Description
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Yves, évêque de Chartres
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Raoul, abbé de Saint-Fuscien
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après 1090 - avant 1116
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n.c.
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Lettre
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Ivo, Dei gratia Carnotensis Ecclesiae minister, Radulfo, abbati monasterii Sancti Fusciani(1), patientiam beati Job.
Jam a longo tempore audivimus languorem tuum et tam humanitatis intuitu quam pietatis affectu condoluimus ; et si possemus competenter medicinae remedia adhibere, pro competentia locorum et temporum opportunitate, si curabilem sciremus morbum, libenter studeremus aliqua remedia procurare. Verum quia intervalla locorum et innumerabilium onera negotiorum nos ad hoc vacare non sinunt, cum vix ipsa praesentia corporalis ad chronicas passiones curandas sufficiat, tutius nobis videtur medicinam non dare quam eam inutiliter vel perniciose ministrare. Consilium ergo damus ut corporales molestias patienter supportes quas pro igne purgatorio severa Dei misericordia tibi contulit ad purgationem vitiorum custodiamque virtutum. Neque enim credimus tibi timendum esse alium ignem purgatorium, si hunc patienter sustinueris et in gratiarum actione permanseris.
De caetero, si videris in regimine monasterii te non posse sufficere, non consulo ut tanquam arbor infructuosa occupes terram(2), sed des locum alicui de fratribus quem congregatio regulariter elegerit, qui et monasterium regat et tibi in quieto loco, quamdiu vixeris, filiali charitate serviat. Unctionem(3) vero quam semel accepisti, non aestimo repetendam, quia, secundum institutum apostolicae sedis, genus est sacramenti(4). Qui autem sacramenta Christi et Ecclesiae repetit injuriam ipsis sacramentis ingerit. Unctio enim infirmorum publicae poenitentiae est sacramentum, quam(a) non esse repetandam sicut nec baptismum testatur Augustinus, testatur Ambrosius. Augustinus in epistola ad Macedonium(5) : « Caute salubriterque provisum est ut locus illius humillimae poenitentiae semel in Ecclesia concedatur, ne medicina vilis minus utilis esse aegrotis videatur(b), quae tanto magis salubris est quanto minus contemptibilis fuerit. » Ambrosius in secundo libro De poenitentia(6) : « Sicut est unum baptisma, ita et una poenitentia, quae tamen publice agitur. Nam quotidie nos debet poenitere peccati ; sed haec delictorum leviorum, illa graviorum. »
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quia M
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esse videatur] esset AM.
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Saint-Fuscien-aux-Bois, cne Sains-en-Amiénois, cant. Boves, arr. Amiens, Somme, abbaye fondée vers 580, réformée en 1105.
GC10, 1303-1304. L'abbé Raoul, élu vers 1106/7, est mort après 1126. En 1125 l'évêqueIngelrannuslui a fait concession d'églises et en 1126 il a souscrit à une charte pour Corbie. Il s'est donc remis de sa maladie !
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Métaphore évangélique, sans citation précise (Marc. 11, 20 par ex.).
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Le problème de la réitération de l'onction des malades se pose à l'époque. Geoffroy de Vendôme, éd. citée, lettre 160, p. 352-355, interroge Yves, car il n'est pas d'accord avec l'opinion de certains de ses moines qui prônent la réitération. La réponse d'Yves, réelle ou reconstituée, lettre 160bis, p. 354-357, reprend la fin de la lettre ci-dessus, à partir de
Unctionem.
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Genus est sacramenti, l'expression est tirée de la lettre d'Innocent à l'évêqueDecentius, c. 8,Fausses décrétales, éd. Hinschius, p. 528. Yves,Décret2, 75 (Gratien, D. 95, 3).
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Augustin, lettre 153, 7, éd. A. Goldbacher,
CCSL, t. 44, p. 402-403. Yves,Décret15, 24 (Gratien, D. 50, 62 et DP 3, 22).
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Ambroise,
De Poenitentia, l. 2, c. 10, 95,PL16, col. 520. Yves,Coll. Tr. . 29, 284 (Gratien,DP3, 2) Le texte est absent duDécretet de laPanormie.
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a. Avranches, BM 243, 130v-131
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 94
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Yves, par la grâce de Dieu ministre de l'Église de Chartres, à Raoul, abbé du monastère de Saint-Fuscien, la patience du bienheureux Job.
Il y a déjà longtemps que nous avons appris ta maladie et nous y avons compati autant par considération d'humanité que par sentiment de piété ; et si pous pouvions fournir les remèdes d'une médecine appropriée, selon la convenance des lieux et l'opportunité des temps, si nous savions ta maladie curable, nous nous appliquerions volontiers à te procurer quelque remède. Mais parce que l'éloignement des lieux et les charges de nos innombrables affaires ne nous permettent pas de nous libérer pour cela, comme la présence corporelle elle-même suffit à peine à soigner les affections chroniques, il nous semble plus sûr de ne pas donner de médication que d'en administrer une qui serait ou inutile ou pernicieuse. Nous te donnons donc le conseil de subir avec patience les douleurs corporelles que la sévère miséricorde de Dieu t'a envoyées à la place du feu purgatoire pour purger tes péchés et préserver tes vertus. Nous ne croyons pas en effet que tu doives craindre un autre feu purgatoire, si tu supportes celui-ci avec patience et demeures dans l'action de grâce.
Par ailleurs, s'il te semble que tu ne puisses assurer la direction de ton monastère, je te conseille non d'occuper la terre comme un arbre stérile, mais de donner la charge à un des frères que la congrégation aura régulièrement élu, qui puisse diriger le monastère et te servir avec une charité filiale en un lieu tranquille, aussi longtemps que tu vivras. Quant à l'onction que tu as reçue une fois, je ne pense pas qu'il faille la réitérer, parce que, selon l'institution du siège apostolique, c'est une forme de sacrement. Celui qui réitère les sacrements du Christ et de l'Église fait injure à ces sacrements mêmes. Car l'onction des malades est le sacrement de la pénitence publique, qui ne doit pas être réitérée, pas plus que le baptême, selon le témoignage d'Augustin et celui d'Ambroise. Augustin dans la lettre à Macedonium : « Il a été prévu avec prudence et profit que le moment de cette très humble pénitence ne soit concédé qu'une seule fois dans l'Église, de peur qu'une médecine avilie ne soit pas utile aux malades ; elle est d'autant plus profitable qu'elle aura été moins dépréciée. » Ambroise dans le second livre de La Pénitence : « Comme le baptême est unique, ainsi unique est la pénitence qui se fait en public. Car chaque jour il faut se repentir de son péché ; mais celle-ci est pour les fautes plus légères, celle-là pour les fautes plus graves. »