietationibus quievit et per quadraginta quinque annos in quiete possedit. Praeterea omnis obedientia possibilis debet esse et, sicut dictum est, tempori et loco congrua. Haec autem vestra obedientia praedicto abbati cum tanto rigore injuncta, etiamsi per eum juste esset adimplenda, propter rigorem hiemis et loca palustria nullo modo valet ad praesens impleri, quia nullus operarius(b) in locis palustribus et aquosis hoc tempore praevalet operari.
Si ergo per aliquam importunitatem vel subreptionem aliquid a vobis extortum est, rogamus paternitatem vestram ut, considerata rerum et temporum opportunitate, cum discretione temperetis sententiam(5), ut et Ecclesia beati Quintini non cogatur molendinum suum ita debilitare ut molendini officium perdat et monasterium Sancti Luciani sub illis judicibus qui negotium ordine judiciario tractent(c) jus suum non amittat(6). Valete.
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leugae AM
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operilis M
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tractant éd.
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Voir lettres 151, 257.
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Godefroy, voir lettre 253.
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Isidore de Séville,
Étymologies, 5, 21. Yves,Décret4, 168 ;Panormie2, 142. Voir lettres 95, 189.
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L'abbé de Saint-Lucien, comme on l'apprend
infra. À l'époque d'Yves, c'estGiroldusouGerardus, 1100-1126. Gerlon ou Serlon que cite Souchet fut abbé plus tard, de 1129 à 1147. Sur Saint-Lucien de Beauvais, voir lettre 181. L'abbaye possédait des moulins à Villers-sur-Thère, à côté de Beauvais, et il pourrait s'agir des rives marécageuses du Thérain d'après L. Merlet,Lettres d'Ives de Chartres, p. 468.
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Termes de la dispense.
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L'affaire fut reportée au concile de Reims qui jugea en faveur de Saint-Quentin. Concile tenu en 1118 d'après Gousset,
Les actes de la province ecclésiastique de Reims, Reims, 1842-1844, II, 189 (O. Pontal,Les Conciles, p. 265) ou en 1119 d'aprèsGC9, 781.Ordo judiciarius, voir lettre 138.
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a. Avranches, BM 243, 132rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 95
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À Raoul, par la grâce de Dieu révérend archevêque de Reims, Yves, par la même grâce ministre de l'Église de Chartres, salut et service.
Votre grandeur a ordonné à Raoul, abbé de Saint-Quentin de Beauvais, d'exécuter en vertu de l'obéissance, dans les quinze jours après avoir vu votre lettre, le jugement qui a été rendu par l'évêque d'Amiens à propos du moulin du bienheureux Quentin. L'abbé répond à cela qu'il n'a eu connaissance d'aucun jugement sur cette affaire et qu'il ne s'y est pas soustrait ; toutefois si le jugement s'était fait, il n'aurait pas été en accord avec la loi, puisque la loi doit être juste, possible, adaptée au lieu et au temps, toutes choses que la raison prouve manifestement avoir manqué dans cette affaire.
En effet il n'est pas juste que le dommage que la négligence ou l'obstination de l'abbé s'inflige, ce soit un autre qui y remédie, puisque l'abbé refuse à dessein de consolider les rives de la rivière qui coule le long des prés, sur lesquelles il y a litige. Si ces rives avaient été consolidées, comme nous les avons souvent vues et traversées, il n'y aurait aucun litige sur l'eau qui déborde dans les prés. Il n'est pas non plus juste que ce qui est commis par tous les moulins de la banlieue de Beauvais se retourne tout entier sur le moulin du bienheureux Quentin. Si toutes les choses étaient ramenées à leur état ancien, tout ce litige s'apaiserait. Car l'abbé et certains moines de Saint-Lucien entretiennent d'anciennes inimitiés contre l'Église du bienheureux Quentin qui, aussi longtemps qu'elle eut un soutien et défenseur, demeura en paix à l'écart de ces troubles et eut une possession tranquille pendant quarante-cinq ans. En outre toute obéissance doit être possible et, comme il a été dit, adaptée au temps et au lieu. Or votre ordre d'obéissance, enjoint avec une si grande rigueur audit abbé, même s'il était juste que ce dernier doive le remplir, ne peut d'aucune manière être rempli pour le moment à cause de la rigueur de l'hiver et des lieux marécageux, parce qu'aucun ouvrier n'a la possibilité de travailler en ce moment dans des lieux marécageux et inondés.
Donc si quelque chose vous a été extorqué par quelque importunité ou subterfuge, nous demandons à votre paternité de tempérer avec discernement votre sentence, en considérant l'opportunité des choses et des lieux, de manière à ce que l'Église du bienheureux Quentin ne soit pas contrainte de réduire l'activité de son moulin au point qu'il perde son office de moulin et que le monastère de Saint-Lucien, en s'en remettant à des juges qui puissent traiter l'affaire selon l'ordre judiciaire, ne renonce pas à son droit. Adieu.