Description
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Yves, évêque de Chartres
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Louis 6, roi de France
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après 1114/01 - avant 1114/12/06
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[1114, av. le 6 décembre]
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Lettre
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Ludovico, Dei gratia serenissimo Francorum regi, domino suo, Ivo, humilis Ecclesiae Carnotensis minister, ejus praeceptis obedire cui servire est regnare(1).
Domnus Godefridus, Ambianensis episcopus(2), vir religiosus et honestus, nuper Belvaci hospitatus, ad colloquium nostrum pro humilitate sua venit ; importabiles miserias suas et angustias quibus a violatoribus pacis vexatur lacrymabiliter nobis aperuit(3) et consilium quomodo tanta mala mitigare posset a me anxie quaesivit. Quod cum excederet vires meas, quia consilium sine fortitudine(4) inutile esse solet, hoc unum mihi prae caeteris occurrit, quatenus eum monerem ut regiam majestatem adiret, apud quam et consilium inveniri et auxilii fortitudo valeat sociari. Ex jure ergo fidelitatis et dilectionis, monemus et rogamus regiam majestatem vestram quatenus lacrymabiles ejus conquestiones intenta aure perpendatis et cor vestrum aculeis doloris ejus suggerente pietate compungatis. Decet enim regiam majestatem vestram ut pactum pacis quod, Deo inspirante, in regno vestro confirmari fecistis(5), nulla lenocinante amicitia vel fallente desidia, violare permittatis, ne si uni in hoc maxime principio parcere volueritis, multos in discrimen adducatis(6), cum e contrario dicat Scriptura(7) : « Pestilente flagellato sapiens sapientior erit » et(8) : « Intelligens gubernacula possidebit ». Si ergo poena malorum utilis est sapienti, multo magis impunitas malorum nocitura est insipienti. Faciat itaque gladius regalis officium suum ad vindictam malorum ut, sicut pios colligit mansuetudine, sic impios coerceat justa severitate(9). Sic devotio pauperum pro vestra salute Dominum(a) orabit et quod a Salvatore postulaverit impetrabit. Valete.
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Deum AM.
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Voir lettre 239, adresse similaire. Cette lettre d'Yves à Louis VI est éditée par J. Dufour,
Recueil des actes de Louis VI, t. 2, appendice II, n° 6, p. 456-457. La lettre est antérieure au concile de Beauvais, voir noteinfra.
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Ancien moine du monastère du Mont-Saint-Quentin, cne Allaines, cant. et arr. Péronne, Somme, puis abbé de Sainte-Marie de Nogent en 1090 ou 1091. Élu évêque d'Amiens en 1104, il connut de nombreux problèmes dans l'administration de son diocèse et se retira à la Grande Chartreuse en 1114. D'après dom Brial et A. Luchaire (cités par J. Dufour, note 1), c'est à ce moment qu'eut lieu l'entrevue avec Yves. Le 6 décembre, un concile réuni à Beauvais devait statuer sur son sort. La décision fut prise au concile de Soissons le 6 janvier 1115, où on lui demanda de reprendre sa charge, mais il mourut la même année.
DHGEXX, 528. O. Pontal,Les conciles, p. 260-261. Guibert de Nogent,Autobiographie, p. 401-415. L. Morelle, « Un “grégorien” au miroir de ses chartes : Geoffroy, évêque d'Amiens (1104-1115) »,À propos des actes d'évêques. Hommage à Lucie Fossier, Nancy, 1991, p. 177-218. Lettres et chartes de Godefroy éditées dansPL162, col. 731-750. Lettres de Lambert d'Arras à Geoffroy, éd. citée, E. 94, 120. Lettre de Geoffroy à Lambert, E. 118.
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Amiens et sa région subissaient les exactions de Thomas de Marle, fils du comte d'Amiens Enguerrand de Boves, Suger,
Vie de Louis VI le Gros, ch. 24, p. 175.
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D'après Is. 11, 2,
spiritus consilii et fortitudinis.
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Allusion à la paix conclue en mars 1113 avec le roi d'Angleterre ? Suger,
ibid., ch. 23, p. 171-173.
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Yves,
Décret10, 171, voir références lettre 114.
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Prov. 19, 25,
stultusau lieu desapiens.
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Prov. 1, 5,
sapiens sapientior erit et intelligens gubernacula possidebit.
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Louis VI mit le siège le 12 avril 1115 devant la tour d'Amiens occupée par Adam, représentant le comte Enguerrand de Boves, et deux ans plus tard rétablit la paix, Suger,
ibid., ch. 24, p. 179.
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a. Avranches, BM 243, 130rv
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M. Montpellier, Ecole de médecine H 231, 93v
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À Louis, par la grâce de Dieu sérénissime roi des Francs, son seigneur, Yves, humble ministre de l'Église de Chartres, obéir aux préceptes de celui pour qui servir est régner.
Le seigneur Godefroy, évêque d'Amiens, homme pieux et honorable, reçu récemment à Beauvais, est venu pour son humilité s'entretenir avec nous ; il nous a dévoilé dans les larmes ses insupportables malheurs et les tourments dont il est accablé par les violateurs de la paix et il a recherché anxieusement auprès de moi un conseil pour pouvoir adoucir de si grands maux. Et comme cela excédait mes forces, parce qu'un conseil sans la puissance a coutume d'être inutile, s'est présentée à moi de préférence à toutes les autres cette unique solution, lui conseiller de s'adresser à la majesté royale, auprès de laquelle on puisse trouver un conseil et y joindre la puissance d'une aide. Donc selon le droit de notre fidélité et de notre affection, nous conseillons et demandons à votre majesté royale d'examiner d'une oreille attentive ses plaintes lamentables et, poussé par la piété, de laisser frapper votre cœur des aiguillons de sa douleur. Car il convient à votre majesté royale que ce pacte de paix que, sous l'inspiration de Dieu, vous avez fait confirmer dans votre royaume, vous ne permettiez pas qu'il soit violé par l'intervention d'aucune amitié ou par la trahison d'aucune négligence, de peur que, surtout en ce haut rang, si vous voulez en épargner un seul vous en entraîniez beaucoup à leur perte, alors qu'au contraire l'Écriture dit : « Une fois fouetté le scélérat, le sage sera plus sage » et : « L'homme intelligent sera maître du gouvernail ». Si donc la peine des méchants est utile au sage, bien plus l'impunité des méchants nuira à l'insensé. Que le glaive royal fasse donc son office pour punir les méchants afin que, de même qu'il accueille les pieux avec mansuétude, de même il contraigne les méchants avec une juste sévérité. Ainsi la dévotion des pauvres priera le Seigneur pour votre salut et obtiendra du Sauveur ce qu'elle aura demandé. Adieu.